Affaire Strauss Kahn : les associations féministes interviennent (6 articles)

lundi 23 mai 2011.
 

1) Communiqué de presse du RESEAU FEMINISTE « RUPTURES »

Les personnes beaucoup trop nombreuses, qui immédiatement, dans un réflexe d’auto protection ont manifesté leur soutien à M. Dominique Strauss-Kahn, nous renseignent sur l’état de notre capacité à situer les crimes sexuels dans notre conscience collective.

L’ordre sexuel du système patriarcat et la domination masculine ont, de nos jours, encore une telle emprise sur notre société que seule les voies solidaires au présumé coupable se sont faites immédiatement entendre dans les médias et les déclarations de politiques qui se sont déconsidérés en la circonstance.

Celles des féministes qui font valoir la place équitable dans le traitement de l’affaire que mérite la présumée victime ont eu du mal à émerger et à être prises en compte par les journalistes.

Solidarité des puissant-es, solidarité des posssédant-es, solidarité de classe, solidarité de sexe qui gomment toutes chances pour celle qui n’est rien, qui n’a rien, qui fait le ménage … qui n’est qu’une femme, une femme immigrée !

Même si « il » est innocent, « elle » n’aura jamais la possibilité d’être présumée innocente, car déjà pour certain-es elle est présumée coupable.

Lutte du pot de fer contre le pot de terre.

Nous pouvons craindre que demain le système judiciaire américain permette un accord entre les personnes. Ainsi, le crime de viol ou le déni de harcèlement sera une fois de plus banalisé par un dénouement où l’éthique et la justice auront fait place au troc, à la négociation, instance réglée à l’aune de l’argent.

Dans les années 1970, nous déclarions « Quand une femme dit NON, c’est NON ! ». Ce mot d’ordre de nos luttes féministes a conduit, en 1980, à une loi reconnaissant le viol comme crime.

Cet acquis obtenu est à mettre au profit des luttes féministes solidaires de toutes les femmes ici et ailleurs de par le monde.

De 1981 à 2011 : 30 ans qui montrent que les résistances sont tenaces, que les combats sont plus que jamais nécessaires.

Le continuum des violences faites aux femmes dans le temps et dans les actes que sont les 75000 femmes violées chaque année en France, ainsi que les nombreux harcèlements sexuels nous engagent plus que jamais à exiger la promulgation d’une loi cadre contre toutes les violences faites aux femmes.

Il n’est plus tolérable qu’au nom d’un présumé pouvoir de classe et de sexe soit perpétré ces crimes et ces délits ; il est absolument nécessaire de prendre en compte la juste mesure de la nature de ces violences qui sont contraires à toute émancipation humaine.

Paris, le 20 mai 2011.

2) Le traitement de l’affaire DSK entretient la confusion des esprits (par Osez le féminisme)

Nous assistons depuis quelques jours à une effervescence médiatique sans précédent autour de l’inculpation pour agression sexuelle et tentative de viol de Dominique Strauss-Kahn. Dans ce contexte, Osez le féminisme s’inquiète du traitement de cette affaire et de plusieurs prises de parole publiques qui entretiennent de nombreuses idées reçues autour des violences faites aux femmes. Dominique Strauss-Kahn est présumé innocent : rappeler ce fait et attendre les conclusions de la justice américaine devrait suffire. Manifestement, non.

- Il est très peu fait état de la présumée victime dans les différents sujets. Certes, les informations la concernant sont très parcellaires. Condamner sans savoir est grave : cela remet en cause le principe fondamental de la présomption d’innocence. Mais jeter le soupçon sur les propos de la plaignante est également grave et dangereux. Grave car c’est ajouter à la souffrance de cette femme. Dangereux car c’est un signal clair aux victimes présentes et futures qu’il est risqué porter plainte.

