Un printemps espagnol après le printemps arabe ? Nos rêves ne tiennent pas dans vos urnes (11 articles)

samedi 28 mai 2011.
 

Depuis le 15 mai, beaucoup de jeunes et des moins jeunes, chômeurs et précaires pour la plupart, occupent en permanence la Puerta Del Sol à Madrid. Ils ont été presqu’aussitôt imités à Barcelone, Athènes, Paris et d’autres villes de France.

Pendant ce temps en Espagne, le PSOE au pouvoir a reçu une sanction électorale terrible aux élections municipales et régionales le dimanche 22 mai : 600 000 de ses électeurs se prononçaient pour le Parti populaire (droite) et 220 000 autres se portaient vers Izquierda Unida (la coalition de la gauche unie). Le PSOE a perdu les mairies de Barcelone (au profit des catalanistes), de Séville, de Saint-Jacques de Compostelle, de La Corogne, de Leon, et presque toutes les régions qu’il dirigait : les Asturies, la Manche, l’Aragon, les Baléares, etc..Pour l’opposition de droite, c’est une victoire, mais une victoire par défaut : on a moins voté pour elle que contre le PSOE.

A Barcelone, la droite a gagné les élections dimanche dernier, et envoyé la police nettoyer vendredi la Place de la Catalunya de "ses" indignados : il fallait d’urgence rendre la ville aux supporters de foot. Dans la ville du Barça il était impensable d’ hypothéquer le bon déroulement d’une finale à domicile de la Ligue des Champions opposant le FC Barcelone à Manchester.

Pascal Holenweg , journaliste à La Tribune de Genève résume bien LA raison de ces mouvements contraires en Espagne, en précisant "qu’ elle ne vaut pas que pour les socialistes espagnols" :

" ... à quoi bon voter pour des socialistes s’ils mènent une politique plus droitière encore que celle du gouvernement de droite qui précédait le leur ? Quand le taux de chômage atteint 21 % (et même 45 % chez les jeunes), qu’aucune politique économique n’est proposée comme alternative à celle qui avait laissé la croissance se construire sur le tourisme et la spéculation immobilière, que la gauche institutionnelle n’offre aucune résistance à l’application des plans imposés par l’Europe et le FMI, non pas tant pour sortir l’Espagne de la crise que pour permettre à ses créanciers de toucher les intérêts de leurs prêts, un résultat comme celui que vient de subir le PSOE est logique. Logique, et mérité.

" Le bilan du gouvernement Zapatero, avant qu’il ne sombre dans l’atonie et la résignation à se transformer en exécutant docile des ukazes des grands argentiers européens et mondiaux, n’était pourtant pas insignifiant (moins cependant sur le terrain économique et social que sur le terrain culturel et sociétal : adoption du mariage homosexuel, libéralisation de l’avortement, rupture avec le silence officiel sur les crimes du franquisme...) -mais à un gouvernement socialiste, on est en droit de demander plus. On est surtout en droit de lui demander, d’abord, de se refuser à faire ce que le gouvernement socialiste espagnol a fait, pour complaire à ses « partenaires » internationaux : réduction de salaires, suppression de prestations et de protections sociales, éloignement de l’âge de la retraite... Résultat ? L’électorat de gauche a, quand il l’a pu, voté pour des formations d’opposition régionale à la politique nationale -et de ce point de vue la victoire de la coalition de la gauche nationaliste basque Bildu, que le gouvernement voulait interdire sur la suspicion de proximité avec ETA, alors qu’elle avait appelé ETA à renoncer définitivement à la lutte armée, est exemplaire. Bref, l’électorat espagnol a balancé un solide coup de pied au cul d’un PSOE incapable de choisir entre les Indignés de la Puerta del Sol et les indignités d’une cure d’austérité payée par celles et ceux qui sont déjà les victimes de la crise. Le PSOE a dès lors le choix : rejoindre un mouvement de refus de l’injustice sociale (..avec quelle crédibilité ?), ou terminer le sale boulot d’une politique de droite que la droite, rigolarde, n’a même pas besoin d’assumer, puisque la gauche le fait à sa place et le fait payer à la base sociale de la gauche. "

Jusqu’ici, ni la rue ni les urnes n’ont réussi à faire dévier Zapatero d’un millimètre : comme son collègue grec, comme Jospin en son temps, le chef du gouvernement "socialiste" a réaffirmé contre vents et marées qu’il poursuivrait sa politique d’austérité.

Toute la sympathie naturelle que nous avons pour les manifestants espagnols ne saurait effacer la critique et les questions que nous posent ce mouvement.

"La démocratie réelle maintenant !"

1- La référence au printemps arabe n’est pas si évidente, car elle est posée à Madrid et Paris dans un contexte différent des conditions plutôt âpres de la lutte contre les systèmes policiers totalitaires du Maghreb. Personne ne prétend que le peuple espagnol est complètement étouffé, comme il le fut sous le régime franquiste d’avant 1981... on admettra volontiers que le régime bourgeois est un régime de liberté surveillée, où la parole est libre... car elle ne compte pour rien.

Les manifestants de la Puerta Del Sol représentent peut-être plus que ce qu’il sont, mais ils ne représentent néanmoins, rejoints par des poignées de militant(e)s "internationalistas", qu’une partie seulement de la population. Tandis qu’en Tunisie, par exemple, les manifestants bénéficiaient du soutien de l’immense majorité du peuple.

2- "Mouvement citoyen indépendant et autogéré" le M-15 et ses épigones ont des idées généreuses et justes, socialement très avancées (cf annexe), c’est un printemps des idées pour une fraction de la jeunesse qui découvre tout, une fête de la fraternité retrouvée, un mouvement en ébullition, éperdument désireux d’une autre société, une efflorescence de slogans magnifiques, une école de la démocratie directe.

La plupart des propositions avancées par ces assemblées tracent le cadre d’une réforme très ambitieuse des institutions existantes pour davantage de transparence des décisions, etc, Elles ne prônent donc pas la subversion pure et simple du régime parlementaire bourgeois au profit d’une forme différente et supérieure de démocratie. Elles réclament entre autres (toutes plate-formes confondues) "Une réforme des conditions de travail de la classe politique" (sic) ou une "réduction des dépenses militaires" accompagnée de "la fermeture des usines d’armement" ou encore, et c’est peut-être l’élément le plus intéressant, "la convocation d’une Assemblée Constituante". Les droits à un revenu, un logement et un emploi digne figurent en bonne place, les revendications féministes sont réactualisées, des nationalisations ou la laïcité de l’éducation sont exigées, les grandes fortunes sont rabotées... encore que c’est assez cool finalement : on peut quand même continuer à amasser des fortunes à condition de raquer un peu plus. Enfin le terme de socialisme, projet réputé propre à la gauche, n’est pas évoqué, même en passant. A croire qu’il a été totalement discrédité avant d’avoir vécu. Dommage, Mélenchon lui, "au-dessus de 20.000 euros de revenus mensuels, il prend tout".

