Babeuf et les Egaux de 1795 (citations)

mardi 28 juin 2011.
 

« Peuple ! Réveille-toi à l’Espérance. »

Gracchus BABEUF (1760-1797), Le Tribun du Peuple, 30 novembre 1795

Ce révolutionnaire passe une partie de la Terreur en prison et fonde son journal au lendemain du 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Il y expose ses théories communistes, privilégiant la notion de lutte des classes et visant à une société des Égaux. Il se prépare maintenant à passer à l’action.

« La propriété est odieuse dans son principe et meurtrière dans ses effets […] Les fruits de la terre sont à tous et la terre n’est à personne. »

Gracchus BABEUF (1760-1797), Le Tribun du Peuple, décembre 1795

Babeuf ne se contente pas d’exposer ses théories « communistes », il est au centre d’un complot qui se trame contre le régime : la conspiration des Égaux.

« Disparaissez enfin, révoltantes distinctions de riches et de pauvres, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernement et de gouvernés. »

Pierre Sylvain MARÉCHAL (1750-1803), Manifeste des Égaux, programme rédigé fin 1795, et devenu la Charte de la conspiration des Égaux. Histoire des classes ouvrières en France depuis 1789 jusqu’à nos jours, volume I (1867), Émile Levasseur

Babeuf, Buonarotti et quelques autres conjurés forment un « Directoire secret » pour renverser l’autre, le vrai… qui est au courant de tout. Barras a de bons indicateurs, et Carnot monnaie la trahison d’un des conjurés, Grisel. Il faut faire un exemple, effrayer le bon peuple et surtout le bourgeois, avec cette affaire.

L’âme en est Gracchus Babeuf, rescapé de la Terreur, « mélange de terrorisme et d’assistance sociale », selon Maxime Leroy (Histoire des idées sociales en France, De Montesquieu à Robespierre). Dans son journal, Le Tribun du Peuple, Babeuf a déjà lancé son vibrant appel : « Peuple ! réveille-toi à l’Espérance. »

« Nous prétendons désormais vivre et mourir égaux comme nous sommes nés ; nous voulons l’égalité réelle ou la mort : voilà ce qu’il nous faut. »

Pierre Sylvain MARÉCHAL (1750-1803), Manifeste des Égaux (1801). Gracchus Babeuf et la Conjuration des Égaux (1869), Philippe Buonarroti, Arthur Ranc

La police cueille les conspirateurs, le 11 mai 1796. Pour l’opinion publique, c’est la chute d’une nouvelle faction terroriste, dernier sursaut du jacobinisme dont il faut débarrasser le pays. Le Directoire montre sa force, mais c’est surtout l’opposition royaliste qui se trouve renforcée, dans l’espoir d’un rétablissement de la monarchie.

Au procès de Vendôme, l’année suivante, la plupart des 65 inculpés seront acquittés. Babeuf et Darthé sont condamnés à mort et exécutés ; 7 autres sont déportés, dont Buonarroti. Libéré par Napoléon, il écrira trente ans après La Conspiration pour l’égalité, dite de Babeuf, qui influencera le socialiste Auguste Blanqui. Babeuf a d’autres héritiers au XIXe siècle : Karl Marx et Friedrich Engels reconnaissent en lui le précurseur du communisme, et le premier militant de la cause.

Le Dieu du genre humain, c’est le genre humain lui-même.

Si j’observe ensuite la faible minorité qui ne manque de rien, en dehors des propriétaires terriens, je la vois composée de tous ceux qui ne mettent pas de fait la main à la pâte, de tous ceux qui se contentent de calculer, de combiner, de travestir, de raviver et rajeunir sous des formes toujours nouvelles le très vieux complot à l’aide duquel on parvient à faire remuer une multitude de bras sans que ceux qui les remuent en tirent le fruit destiné, dès le principe, à s’entasser en grande masse sous la main des criminels spéculateurs, lesquels, après s’être entendus pour réduire sans cesse le salaire du travailleur, se concertent, soit entre eux, soit avec les distributeurs de ce qu’ils ont entassé, les marchands, leurs co-voleurs, pour fixer le taux de toutes choses de telle sorte que ce taux ne soit à la portée que de l’opulence.

