21 août 1941 : Fabien débute la résistance armée au nazisme

lundi 22 août 2022.
 

21 août 1941 : à Barbès-Rochechouart, Fabien tire

L’acte du militant communiste et résistant, qui, à vingt et un ans, a déjà combattu le fascisme en Espagne, donne le signal de la lutte armée contre l’occupant.

Il est encore tôt, ce matin du 21 août 1941 à Paris. Au métro Barbès-Rochechouart, un officier de la Kriegsmarine s’apprête à monter dans la rame. Deux coups de feu claquent, il s’écroule. C’est dans la France occupée le premier acte de la résistance armée. Son auteur, Pierre Félix Georges, entrera dans l’histoire sous le nom de colonel Fabien. Né dans le 19e arrondissement, il n’a que vingt et un ans, mais il a déjà combattu le fascisme, en Espagne. À la fin de l’année 1936, il s’est engagé dans les brigades internationales en mentant sur son âge. Il est communiste. Les deux coups de feu de Fabien vont avoir un sens clair. Pour les nazis, cela veut dire qu’en dépit de la collaboration active du gouvernement de Pétain, de l’appui de la police française dirigée par Bousquet, ils ne seront plus en sécurité. Pour une part de l’opinion française, encore fidèle à Pétain, c’est le signe que la guerre continue. Certes, depuis Londres, le général de Gaulle l’a dit dès le 18 juin 1940. Mais il s’agit de rassembler les forces de l’empire colonial et de reconstituer à partir de Londres une force combattante, s’appuyant en France sur des réseaux de résistance tournés vers le renseignement ou constituant des forces d’appoint dans l’attente du grand jour. L’action de Fabien signifie que le combat au cœur même de la capitale et des villes passe par la lutte armée. C’est aussi un acte politique majeur. La résistance française, pour le PCF, sera populaire, sur la terre de France. La portée de cette décision est considérable. Sans elle, à tout bien considérer, la libération de Paris « par lui-même », selon la formule du général, n’aurait peut-être pas eu lieu.

« Paris a froid, Paris a faim, Paris ne mange plus de marrons dans la rue, Paris a mis de vieux vêtements de vieille », écrivait Paul éluard. Pas pour tout le monde. La collaboration est devenue pleinement active, ce qui ne va pas sans interrogations dans l’opinion. Le 12, Pétain déclare à la radio qu’il sent souffler un vent mauvais  : « L’inquiétude gagne les esprits, le doute s’empare des âmes, l’autorité de mon gouvernement est discutée. » Le 14, Vichy décrète que les magistrats, les hauts fonctionnaires et les militaires doivent prêter serment au maréchal. Le 20, la police française, à la demande des Allemands, arrête 3 447 juifs, internés à Drancy. Au matin du 21 août, un communiqué officiel annonce  : « Pour activité en faveur de l’ennemi, le juif Samuel Tyszelman et le nommé Henri Gautherot, tous deux domiciliés à Paris, ont été condamnés à mort. Ils avaient participé à une manifestation communiste dirigée contre les troupes d’occupation allemandes. En exécution de l’arrêt, ils ont été fusillés. » Tous deux étaient des amis de Fabien.

Pour les communistes français, le trouble du pacte germano-soviétique de 1939 est déjà loin. Pas seulement parce que l’Allemagne est lancée depuis juin contre l’Union soviétique, mais parce que la répression contre les communistes, dès juillet 1940, ne laisse guère de place aux ambiguïtés. Pour Vichy comme pour les nazis, les communistes sont l’ennemi principal. Dès octobre 1940, les communistes ont créé les OS, organisations spéciales, dont le but est d’agir contre l’occupant. Le 15 mai, le PCF lance un appel à la constitution d’un front national de lutte pour la libération de la France, et des attentats et sabotages, en particulier contre les installations ferroviaires, commencent à se multiplier. Mais il faut faire plus. Les nazis, dès septembre 1940, ont déjà désigné des otages qui seraient exécutés en cas de troubles. Ils ont exécuté des patriotes. Jacques Bonsergent qui a « bousculé des soldats allemands » en décembre 1940, André Masseron qui a chanté la Marseillaise, le 19 juillet 1941, Roger Roig le 24 qui a tenu des propos injurieux. Le premier, sans doute, fut à Rouen, Étienne Dechavanne, dès juillet 1940.

Il faut un choc. Ce n’est pas si simple. Est-ce la bonne stratégie  ? Fabien va donner l’exemple. Ce jeune homme est déjà un combattant aguerri, devenu sous-officier en Espagne, grièvement blessé en 1938. Revenu à Paris il est « ajusteur d’avion » et épouse Andrée Coudrier qui sera déportée à Ravensbrück. Élu au Conseil national de la jeunesse communiste, puis arrêté dans son usine où les ouvriers se solidarisent en se mettant en grève, il s’évade, commence à organiser l’activité clandestine du PCF dans différentes régions. Il revient à Paris début 1941, à la demande de la direction du PCF. Le 21 août, il tire.

Fabien installe ensuite le premier maquis de France dans le Doubs, attaqué en octobre par la gendarmerie. Il est de nouveau blessé, à la tête. Il traverse le Doubs à la nage, regagne Paris. Arrêté par la police française, il est torturé et remis à la Gestapo. Il s’évade du fort de Romainville et reprend les combats dans divers maquis. En 1944, il est l’un acteurs importants de l’insurrection parisienne. Le groupe qu’il commande devient le 151e régiment d’infanterie sous les ordres du général Delattre de Tassigny. Ce dernier le voyait déjà général. Le 27 septembre 1944, Pierre Georges, le colonel Fabien, saute sur une mine dans des conditions restées imprécises. Il avait vingt-cinq ans.

Maurice Ulrich


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