Nonobstant, le Parti de Gauche en France et d’autres ont néanmoins de bonnes raisons de frétiller, et certains de ses fans de s’extasier sur le Manifeste de la Bastille : "Mais c’est notre programme, c’est formidable !" Encore faudrait-il que le citoyen lambda, qui ne vit pas que de politique, et qui est formaté, ici comme là-bas, au mieux, par l’alternance et le bipartisme, ait une idée de ce que c’est qu’une Assemblée Constituante... Et puis, comment faire passer tous ces rêves de révolution sous les fourches caudines des institutions bourgeoises, autrement-dit par l’ isoloir ? La "révolution par les urnes" à laquelle tiens tellement Mr Mélenchon ne serait-telle pas une illusion plus désarmante encore ? Les indignés, si on veut bien les prendre au sérieux, nous permettent au moins de re-poser la question.

3- Le rejet fièrement affiché des organisations syndicales et politiques est compréhensible. Il est en effet illusoire de compter, en Espagne et ailleurs, sur les bureaucraties syndicales ou politiques généralement engluées dans la cogestion. Mais ce serait aussi un non-sens de camper sur cette position. Qu’on le veuille ou non, il est indispensable en France, comme en Espagne de s’adresser dès maintenant aux forces syndicales, et aux forces de la gauche de gauche et de l’extrême-gauche européenne, qui cristallisent chacune à leur manière, sur les lieux de travail ou dans le champ politique, les résistances concrètes à la domination du capital financier.

La meilleure chose qui puisse arriver au(x) "M15", et leur offrirait une porte de sortie honorable, serait peut-être de déboucher sur une nouvelle formation politique de masse, durable, internationaliste en actes, coordonnée à l’échelle européenne, et en capacité de secouer le noeud coulant des systèmes partidaires et parlementaires nationaux et européens pour faire, enfin, bouger les lignes à gauche et ouvrir l’avenir.

Sans quoi hélas, les lendemains des manifestants des "plazas" déchanterons très vite.

Bon, alors, occupons l’espace public, pique-niquons ensembles, discutons. Une trentaine de convives dont ma pomme participaient hier soir à la Fête des Voisins de ma résidence... On est 250 au bas-mot à y vivre. Il y avait un Monbazillac de derrière les fagots, et tant pis pour les fans du PSG ! Nous n’avons pas fini de nous asseoir plus nombreux sur les places publiques pour partager et espérer... que celà ne fait que commencer...

JMB

Source : http://blog.lepartisan.info/2011/05...

10) Le printemps espagnol éclate

Des milliers et des milliers d’indignés poursuivent leur protestation contre la classe politique et l’élite économique. La place madrilène de la Puerta del Sol a recommencé à déborder de personnes, c’est dans les villes moyennes, comme Valence, Séville ou Bilbao, où on a vu le plus la croissance exponentielle du mécontentement. Un fort impact dans le milieu politique.

Moins de football et plus de référendums

Les places espagnoles se sont à nouveau remplies hier par des milliers de personnes indignés contre le système politique, la crise économique et l’attitude de banquiers et dirigeants des grandes multinationales qui continuent de gagner de l’argent à flots tandis qu’autour d’eux grandit le chômage et se détériore l’état-providence. La journée printanière et l’assurance que la police n’appliquerait pas l’ordre de l’Assemblée Électorale d’interdire les manifestations pendant la journée de réflexion précédentles élections ont encouragé plus de citoyens à rejoindre le mouvement. Tandis que la place madrilène de la Puerta del Sol a recommencé à déborder des personnes, c’est dans les villes moyennes, comme Valence, Séville ou Bilbao, où l’a le plus vu la croissance exponentielle de la protestation.

À cette date le 15-M est déjà devenu un mouvement très organisé. Sous les tentes bleues il est fréquent de se trouver avec groupes de cyberactivistes en pleine activité. Tandis que les uns se chargent de Facebook, les autres racontent ce qui se passe sur Twitter, plusieurs montent des photos en direct avec leurs mobiles connectés à Internet, d’autres postent dans leur blog des documents pour le débat et il y a même des responsables pour résumer ce dont on parle dans les assemblées qui tous les jours se tiennent à 13.00, dans lesquelles les sujets sont très variés. Une commission de sécurité se charge du maintien de l’ordre et un groupe nombreux de personnes aident ceux qui ont un problème médical ou des handicapés qui s’approchent des places pour manifester. Hier, par exemple, l’assemblée de la Puerta del Sol débattait sur l’opportunité de retirer l’argent des grandes banques, ou d’exiger au Fonds monétaire international que les pays endettés puissent rendre les crédits sans intérêts ou promouvoir une démocratie d’assemblée. « Ensuite – explique David, avec un ordinateur portable dans une main – nous envoyons les conclusions aux autres places espagnoles avec lesquelles nous sommes en contact et de cette façon au fil des jours les mêmes sujets sont discutés dans tous les endroits. »

« L’âge des manifestants a changé aussi avec les jours qui passent. Bien que ce soient les jeunes qui ont entre 20 et 30 ans qui portent le poids de la protestation et représentent la face visible du mouvement, peu à peu des retraités, des employés et des femmes au foyer se sont ajoutés jusqu’à réussir à façonner une carte sociale hétérogène. « Nous venons parce que nous sommes dégoûtés des hommes politiques », explique une dame beaucoup plus au bras de son époux. « Regardez – dit un retraité avec une voix vive – j’ai la chaire de poule, si mon père vivait pour le voir. Quelque chose de pareil n’ est pas arrivé depuis les temps de la République.

Par les places passent aussi les sceptiques qui ne peuvent pas contrôlé leur curiosité. « C’est une chienlit », commente avec un certain mépris un monsieur en costume cravate qui est resté à peine quelques minutes en contemplant la foule. Le climat de fête est réel, mais pour que personne ne doute du sérieux de la protestation les « indignés » ont déjà mis une série d’affiches dans la nuit de vendredi avertissant « Ce n’est pas un botellon », par lequel on désigne en Espagne la réunion de jeunes sur les places les fins de semaines pour boire et s’amuser.

La génération perdue n’était pas endormie. Elle étudiait !