« Car enfin, c’est du pauvre auquel on n’a point songé encore, c’est, dis-je, du pauvre qu’il doit être principalement question dans la régénération des lois d’un empire ; c’est lui la cause qu’il intéresse le plus de soutenir. Quel est le but de la société ? N’est-ce pas de procurer à ses membres la plus grande somme de bonheur qu’il est possible ? Et que servent donc toutes vos lois lorsqu’en dernier résultat elles n’aboutissent point à tirer de la profonde détresse cette masse énorme d’indigents, cette multitude qui compose la grande majorité de l’association ? »

CONCURRENCE : « La concurrence qui, loin de viser à la perfection, submerge les produits consciencieux sous des amas de produits décevants, imaginés pour éblouir le public qui n’obtient le vil prix qu’en obligeant l’ouvrier à se perdre la main dans les ouvrages bâclés, en l’épuisant, en l’affamant, en tuant sa moralité par l’exemple du peu de scrupule ; la concurrence qui ne donne la victoire qu’à celui qui a le plus d’argent ; qui, après la lutte, n’aboutit qu’au monopole dans les mains du vainqueur et au retrait du bon marché. la concurrence qui fabrique n’importe comment , à tort et à travers, au risque de ne pas trouver d’acheteurs et d’anéantir une grande quantité de matière première qui aurait pu être employée utilement mais qui ne servira plus à rien. »

Au lieu de cela, les lois sociales ont fourni à l’intrigue, à l’astuce et à la souplesse les moyens de s’emparer adroitement des propriétés communes... Mais ce n’est point là où s’est borné le mal, ces travaux sont devenus enfin une ressource absolument insuffisante pour chaque individu. Tout ayant concouru à ce que les petites fortunes s’engouffrent dans les grandes, le nombre des ouvriers s’est excessivement accru. Non seulement il est résulté que les salaires ont pu être diminué de plus belle, mais qu’une très grande quantité de citoyens s’est vue dans l’impossibilité de trouver à s’occuper, même moyennant la faible rétribution fixée par la tyrannique et impitoyable opulence et que le malheur avait impérieusement forcé l’artisan d’accepter.

Ces malheureux (les chômeurs) sont probablement des travailleurs dépourvus d’ouvrage, ou dont les faibles gains ne peuvent plus monter à la hauteur du prix de la denrée nécessaire à la subsistance. Ces sortes d’infortunés sont sans doute les plus dangereux dans leur détresse. Accoutumé à vivre des fruits de son industrie, il en coûte à l’homme laborieux d’être forcé d’implorer la pitié de son égal. S’il s’y abaisse dans l’excès de sa peine, malheur à celui dont il se trouve rebuté. La colère le rend prêt à tout.

POUVOIR : La monarchie d’un seul ou de plusieurs tombe toujours nécessairement dans des mains impures et perfides. Celui qui accepte ce pouvoir est par cela seul perfide et impur. L’homme qui a accepté une fois de boire dans la coupe de l’autorité sans bornes est un tyran et le sera toujours.

Si le peuple est souverain, il doit exercer lui-même tout le plus qu’il peut de souveraineté.

L’éducation est une monstruosité lorsqu’elle est inégale, lorsqu’elle est le patrimoine exclusif d’une portion de l’association ; puisqu’alors elle devient la main de cette portion, un amas de machines, une provisions d’armes de toutes sortes, à l’aide desquelles cette première portion combat l’autre qui est désarmé.

Nul ne peut par l’accumulation de tous les moyens priver l’autre de l’instruction nécessaire pour son bonheur ; l’instruction doit-être commune.

La prétendue supériorité de l’homme sur la femme et la despotique autorité qu’il s’arroge sur elle ont la même origine que la domination de la noblesse.

COMMENTAIRE :

Il a songé très tôt à la possibilité d’une société strictement égalitaire. Comme la plupart des penseurs de son temps, il se réfère aux origines de l’homme, ce qu’il appelle l’état naturel. A cette époque, selon lui, la propriété n’existe pas.

Or cette propriété est pour lui la source de toutes les inégalités. Il souhaite donc l’abolir. Dans l’économie de son temps, surtout agricole, cela revient à créer de fermes collectives, dirigées par les plus doués. Leur produit, après déduction de la part revenant aux producteurs, est centralisé et réparti entre les non producteurs.

Les usines deviennent aussi collectives. Tous les salaires sont égaux, y compris, par exemple, la solde des militaires quel que soit leur grade. Chacun a droit au travail, chacun a l’obligation de travailler.

Une société ainsi conçue n’a pas besoin de gouvernement, sauf pendant une brève période d’adaptation. Elle est pour lui le seul moyen d’atteindre le but qu’il s’est fixé, qui doit être le seul but de toutes les sociétés, et qui est inscrit dans la constitution de 1794 : le bonheur commun.


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