- Le déferlement de blagues sexistes auquel on assiste, parfois sous forme de palmarès, montre à quel point les violences faites aux femmes sont encore minorées dans l’imaginaire collectif. On assiste à une confusion grave entre liberté sexuelle et violences sexuelles. Les faits dénoncés, s’ils étaient avérés, ne relèveraient ni d’une "affaire de mœurs" ni d’un problème de libido envahissante. Ils constitueraient un crime.

- Enfin, certaines réactions publiques relayées dans les médias révèlent une méconnaissance totale du viol comme phénomène de société. Évoquer le jugement porté par certains sur le physique de la jeune femme ou parler de « profil du violeur », contribue à entretenir de nombreuses idées reçues encore tenaces dans notre société. Rappelons que le viol concerne toutes les catégories sociales. Il n’est pas réservé à un certain profil d’hommes et ne concerne pas seulement des femmes au physique très attrayant. Les femmes qui sont victimes de viols et tentatives de viols ont un seul point commun : être femmes et, en tant que telles, être considérées comme des objets.

Osez le féminisme rappelle que chaque année en France, 75 000 femmes sont victimes de viol. Seules 10% d’entre elles portent plainte. Nombreuses sont celles qui sont astreintes au silence par une chape de plomb, celle du tabou et de la culpabilité qu’on fait peser sur elles. Nombreuses sont celles qui font les frais d’idées reçues largement propagées, dont la plus commune est qu’elles l’auraient bien cherché.

Cela peut changer. Cela doit changer !

Source : http://www.osezlefeminisme.fr/artic...

3) Sexisme : ils se lâchent, les femmes trinquent (Pulvar, Autain, Coupé, Ernaux, Fraisse...)

4) Arrestation de Dominique Strauss Kahn : Plus d’Omerta (par Paroles de femmes)

L’association Paroles de femmes déplore l’annonce de l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn et son inculpation dans une affaire de viol, bien que sa culpabilité ne soit pas encore établie.

Cette affaire montre une fois de plus la relation perverse entre certains hommes de pouvoir et les femmes, notamment en politique. Ces hommes politiques, toutes tendances confondues, qui considèrent parfois avoir un droit de cuisage sur les femmes, abusant de leur statut.

Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Il a fallu que cela se passe aux Etats-Unis pour que cette affaire émerge. Il est fort à parier qu’en France, l’affaire aurait été étouffée. Tout comme l’affaire Tristane Banon, connue de tous. Il est triste de voir que dans notre pays démocratique les femmes continuent d’avoir peur de porter plainte. L’Omerta qui règne concernant le rapport ambigu entre pouvoir et sexualité est toujours de mise en France avec la complicité de tous et dans le mépris des droits des femmes.

Source :

http://www.parolesdefemmes.org/

Olivia Cattan, Présidente de Paroles de femmes

5) Affaire DSK : il y a une tolérance sociale extrême face à cette histoire (Clémentine Autain)

6) L’« affaire Strauss-Kahn » : confusion des genres (communiqué de l’association Mix-cité)

Même si nous n’avons pas les éléments nécessaires pour juger si Dominique Strauss-Kahn est coupable ou non, les réactions à son arrestation sont révélatrices d’une grande confusion dans les esprits pour tout ce qui concerne les violences sexuelles. Depuis dimanche, beaucoup s’accordent à décrire DSK comme un « libertin », un « dragueur », ce qui expliquerait son attitude envers la femme de chambre new-yorkaise, qui l’accuse de l’avoir agressée sexuellement et sodomisée de force. Les blogs regorgent de plaisanteries grivoises : il semble que certains soient finalement assez fiers de ce nouveau témoignage de la gaillardise française. Ah, le puritanisme américain !