L’autre caractéristique du mouvement est l’hétérogénéité des causes qu’il réussit à regrouper. Pendant les derniers jours les autorités se sont trouvées surprises par le nombre infini de demandes d’autorisation pour manifester déposés par plus de 500 différentes associations. Depuis les écologistes aux groupes contraires à la dite « Loi Sinde » [Hadopi] qui limite les chargements de contenus protégés par les droits d’auteur sur Internet. Il y a des associations de consommateurs, de gens touchés par la crise immobilière et qui ont du rendre leur logement aux banques parce qu’ils n’ont pas pu continuer à payer l’hypothèque, il y a des défenseurs des droits des animaux et jusqu’au mouvement « Despacito » qui propose, la vie lente, comme alternative à la folie du monde moderne. Hier sur plusieurs places des discussions se sont tenues sur l’opportunité d’une « décroissance », théorie économique qui a grandi en France et qui se présente comme l’alternative au néolibéralisme dominant dans cette Europe contemporaine.

La Puerta del Sol, épicentre du printemps espagnol, les indignés ont mis hier sur pied une radio et même il y a eu un groupe qui s’est consacré à planter des légumes dans l’une des fontaines : le message était clair, le mouvement ne s’arrêtera pas lundi après les élections et plusieurs se demandent déjà comment poursuivre, quelles consignes établir comme conditions indispensables pour lever les campements et comment transformer le 15-M en fruits palpables par la société qui s’est majoritairement déversée dans les rues pour les appuyer. À l’heure de pointe de la manifestation, à huit heures du soir, la concentration débordait la place dans une dimension qui n’était même pas survenue dans la nuit de vendredi, qui avait été jusqu’à présent la plus fréquentée. Le mai espagnol semble en avoir encore pour un moment.

15-M a pris les hommes politiques ar surprise. Mariano Rajoy, leader du Parti Populaire de droite, n’a pas caché sa colère avec la situation. D’abord il a dit qu’il était très facile de critiquer les hommes politiques, dans ce qui a été interprété comme une défense fermée de la classe dirigeante devant la tournure qui prenait le mouvement de la rue, ensuite il a avancé que s’il était ministre de l’intérieur il n’aurait pas permis les marches pendant la journée de réflexion ou le jour des élections et enfin il a fini par accepter la décision du gouvernement de ne pas déloger les places par la force, bien qu’il rendit responsable de ce qui pouvait arriver le ministre de l’intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba.

Dans un premier temps la majorité s’est montré déconcertée, ensuite elle a compris la gravité de ce qui arrivait, puisque ceux qui étaient dans les rues pourraient majoritairement être bien des votants indignés et demandaient ouvertement qu’ils ne lui apportent leurs votes , après elle a essayé de faire des clins d’œil au mouvement, jusqu’à ce qu’enfin le vice-président du gouvernement, Alfredo Pérez Rubalcaba, l’homme le mieux situé dans la lutte interne pour la candidature présidentielle, gagne une sympathie inespérée dans les rues en interdisant l’évacuation des places.

Izquierda Unida, le troisième éternel dans la discorde, n’a pas non plus pu capitaliser le mécontentement. Bien que les enquêtes prédisent que ses votes seront décisifs dans quelques regions autonomes et mairies, et que les vieux héritiers du Parti Communiste dirigés par Cayo Laro Lara obtiendront aujourd’hui les meilleurs résultats depuis longtemps, il est clair que le vent violent de la protestation les a aussi atteints et en chemin ils courent même le risque de perdre le bastion historiquement rouge de Cordoue, la ville la plus importante en leur pouvoir. Leurs efforts pour gagner la sympathie de 15-M ont semblé vains. Beaucoup de citoyens les identifient comme des alliés du parti socialiste espagnol en dernier ressort et, pour le moment, comme le parti du système politique que l’on met en cause dans les rues.

Pagina 12. Depuis Madrid, le 22 mai 2011

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

9) La CGT - Espagne avec la rébellion dans les rues

La Confédération Générale du Travail (CGT) se réjouit de la mobilisation soutenue des assemblées et campements citoyens surgie du 15 mai. Elle sont la démonstration que l’auto-organisation à partir d’en bas non seulement est possible, mais qu’elle est le meilleur chemin pour réclamer les rues et les places publiques comme lieux de débat et de libre expression, pour réfléchir nombreux à d’autres formes non capitalistes d’organiser la société, pour réveiller les consciences endormies, pour tâcher de faire tomber les murs d’un système corrompu, caduc et extrêmement injuste et inégal.

À la CGT, nous ne croyons pas que la lutte politique des partis et des élections soit l’outil à utiliser, entre autres choses parce qu’elle se transforme en un but en soi, et au contraire nous croyons à l’organisation sociale, aux connexions entre les réseaux sociaux, à la démocratie directe et participative, à l’organisation horizontale, fédérative et assembléiste de la société.

La CGT unit sa voix aux dizaines de milliers de voix indignées qui crient « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiciens et des banquiers » ; mais nous savons aussi que l’indignation doit se transformer en rébellion et en organisation contre les vrais coupables de la crise, ces mêmes élites politiques et économiques qui s’enrichissent au prix d’un travail précarisé et sans droits, au prix de la privatisation et du démantèlement des services publics, au prix de la détérioration de l’environnement, au prix de la répression de toute dissidence, au prix de l’abandon de la jeunesse à un avenir d’exploitation dans un travail sans droits sociaux.

C’est pourquoi le syndicat CGT encourage et soutient le fait d’être dans la rue avec les Assemblées Citoyennes. Aucun gouvernement, aucun Conseil Électoral Central, ne pourra interdire ni intimider la juste rage qui s’étend dans notre pays et dans le monde et l’empêcher de s’exprimer librement demain samedi, et les jours suivants, dans un acte authentique de réflexion sociale et collective qui va bien au delà d’élections politiques municipales ou autonomiques [régionales].

Secrétariat permanent du Comité confédéral de la CGT - Espagne

8) Manifeste de « Democracia Real Ya ! ». Liste des occupations en Espagne et ailleurs

7) L’ambiance du Mai 68 parisien

par José CAMARENA

Des dizaines de milliers de personnes, surtout des jeunes, prennent, depuis le 15 mai dernier, les places de villes d’Espagne afin d’y installer des campements dont le but est d’organiser un rassemblement permanent qui mobilise le plus grand nombre autour de la revendication centrale : "une vraie démocratie, tout de suite". Le mouvement, qui a connu une ampleur sans précédent grâce à la vitesse et à la capacité de diffusion qu’offrent les réseaux sur le Web, prend tout le monde de court : les politiciens ne savent plus comment aborder le phénomène, les sociologues se contredisent et les journalistes passent des comparaisons avec les révolutions arabes de l’hiver à de petits encarts très prudents qui reprennent simplement des dépêches d’agence aussi courtes que froides. Tout le monde semble rester sur la réserve, dans une attente de ce qui pourrait advenir d’un mouvement qui, par ailleurs, demande depuis jeudi 19 à s’étendre au niveau international, notamment par des slogans comme : "Peuple d’Europe, debout !". Que deviendra, en effet, ce mouvement dit "spontané", une fois que les élections de ce dimanche seront terminées ? Quel futur pour ces rassemblements dont les organisateurs veillent au maintien du caractère "assembléaire" des prises de décision, sur le côté non récupération possible de la part des partis politiques, l’importance de la non-violence et de la solidarité et qui, depuis quelques jours, se retrouve pris dans un débat autour de la question de savoir s’il faut favoriser l’abstention généralisée, voter pour des partis hors des deux grands (qu’ils rejettent en même temps que l’idée même de bipartisme avec des slogans comme "Vous ne nous représentez pas") ou se constituer, eux-mêmes, en plate-forme politique…

