Gaz à effet de serre : La course à l’abîme (éditorial national du PG)

dimanche 19 juin 2011.
 

La très officielle Agence internationale de l’énergie vient de publier des chiffres catastrophiques sur les émissions de gaz à effet de serre dans le monde. En 2010, 30,6 gigatonnes de CO2 ont été rejetées dans l’atmosphère, soit « un bond de 5% par rapport à la précédente année record de 2008 ». L’Agence parle de « sérieux revers » de la lutte contre le réchauffement climatique et estime que si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas drastiquement réduites l’objectif de limiter la hausse moyenne des températures à 2°C sera « une belle utopie ».

Selon l’AIE c’est plutôt 4°C qu’il faut craindre. Un scénario catastrophique : non seulement la chaleur deviendrait insupportable dans certaines parties du globe, mais les changements climatiques « mèneraient à un large mouvement de migrations et à des conflits, perturbant la vie de centaines de millions de personnes à travers la planète. »

Cette information est-elle moins intéressante que l’affaire DSK ou le PMU politique des primaires socialistes ? Le sujet méritait-il moins d’être discuté au G8 que celui de la « moralisation du web » ? Le silence qui accompagne ce rapport confine à l’inconscience suicidaire. Mais il s’explique. La lutte contre les émissions de GES contredit les dogmes en vigueur et les intérêts des puissants. Ceux à court terme cela va de soi mais le long terme ne compte pas dans ce capitalisme financier obsédé de rentabilité immédiate.

Les derniers chiffres publiés montrent notamment que la principale cause de cette hausse est le développement du commerce mondial qui est l’un des piliers du consensus néolibéral et l’objectif d’institutions comme l’OMC. On avait l’habitude de saluer la baisse des émissions de carbone des pays développés réalisée depuis le sommet de Rio de 1990 en critiquant la hausse continuelle dans les pays « émergents ». Or une étude récente établit que cette baisse était optique. En réalité, les émissions dans les pays développés ont été « délocalisées » à travers la hausse des importations de produits manufacturés. Si l’on réintègre dans le total des émissions de gaz à effet de serre le poids des importations, on passe ainsi d’une baisse de 2% à une hausse de 7% (et même de 12% si l’on exclut la Russie et l’Ukraine dont les économies se sont effondrées au début des années 90).

Les fables du capitalisme vert et de la finance verte sortent étrillées de ces chiffres. Centre de la finance mondiale et phare des néolibéraux, les Etats-Unis obtiennent ainsi le pire résultat des pays développés avec une hausse sur la période de 17% à l’intérieur de leurs frontières et 25% en tenant compte des importations (alors que le pays avais promis de baisser ses émissions de 7%). Cette étude montre aussi le caractère anti-écologique de la désindustrialisation vantée comme un summum de modernité. L’économie britannique, largement dominée par les services, affiche ainsi une baisse des émissions de GES de 5% de 1990 à 2008. Mais sitôt le commerce extérieur réintégré, elle connaît en réalité l’une des plus fortes hausse avec un bond de 16% !

Face à l’urgence environnementale, il faut à l’inverse relocaliser l’économie, réindustrialiser les pays « développés » et reconvertir les industries polluantes. Un protectionnisme internationaliste avec une taxation kilométrique aux frontières de tous les pays permettrait de réintégrer le coût environnemental des importations et de dégager des fonds pour la lutte contre les émissions de GES. Ce qui implique d’abord que l’intérêt général des peuples reprenne le pouvoir.

2) Climat : le cri d’alarme lancé par les experts (article Le Monde)

Les émissions mondiales de CO2 ont atteint leur plus haut niveau historique en 2010. Elles exposent la planète à un risque de réchauffement incontrôlé. L’alerte donnée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), lundi 30 mai, mérite d’être entendue.

Alors qu’une partie du globe, de la France à la Chine, subit un exceptionnel épisode de sécheresse, un phénomène qui pourrait devenir de plus en plus fréquent selon les experts, le climat semble n’avoir jamais été aussi absent des préoccupations.

Les plus riches de la planète, réunis à Deauville les 26 et 27 mai pour un nouveau G8, ont effleuré le sujet - pour confirmer leur refus de s’engager dans un accord contraignant.

Tout plaide, pourtant, pour que le climat reste au centre des priorités de la communauté internationale. Pour commencer, la multiplication des événements météorologiques extrêmes. Les dérèglements annoncés par les climatologues se vérifient chaque jour un peu plus, infligeant à l’économie mondiale des pertes considérables.

Les interrogations sur le nucléaire après la catastrophe de Fukushima obligent, ensuite, à repenser notre avenir énergétique. L’Allemagne, qui vient de décider de sortir de l’atome dès 2022, se transforme en laboratoire. Le remplacement du nucléaire, faible émetteur de CO2, se fera-t-il par des énergies renouvelables ou bien du gaz et du charbon, au risque, dans cette dernière hypothèse, de troquer le risque nucléaire par le péril climatique ?

Enfin, la flambée du cours du pétrole, qui rend un peu plus compétitives les énergies renouvelables, devrait inciter les Etats à subventionner davantage les technologies "vertes", et non les énergies fossiles.

Pour avoir une chance de maintenir le réchauffement sous la limite de 2 0C d’ici à la fin du siècle, les émissions de CO2 doivent non seulement cesser d’augmenter, mais commencer à baisser dès 2015.

Cet objectif nécessite des investissements massifs dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Il est peu probable que les gouvernements prennent ce chemin en l’absence d’un accord international ambitieux.

Or, pour l’instant, les engagements de réduction des émissions de CO2 ne représentent que 60 % de l’effort nécessaire. Nombreux sont les pays en développement à attendre que l’Europe, historiquement en pointe sur la question du climat, continue à jouer un rôle moteur. L’Union européenne s’est déjà engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020 par rapport au niveau de 1990. Faut-il aller plus loin : aller à 30 %, au risque de faire cavalier seul ?

Sept pays européens sont pour ; la France tergiverse. Le Conseil européen des ministres de l’environnement, le 21 juin, donnera aux Vingt-Sept une chance de remettre le climat au premier plan. Ce serait une bonne chose.

Mais, sans l’engagement des Etats-Unis, de la Chine et de l’Inde, principaux émetteurs de la planète, les émissions de CO2 continueront de s’envoler.

Article paru dans l’édition du 01.06.11


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