Mais de quoi parle-t-on ? On oublie un détail d’importance : le consentement ! C’est bien ce qui change tout, entre des relations sexuelles entre adultes d’une part et un viol d’autre part. La liberté sexuelle, le libertinage, n’ont rien en commun avec la violence sexuelle. Le viol n’est pas une relation sexuelle, c’est une humiliation, une domination. Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, écrivait lors de la nomination de DSK à la tête du FMI, en juillet 2007 : « Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). Or, le FMI est une institution internationale où les mœurs sont anglo-saxonnes. Un geste déplacé, une allusion trop précise, et c’est la curée médiatique (1). »

Un « travers », le harcèlement sexuel ? Non, un délit. Un simple « geste déplacé », le fait de plaquer une femme au sol et de tenter de lui arracher son pantalon ? C’est pourtant ce qu’a raconté Tristane Banon dans une émission de Thierry Ardisson, début 2007. Encore une fois, la tolérance « gauloise » (« personne n’en parle ») s’appuie sur la confusion entre drague et agression sexuelle. Soyons précis-e-s : il ne s’agit pas d’une « affaire de mœurs », comme on le lit ici ou là, mais des lois qui protègent les personnes.

En tant que féministes, nous ne cherchons pas à commenter la sexualité d’une femme ou d’un homme politique, qu’elle soit extra-conjugale ou pas, homosexuelle ou hétérosexuelle, à deux ou en groupe… Vive la liberté sexuelle ! Mais ce qui est en cause n’a rien à voir : le directeur général du FMI n’a pas été arrêté du fait de « sa faiblesse pour les femmes » (2), il est accusé d’un délit grave (agression sexuelle), voire d’un crime (viol) !

Christine Boutin, pour sa part, parle d’un piège. Doit-on comprendre que placer à la portée de Dominique Strauss-Kahn une jeune femme de chambre est un « piège » ? Qu’on sait bien qu’il ne résistera pas à la tentation de toucher au fruit défendu ? Cela suppose des pulsions sexuelles irrépressibles, censées être typiquement masculines. Pourtant, nulle pulsion n’est « irrépressible » chez l’être humain, homme ou femme, et, sauf de rares cas pathologiques, les pulsions sexuelles ne sont pas la cause d’un viol – un violeur peut même ne pas avoir d’érection – ; l’agresseur cherche avant tout à soumettre sa victime.

Pour ceux et celles qui mettent en doute la parole de la victime (bizarrement, cette attitude est systématique quand il s’agit de viol ou d’agression sexuelle, pas pour d’autres crimes), rappelons que porter plainte pour viol s’apparente souvent à une rude épreuve (3), surtout lorsque l’on s’attaque à un « gros poisson » ; qui voudrait subir sans raison les sous-entendus et les insultes qui ont déjà commencé à fuser ?

En novembre dernier, lorsque Mix-Cité, Osez le féminisme et le Collectif féministe contre le viol ont lancé une campagne intitulée « La honte doit changer de camp (4) », les réactions ont été quasi-unanimes : bien sûr, c’est scandaleux que tant d’hommes se croient autorisés à violer (75 000 femmes violées par an au minimum) ; c’est incroyable que les victimes n’osent pas porter plainte, les pauvres (seulement 1 victime sur 10 porte plainte). Pourtant, confronté-e-s à la réalité du cas DSK, beaucoup de journalistes, d’hommes ou de femmes politiques oublient ces déclarations de bonnes intentions, plaignant le directeur du FMI, le Parti socialiste ou la France – pas un mot pour la victime, en l’occurrence.

Il est vrai qu’elle n’est qu’une femme de chambre ; et ce n’est pas un détail, dans un pays où, il y a à peine un siècle, les domestiques étaient couramment violées par leur patron, puis renvoyées quand elles étaient enceintes.

Pour faire avancer la liberté sexuelle, en France comme outre-Atlantique, il importe de supprimer toute confusion : seul le consentement mutuel entre adultes vaut en matière de relations sexuelles. Le viol est un crime. Et ce, quel que soit le statut social des protagonistes…

Béatrice Gamba, Mix-Cité Paris ; Emmanuelle Piet, Collectif féministe contre le viol

(1) Cité dans “Les dossiers qui plombent la candidature de M. Strauss-Kahn”, LeMonde.fr du 16 mai 2011.

(2) Idem.

(3) Cf. l’excellent dossier de Giulia Fois sur le viol dans Marianne n° 727, avril 2011.

(4) www.contreleviol.fr


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message