Le fait est que, depuis dimanche 15 mai dernier, le nombre de participants (malgré les conditions climatiques contraires) ne cesse d’augmenter, comme ne cessent de croître les villes participantes –de toutes les régions d’Espagne qui, tout à coup, forment un bloc hors les régionalismes et séparatismes dont les médias officiels sont si friands ; en même temps que les personnes de plus de trente ans prennent le pas, chaque soir, sur les jeunes qui surveillent les campements de fortune. L’organisation est impeccable, la solidarité sans faille, les tournantes permettent à chacun de se reposer, de veiller à son hygiène et de rapporter des vivres (que des voisins et des sympathisants ramènent chaque matin aussi), tout en maintenant l’occupation des places à un niveau tel qu’on n’y remarque pas les absences. Les organismes judiciaires responsables des élections ont interdit les rassemblements dans toutes les régions –sauf ceux de Valence ; à quoi les manifestants ont répondu par des pancartes affirmant que "dans ce pays, on peut voir des milliers de personnes se rassembler pour attendre Justin Biber ou une équipe de football, mais pas pour faire entendre des revendications légitimes, de manière pacifique." Jusqu’à présent, la police, omniprésente aux abords des places –en dehors des incidents de dimanche- se tient à distance raisonnable et n’intervient pas. Il faut dire que les organisateurs ne laissent aucun doute qui postent sur youtube des vidéos avec leurs exigences vis-à-vis des participants aux rassemblements : pas de violence, pas de casseurs ni de provocation, sous peine d’enregistrement immédiat via téléphone mobile et présentation à qui de droit ; pas de dégradation de l’environnement et, donc, équipes matinales de ramassage et de nettoyage qui remettent lesdites places dans un état impeccable jusqu’à la tombée du soir. Ces mêmes organisateurs ont également insisté, depuis le début, sur le fait qu’ils ne voulaient pas de boissons alcoolisées pendant les protestas et que "le rassemblement n’est pas un botellon" (botellon étant ces assemblées de jeunes qui, les fin de semaine, se réunissent un peu partout dans les rues et les places d’Espagne, avec leurs bouteilles de bière et d’alcools).

Fait nouveau et d’importance : le mouvement, communément connu comme la #spanishrevolution, s’étend dans les grandes villes d’Europe et d’Amérique Latine, avec des rassemblements attendus ou déjà en place dans de nombreux pays –y compris quelques pays de l’ancien bloc de l’Est- et de nombreuses villes de Grande-Bretagne, France, Italie, Belgique, Allemagne, Mexique, etc. Des messages de sympathie des leaders de Tahrir commencent aussi à affluer, en même temps que les slogans, à Madrid, notamment, se font plus internationaux (tel ce "People of Europe, wake up, stand up", déjà cité plus haut).

Pour ce qui est des revendications et de l’ambiance générale, on se croirait revenu à l’effervescence du mai 68 parisien, avec des slogans inventifs, parfois ingénieux, toujours intelligents et des discussions enflammées, tout azimut, toujours sur des bases égalitaires, respectueuses et ouvertes. A lire leurs site, leur page sur les réseaux sociaux et le tweet postés, l’on se rend très vite compte que les organisateurs portent un mouvement –apparemment surgi du la lecture du livre de Stéphane Hessel "Indignez-vous", très rapidement traduit en Espagne et très rapidement un succès de ventes- qui est tout sauf apolitique, qu’il possède des racines bien implantées sur du solide (contrairement à ce que laisseraient penser certains médias ou certains dirigeants). Ainsi, même s’ils n’appuient aucun parti politique, affirmant qu’ils ne les "représentent pas", on les voit appuyer ATTAC, le Forum Social, les mouvements de lutte contre la pauvreté et la défense des cultures indigènes, tous les groupes anti-discrimination… De fait, l’on remarque, les soirs d’occupation maximale, un grand nombre d’étrangers, de travailleurs immigrés, de comités de chômeurs, d’Okupas (Squatters), de Défense des sans-abris, de représentants des minorités et des organisations de gays et de lesbiennes d’Espagne, de défense de la Terre, des animaux et contre la corrida, etc. Voici donc, pour plus de clarté, le texte qu’ils mettent en exergue sur Facebook et qui ne laisse aucun doute sur un mouvement qui, bien que ne se reconnaissant pas dans les politiques actuelles "la violence des puissants et des banquiers", n’en est pas moins idéologiquement teinté : " Nous exigeons la démocratie réelle, maintenant. Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiciens et des banquiers. Nous accusons les pouvoirs politiques et économiques de la situation de précarité dans laquelle nous vivons et exigeons un changement de cap. Nous convoquons chacune et chacun, en sa qualité de citoyen et de citoyenne, à sortir et occuper la rue le 15 mai, dès 18h, sous le mot d’ordre Démocratie Réelle MAINTENANT. Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers. Nous t’invitons à te joindre au mouvement sans symboles politiques excluant, afin que l’on ne fasse entendre qu’une seule voix, unique. Unis, nous pouvons y arriver."

Les autorités politiques ont donc décidé que ce vendredi, veille de week-end électoral, tous les rassemblements seraient interdits et dispersés par les forces de l’ordre. Les organisateurs proposent déjà diverses techniques de résistance non-violente afin de continuer le campement, ainsi, depuis Barcelone, surgit l’idée de venir avec des œillets jaunes que les participants pourraient offrir aux policiers en cas de charge. Enfin, un site Internet reprend l’ensemble des "campements" et des rassemblements en Espagne et dans le monde où défilent, en temps réel, les événements qui s’y déroulent : yeswecamp.net

Bien sûr le mouvement n’a pas d’organisation au sens traditionnel du terme ; bien sûr, le contenu programmatique –le projet de société- est vague ou inexistant (avec des pans entiers qui ne sont pas encore abordés lors des assemblées, comme la Monarchie ou le rôle de l’Eglise dans a société, pour ne citer que les deux les plus actuelles dans l’Espagne et le monde d’aujourd’hui). S’agit-il, pour autant, de mouvements dont il faudrait se "méfier" car facilement récupérables ou profitant aux "ennemis" de la démocratie parlementaire ? S’agit-il, pour autant, d’un mouvement sans lendemain et qui n’aura été, pour l’histoire, qu’une semaine d’ébullition et d’effervescence juvénile –une espèce de crise d’adolescence collective d’une société par ailleurs bien plus solide et mûre au niveau des ses institutions que ne pouvaient l’être celles des pays du Maghreb et du Makrech ?

Pour ce qui est de l’organisation, elle existe, bel et bien, même si sans hiérarchie établie une fois pour toutes. Il s’agit d’une organisation horizontale où les décisions se prennent en fonction des événements et toujours de manière collective. Apparemment, ce mode de fonctionnement "fonctionne" et, même si l’on peut avancer l’argument qu’il s’agit, ici, d’organiser quelques milliers de personnes autour de thèmes qui ne sont pas ceux de la vie réelle de qui veut gérer la Cité, on ne peut passer sous silence la question fondamentale que cela pose aux partis politiques en général : les partis politiques actuels et leur mode d’organisation, leur manière de communication et de représentation de la société, ne correspondent plus ni aux temps qui courent, ni à ce que les populations attendent –d’abord et avant tout en leurs couches les plus jeunes ! Il faudra en tirer les leçons et, dans ce sens, le mouvement, quoi qu’il arrive, n’aura pas été vain. Pour ce qui touche au contenu programmatique, à l’idéologie et au projet de société, il n’en va pas autrement : même s’il n’est pas rédigé, même si les termes ne font pas programme ni thèses de gouvernement, le contenu se trouve, de manière implicite, dans les mots d’ordre et les slogans : la société actuelle crée de l’injustice et des inégalités, des crises et de la violence ("la violence, c’est aussi 600 euros par mois") et, donc, la #spanishrevolution veut autre chose –notamment d’autres politiques qui abordent les "vrais" problèmes de société comme un toit et un emploi pour tous, plus de justice et de solidarité, plus de démocratie, moins de pouvoir à l’argent, aux banquiers et aux spéculateurs, plus de pouvoir au peuple. C’est pourquoi leurs slogans sont clairs : "nous ne sommes pas des marchandises", "nous ne sommes plus des moutons", "notre force, nos mains", "politiciens, vous ne nous représentez pas", etc. Les idéaux sont clairs, les objectifs tracés à grands traits (comme autant de balises à des débats futurs), les limites clairement posées : il s’agit bien d’une véritable révolution. Toute la question est de savoir si tous les mécontentements se rejoignent dans ces mots d’ordre et si, d’aventure le changement se produisait, ils seraient susceptibles de s’entendre sur des objectifs même à minima…

Le grand mérite, en dehors de réveiller les consciences et de redonner au citoyen, aux sujets, la place centrale qu’il semblait devoir perdre dans le fonctionnement de la Cité, constitue bel et bien celui d’avoir su donner forme au mécontentement que les pouvoirs tentaient de taire à grand coups de télé-poubelle, de football milliardaire, de fêtes nocturnes, d’alcool et de drogues de synthèse (dont le marché ne cessait de grossir malgré les affirmations de lutte contre les différents cartels) ; c’est pourquoi ces slogans, à la Puerta del Sol : "éteignez les télés, allumez vos cerveaux", "plus d’emploi, moins de soirées arrosées (botellon)", etc. En quelque sorte, ces rassemblements, qu’ils s’éteignent en tant que campements ou pas, continueront d’influencer, longtemps encore la politique Espagnole et Européenne : plus jamais ne sera comme avant car, effectivement, le "virus de Tahrir" a franchi la grande bleue et des jeunes ont réussi à donner forme à une révolte contenue, à élever au niveau politique ce qui n’étaient que frustrations et colères individuelles ou de clans. Ce simple fait est déjà révolutionnaire. Parce qu’en plus, ici, comme dans les révoltes de l’hiver, le véritable enjeu c’est l’indépendance et la démocratie, au sens noble du terme, qu’il s’agit de (re)prendre à bras-le-corps. Parce que, pour une fois depuis très longtemps, les citoyens font l’actualité, la rue fait la Une et les jeunes sont acteurs de leur propre présent –au-delà du virtuel et des impératifs imposés par ceux qui nous dirigent et enfoncent dans la misère, la récession, l’absence de solidarités, la violence, l’individualisme et la médiocrité, soi-disant en leur nom et pour le bien de tous ! Le reste : Monarchie ou République, rôle de l’Eglise, Régionalismes, deviennent ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : des points à l’agenda d’un futur différent dont il faudra discuter autrement pour décider collectivement et trouver des issues qui, quelles qu’elles soient, par pur effet de logique, seront bien différentes –opposées ou autres… Les corrompus, les pervers, les tout-puissants, les exploiteurs et les abuseurs auront des compte à rendre ou se souviendront de cette semaine du mois de mai 2011. Ce retour de manivelle, dans des sociétés où seuls les puissants avaient droit au chapitre et demandaient des comptes (où beaucoup semblaient perdre espoir et s’abandonnaient à la résignation des répétitions les plus noires de l’histoire), ce retour de manivelle qui est aussi retour à la mémoire collective d’un peuple, est, en soi, déjà, véritablement révolutionnaire.

Source :

http://samesoule.wordpress.com/

6) Les « indignados » plus déterminés que jamais

L’occupation de la Puerta del Sol se poursuit et le mouvement du 15 mai,15-M, appelle à des assemblées dans tous les quartiers et village, samedi prochain. Madrid, envoyée spéciale.

Javier est l’un des nouveaux porte-parole du M-15. À vingt-sept ans, un doctorat de littérature sud-américaine en poche et toujours chômeur, il répond aux questions des journalistes même s’il n’est pas encore rodé à l’exercice. « Normal, il faut des leaders, mais des leaders qui tournent. » Plus d’Indiens, moins de chefs. Message reçu. Javier ne fait même pas partie des campeurs de la toute première heure. Il s’est joint au mouvement deux jours après et n’a plus quitté les lieux. « Jusqu’ici, j’avais des interrogations, des doutes. Et puis soudain, ce mouvement qui émerge pour créer un autre système  : comment dire non à la justice  ? On ne détient pas LA vérité mais des vérités, à partir de nos vécus, de nos vies, de nos espoirs toujours déçus. Nous voulons une société meilleure au niveau global. Voilà pourquoi nous commençons local. » Si nous lui demandons s’il a été surpris par l’ampleur de la mobilisation, il rétorque du tac au tac  : « Le plus surprenant, c’est que ça ne soit pas arrivé plus tôt. » À ses côtés, Pablo, vingt et un ans  : « Le mouvement s’amplifie tous les jours, il est en construction. Quand tous les gouvernants faillissent, ne nous demandez pas de trouver les solutions en sept jours. »

Il est 18heures lundi, et la foule converge doucement, par grappes, vers la Puerta del Sol. On ne sait plus ce qui est le plus impressionnant des mini-assemblées qui se tiennent un peu partout, de ses mains qui se lèvent et s’agitent en signe d’approbation, de l’agitation pour porter ici et là du matériel, des discussions permanentes, des échanges les plus surprenants comme entre cette Madrilène bien mise de sa personne qui demande à une jeune fille ébahie qui fait signer des pétitions contre la corrida ce qu’elle pense de l’avortement, des chariots remplis de bombonnes d’eau, des gens qui s’arrêtent devant chaque panneau, photographiant ceux qui leur plaisent ou « les plus drôles, les plus gonflées, les plus révolutionnaires », ou enfin de l’organisation.

Depuis le 15mai, spontanément, des dizaines et des dizaines de Madrilènes apportent aux manifestants à boire, à manger, des effets de toilette. Certains patrons de café ont mis à disposition leurs toilettes. Un artisan a installé des WC publics. Il fait chaud, très chaud à Madrid, et la ronde des bouteilles d’eau ne s’arrête pas. « Les anciens sont ceux qui nous portent à manger. On a de quoi tenir longtemps, c’est incroyable  ! » dit tout sourire une jeune fille responsable du stand alimentation. La solidarité fonctionne à plein. « Ces derniers temps, la solidarité était assimilée à un acte de charité, poursuit Javier. Ici, on pratique la solidarité active, l’altruisme. On ne veut pas d’argent mais de la présence, du matériel et des idées. »

Eva, petite quarantaine, habite à quelques encablures de Sol. Dès le 16 mai, elle s’est inscrite à la commission des volontaires. Elle prête main-forte, anime un atelier poésie et elle est « heureuse, heureuse… J’aime cette idée de vivre en direct, de participer à cet acte de souveraineté. Nous ne nous sentons pas représentés par les institutions, la classe politique, et de voir que le peuple se prend en main… ».

Zapatero s’enferre

Les élections du 22 mai dernier en Espagne ressortent de plus en plus comme un cataclysme pour le PSOE du président du gouvernement, José Luis Zapatero. Il a réalisé en définitiveson pire score à des municipales depuis la chute de la dictature. Une sanction terrible avec le transfert de 600 000 électeursvers le Parti populaire (droite) ou encore vers la coalitionde la gauche unie IU (220 000). Face à la débâcle, si Zapatero a reconnu la défaite majeure de son parti, il n’entend en rien modifier les orientations prises jusque-là  : après avoir assuréque les législatives de 2012 ne seraient pas reportées,le chef du gouvernement socialiste a annoncé qu’il poursuivraitla politique d’austérité menée jusqu’alors. Les urnes et la rueont parlé, mais Zapatero fait la sourde oreille.

Marie-José Sirach

5) Etat espagnol : Sans travail, sans maison… mais sans peur !

Interview avec Víctor Valdés, porte-parole du collectif « Juventud sin futuro », membre de la plateforme « Democracia real, ya »

La manifestation du 15 mai de dizaines de milliers de personnes dans le centre de Madrid, organisée par « Democracia Real Ya » (« une réelle démocratie, maintenant ») et le collectif de jeunes précaires en lutte « Juventud Sin Futuro » (Jeunesse sans futur), qui se positionnent contre les responsables de la crise, a représenté un bond considérable dans la conscience de nombreux citoyens jusqu’alors submergés dans leurs problèmes de manière individuelle. Entretien avec Víctor Valdés, 20 ans, porte-parole du collectif « Juventud sin futuro », étudiant en philosophie à l’Université Complutense de Madrid.

Qu’es-ce que « Juventud Sin Futuro » ?

« Juventud Sin Futuro » a été créé comme un espace de coordination entre les associations critiques et de base des universités publiques de Madrid. Dans le passé, nous avons travaillé au coude à coude dans différents mouvements et luttes, comme le mouvement d’opposition au Plan Bologne ou dans la participation active à la grève générale du 29 septembre 2010. Nous avons décidé de faire un pas en avant, de nous organiser à une autre échelle et lancé « Juventud Sin Futuro » comme plateforme capable de rassembler et d’exprimer la rage qui vit dans la jeunesse précaire et estudiantine. Nous voulons clairement faire savoir que nous refusons de payer leur crise.

Comment en est-on arrivé à l’organisation du dimanche 15 mai par « Democracia Real ¡ya ! » et « Juventud Sin Futuro », avec des slogans tels que « Sans Travail, Sans Maison, Sans Peur » et pourquoi une telle initiative ?

L’événement du 15 mai suppose un point de départ et une suite. Le 7 avril dernier, nous étions déjà sortis dans la rue, avec le soutien de plusieurs collectifs sociaux et politiques, afin d’exprimer notre rejet face à toutes les attaques orchestrées par les élites économiques, comme par exemple la réforme des pensions (reculant l’âge de la retraite à 67 ans, NdT), qui frappent durement ceux d’en bas. Le succès du 7 avril a été inespéré.

Nous avons décidé ensuite de soutenir activement la mobilisation citoyenne du 15 mai, lancée par la plateforme « Democracia Real Ya ! ». Le travail réalisé jusqu’au 15 mai a été très intense et, comme on l’a vu, il a donné ses fruits. Nous avions décidé de garder les slogans utilisés pour la précédente manifestation, car nous pensons qu’elles correspondent parfaitement aux nécessités et exigences des jeunes dans tout l’Etat espagnol. A notre agréable surprise, ce furent surtout les mots « Sans Peur » qui ont été très repris et qui sont devenus emblématiques de ce mouvement.

Il y a eu des milliers de personnes et parmi elles nombreuses sont celles qui n’ont jamais participé aux manifestations contre la crise. On notait sur les pancartes et les calicots certains messages qui le confirment. Quel bilan tirez vous de cette participation ? Peut-on dire qu’on a brisé, ou commencé à se fissurer, l’absence de confiance vis-à-vis de l’action collective qui prédominait chez pas mal de gens ?

Il est évident qu’il y a un secteur social qui a perdu la confiance vis-à-vis des structures traditionnelles de mobilisations. L’exemple le plus clair est celui des syndicats majoritaires et de leur politique de collaboration et de compromission. Autrement dit, quand une organisation syndicale cesse de remplir sa fonction, dans ce cas la défense des intérêts de la classe ouvrière, elle perd son efficacité.

C’est pour cela que ce secteur social s’est levé de sa chaise pour sortir dans la rue et que cette manifestation s’est centrée autour du mot « citoyenneté », car cela est clair pour tout le monde et concerne tout le monde.C’est un mouvement de et par des gens indignés qui ont su canaliser le mécontentement populaire.

D’autre part, avec cette action collective à laquelle un vaste secteur social a participé, il ne fait pas de doute qu’il y a une prise de conscience sur le fait que nous sommes bien plus forts que nous ne le pensions. Je me rappelle qu’un des slogans les plus criés était « le peuple, uni, jamais ne sera vaincu ».

Par rapport à la participation numérique, tout ce que je peux dire personnellement (nous n’avons pas encore fait une évaluation sur ce point dans JSF) c’est que cela représentait au moins la moitié des participants aux manifestations pendant la grève générale.

Quelle a été l’attitude des autorités ? Pourquoi, selon toi, lorsque les gens protestent dans la rue, les juges, les policiers et le ministère de l’intérieur s’attaquent aux jeunes alors qu’ils ne font rien contre les banquiers responsables de la ruine sociale ?

Ceux qui composent « l’Etat de droit » et qui devraient rendre la justice sont parfois soumis à des groupes de pression capitalistes. A mon humble avis, ils devraient plutôt juger et condamner ceux qui provoquent les injustices sociales vus qu’ils sont, qu’ils le veuillent ou non, ceux qui sont chargés d’administrer la justice. La voix des sans voix doit être représentée à tout moment et respectée. Si ce n’est pas le cas, alors c’est que quelque chose ne tourne pas rond. C’est d’autant plus le cas quand la majorité sociale n’a aucun écho dans les grands médias qui façonnent l’opinion.

Concrètement, par rapport aux jeunes, on a créé un climat de discrédit par rapport à notre situation. Il y a le fameux « ninisme » selon lequel les jeunes dans ce pays ne veulent ni étudier, ni travailler. Il s’agit certainement du plus vil des mensonges depuis des années au vu du fait que nous avons un des taux d’abandon scolaire le plus haut d’Europe et que le chômage des jeunes atteint 45%. Ce n’est pas que nous ne voulons pas, la réalité c’est que nous ne pouvons pas étudier et qu’ils ne nous laissent pas travailler.

24 manifestants ont été arrêtés le 15 mai et il y a eu des charges policières qui ont rappelé l’époque de la dictature…

A « Juventud Sin Futuro » nous condamnons de manière énergique la brutale et démesurée répression policière qui a frappé la fin de la marche et nous nous solidarisons avec les personnes blessées et arrêtées.

A la tête de la manifestation se trouvait des jeunes avec des pancartes en forme de couvertures de livres et avec des titres d’ouvrages qui défendent une conscience sociale critique. Les livres critiques offrent-ils une perspective, ensemble avec la mobilisation ?

Il faut remarquer que ces pancartes, les « Book Block », sont un clein d’œil aux différentes luttes étudiantes et de la jeunesse précaire qui ont eu lieu dans plusieurs pays d’Europe où ils sont également utilisés dans les luttes.

Les jeunes lisent aussi. Il existe un lien entre la conscience que nous apporte quelque chose d’aussi fondamental qu’un livre et la défense de la culture et du savoir face aux plans de marchandisation de l’université et de l’enseignement en général. C’est pour cela que « Juventud sin Futuro » a décidé de mettre en première ligne un « Book block ».

Quelle est l’avenir de la jeunesse et de l’ensemble des travailleurs après la mobilisation du 15 mai ?

L’avenir de la jeunesse et des classes populaires passe par la résistance, par la lutte et par l’affrontement clair et direct avec les élites économiques capitalistes et la classe politique dominante.

Il passe par l’exigence de faire marche arrière dans la réforme des pensions, pour une redistribution des richesses, pour donner un coup d’arrêt à la marchandisation de l’enseignement, pour exiger un loyer social et universel pour que nous ayons le droit à un logement digne, pour l’abrogation de la réforme du droit du travail qui permet qu’on se fasse licencier injustement quand nous ne sommes plus rentables pour les entreprises. « Parce que vous nous avez enlevé trop de choses, maintenant nous voulons tout ! »

L’organisation, l’implication et la réappropriation des espaces publics sont autant d’éléments essentiels pour que le mouvement social se cimente correctement et avance uni et sans fissures.

http://www.npa2009.org/content/etat...

4) A Madrid, les manifestants déterminés à braver l’interdiction

Dans le camp de bâches et de tentes planté au beau milieu de la Puerta del Sol, dans le centre de Madrid, des centaines de jeunes, plus déterminés que jamais, se préparaient vendredi à braver l’interdiction de manifester à la veille d’un week-end électoral.

"Nous allons rester sur la place. Il ne s’agit pas d’une manifestation, mais d’un mouvement citoyen", assurait Juan Lopez, chômeur de 30 ans et l’un des porte-parole de ce mouvement alternatif désormais baptisé Toma la plaza (Prends la place).

A deux jours d’élections régionales et municipales qui s’annoncent désastreuses pour les socialistes au pouvoir, le chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero a promis qu’il serait "compréhensif" envers les manifestants.

Depuis mardi, cette mosaïque de jeunes mais aussi de citoyens de tous horizons et de tous âges, chômeurs, étudiants, retraités, salariés, a pris possession de cette place en plein coeur de Madrid. Inédit, spontané, coloré et pacifiste, le mouvement, au nom du "droit à s’indigner", dénonce pêle-mêle la mainmise des grands partis sur la vie politique espagnole, l’injustice sociale, la "corruption des politiciens". Mais, surtout, il trahit la frustration de millions d’Espagnols face au chômage qui atteint un taux record de 21,19% et frappe près de la moitié des moins de 25 ans, aux coupes salariales, aux retombées de la crise économique.

Le mouvement, à la veille du week-end électoral durant lequel toute manifestation est interdite, place le gouvernement en position très délicate, l’obligeant à choisir entre la méthode policière ou une souplesse qui ne manquerait pas de lui attirer des critiques. "Je dois souligner qu’ils manifestent de manière pacifique, ce qui est important. Bien sûr, il y aura compréhension et sensibilité" de la part du gouvernement, a déclaré Zapatero vendredi matin.

Dans la nuit, la Commission électorale avait déclaré illégaux les rassemblements prévus samedi et dimanche par les manifestants.

"Le ministère de l’Intérieur et le gouvernement agiront correctement, de manière intelligente. Nous voulons que tous les droits soient garantis et que la journée de réflexion", qui commence vendredi à minuit, "soit respectée", a expliqué Zapatero.

A 00H05, les manifestants ont appelé la foule à se figer symboliquement dans un "cri muet", un morceau de ruban adhésif collé sur la bouche.

Autour du campement se regroupent chaque soir depuis mardi des milliers de personnes, encadrées par une présence policière restée jusqu’à présent visible mais très discrète, en dépit de la foule qui grossit de jour en jour. Le mouvement, dans des proportions moindres, a gagné la plupart des villes d’Espagne.

Face à ce succès grandissant, ses porte-parole n’excluent plus de le poursuivre au-delà de dimanche comme prévu au départ. "Des assemblées vont se réunir, et décider", expliquait Juan Lopez.

Vendredi, lorsque les occupants de la Puerta del Sol se sont réveillés sous les bâches bleues ou les petites tentes de camping, ils ont comme chaque jour été rejoints par une foule de sympathisants.

Entre les jeunes enveloppés dans des couvertures ou allongés sur des cartons, beaucoup de retraités venaient exprimer leur solidarité, apporter de la nourriture, proposer de l’aide.

Dans la file d’attente devant le stand dédié à la signature de la pétition de soutien, Maria-Jesus Garcia, une fonctionnaire de 40 ans, racontait être venue "à cause du chômage. Surtout celui des jeunes". "Je vais lire la pétition, et je vais signer", disait-elle. "

Mais ils doivent continuer après les élections. S’ils s’arrêtent, cela n’aura servi à rien".

http://tempsreel.nouvelobs.com/actu...

3) Photos des manifestations (Marisol Garcia-Vicente)

2) Manifestations de masse en Espagne

Depuis dimanche, étudiants, privés d’emploi, salariés, fonctionnaires ou retraités protestent contre le chômage, l’austérité et la corruption. Le "Mouvement du 15 mai", inspiré par la révolution égyptienne, a été lancé dans de nombreuses villes via les réseaux sociaux.

En Espagne, plus de 21% de la population active est sans emploi et 45% des moins de 25 ans n’a pas de travail. Une situation inacceptable. Les citoyens espagnols refusent de payer la crise du système bancaire qui frappe très durement leur pays et revendiquent l’instauration d’« une véritable démocratie, maintenant ».

Des manifestations et des campements ont ainsi eu lieu dans des grandes villes comme Barcelone, Valence, Bilbao, Vigo, Grenade, mais aussi à Saint-Jacques de Compostelle et aux Baléares. A Madrid, la Puerta del Sol a pris des airs de Place Tahrir, au Caire. Est-ce bien là le début d’une révolution citoyenne en Espagne ?

A Madrid, les « Indignés » campent à la Puerta del Sol

A quelques jours des élections municipales du dimanche 22 mai, la protestation des chômeurs et « des citoyens victimes de la crise économique » fait irruption dans la campagne. Une manifestation convoquée le 15 mai dernier par plateforme citoyenne Democracia Real Ya sous le mot d’ordre « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers », a débouché sur l’installation d’un campement improvisé au milieu de La Puerta del Sol, la place emblématique du cœur de Madrid.

Ils se sont baptisés « Los Indignados », « les Indignés ». Comme ça, un peu au hasard, et « parce que c’est ce qui nous rassemble », explique Noelia, une des porte-parole du mouvement. Ils sont jeunes et moins jeunes, chômeurs ou étudiants, qu’importe, mais indignés. Depuis trois jours, campeurs, badauds et sympathisants débattent et échangent leurs expériences, sans qu’on sache très bien sur quoi cela va déboucher, avoue Fabio Gandero, avocat au chômage et coordinateur de Democracia Real Ya.

« Il s’agit d’un mouvement spontané, hors de toute initiative politique ou syndicale, ce qui est tout à fait inhabituel en Espagne, souligne-t-il. Mais s’il trouve autant de résonance, c’est parce que le pays est sur un volcan. Il compte cinq millions de chômeurs et les deux grands partis du pays, le Parti socialiste comme le Parti populaire, nous proposent deux versions d’un même projet : continuer d’avaler des potions de réformes néolibérales sous la pression des marchés. » Ces manifestants, qui se sont rassemblés dans des dizaines d’autres villes d’Espagne, appellent la population à ne pas voter pour le PSOE au pouvoir, pas plus que pour le PP de droite (les deux étant rebaptisés "PPSOE"), lors du scrutin qui aura lieu dimanche dans 8.116 communes et 13 régions.

A la Puerta del Sol défile une foule disparate d’étudiants, de retraités et de mères de famille étranglées par les crédits. Ils viennent raconter, témoigner et manifester leur solidarité. « C’est comme si quelqu’un tout d’un coup nous donnait voix, raconte Pilar, qui est venue du quartier populaire de Vallecas. On tient, on s’appuie, on s’entraide, mais il y a un moment où on est à bout. Je suis au chômage depuis deux ans, je m’inscris à tous les cours de formation, mais j’ai deux handicaps : j’ai 46 ans et je suis une femme... »

Les interventions policières n’ont, pour l’instant, pas eu raison de la ténacité des campeurs, décidés à prolonger le mouvement jusqu’au jour des élections municipales, le 22 mai prochain. Du côté des partis politiques en pleine campagne, on observe le mouvement avec une distance prudente. En essayant de calculer qui, de la droite ou de la gauche, risque de pâtir ou de bénéficier de cette flambée de passion politique que personne n’attendait.

(Source : La Tribune de Genève)

1) Le mouvement espagnol cherche à s’étendre

Buenos Aires, Bruxelles, Paris, Mexico, Berlin, Bogota, Vienne : des concentrations sont prévues de jeudi à dimanche, sur des places emblématiques ou devant les ambassades d’Espagne, a indiqué le mouvement "Democracia real, Ya !" (Une vraie démocratie, maintenant !) sur son site internet (en espagnol). D’autres rassemblements sont aussi prévus à Birmingham, Bristol, Edimbourg en Grande-Bretagne et Padoue ou Turin en Italie. A Paris, qui accueille de nombreux étudiants espagnols, le rassemblement est prévu à 18 heures devant l’ambassade d’Espagne.

"Vous prenez l’argent, nous prenons la rue", "Si vous ne nous laissez pas rêver, nous ne vous laisserons pas dormir", proclamaient des banderoles dépliées à la Puerta del Sol, lieu de rassemblement emblématique au coeur de Madrid. Depuis de début de la semaine, aux cris de "nous avons le droit de nous indigner" des milliers de manifestants, répondant à des appels lancés sur les réseaux sociaux, envahissent les rues des villes d’Espagne dans l’espoir de faire entendre leur voix avant les élections locales de dimanche. Des centaines, parfois des milliers de jeunes, se relaient jour et nuit sur l’emblématique place Puerta del Sol à Madrid, où un véritable bivouac a été organisé. "Nous avons l’intention de rester ici jusqu’aux élections" de dimanche, a expliqué Juan Rubio, un porte-parole de ce mouvement hétéroclite, rassemblant beaucoup de jeunes, mais aussi des citoyens de toutes origines, chômeurs, fonctionnaires ou retraités, qui réclament "une vraie démocratie, maintenant". "C’est un mouvement en construction, nous sommes encore en train de rassembler nos idées, d’organiser des assemblées pour un changement social", a-t-il ajouté.

Mais dans un pays peu habitué aux manifestations de masse, tous expriment lassitude et frustration face aux retombées de la crise et au chômage, qui a continué à grimper au premier trimestre avec un taux record de 21,19%. En février, 44,6% des moins de 25 ans étaient sans emploi.


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