Jean-Luc Mélenchon « Il faut méditer le rapport entre 1968 et 1981 »

samedi 21 mai 2011.
 

Le 10 mai 1981 a-t-il été une date révolutionnaire 
au même titre que Mai 68  ?

Jean-Luc Mélenchon. 
Le rapport entre 1968 et 1981 doit être médité encore aujourd’hui. On peut avoir un mouvement social d’une ampleur inouïe – que peut-on faire de mieux qu’une grève générale de dix millions de travailleurs  ? – qui ne va pas 
au bout de son contenu, faute 
de débouchés politiques. Aussi le programme commun a été la réponse-clé. Entre sa signature et la victoire de 1981, le travail de popularisation avait été ininterrompu. À sa façon, la polémique entre socialistes et communistes sur 
sa réactualisation a aussi été un moment d’éducation collective. Dans les rencontres publiques, les gens venaient avec 
des carnets de notes, qui sont pour moi 
un fait symbolique essentiel. Je ne les ai vus réapparaître qu’en 2005, au moment du référendum européen.

Le tournant de la rigueur n’a-t-il pas contribué à ancrer dans les têtes que le capitalisme est un système irréversible ?

Jean-Luc Mélenchon. Ce qui s’est ancré dans les têtes, c’est que la gauche était incapable de formuler une proposition durable 
de transformation de la société. 
Les uns par isolement sectaire, les autres par incompréhension complète de la nature du capitalisme ou par opportunisme. 
La vérité est que, en 1983, l’ensemble de la gauche, dont le PCF, ne comprend pas la nature de la mutation du capitalisme, devenu transnational. À partir de là, 
le sentiment d’impuissance est venu 
de l’incapacité de la gauche à proposer 
une riposte crédible et cohérente.

Comment ressusciter l’espoir, sachant que 
les contraintes économiques sont criantes ?

Jean-Luc Mélenchon. Nous allons nous opposer cette fois-ci, comme en 1981, au mur de l’argent. Mais au moins sommes-nous maintenant mieux instruits de la nature de l’adversaire que nous affrontons. Ainsi, dans le cadre du programme partagé du Front de gauche, nous mettons comme condition numéro un la sortie du carcan 
du traité de Lisbonne, dont la logique est le libre-échange généralisé, la concurrence libre et non faussée, et la libre circulation des capitaux. Ces trois éléments constituent la dynamique du capitalisme transnationalisé, qui éreinte les sociétés. 
Il faut frapper à ces trois endroits.

Vos ex-camarades socialistes ont-ils aujourd’hui retenu les leçons du 10 mai 1981  ?

Jean-Luc Mélenchon. Non. Ils sont incapables de faire une proposition politique qui 
soit réaliste, c’est-à-dire qui tienne compte de l’opposition du capital financier 
et de l’Union européenne libérale à toute politique de gauche. C’est bien pourquoi 
je les ai quittés. Eux continuent à penser que la construction de l’Europe, quel que soit son contenu, est suffisante en soi. 
Ils nous mènent tout droit à des situations d’impuissance comme en Grèce. 
Si le programme de gouvernement socialiste était appliqué aujourd’hui, 
il conduirait au même désastre.

L’espoir peut-il être à nouveau au rendez-vous en 2012 ?

Jean-Luc Mélenchon. Notre peuple a beaucoup appris en 2005, lors du débat sur le référendum constitutionnel. Il a connu beaucoup de désillusions. Mais, en 2012, compte tenu du caractère quasi caricatural de la scène politique qui s’installe, où l’on aurait à choisir entre un socialiste libéral comme M. Strauss-Kahn, le président Sarkozy et Mme Le Pen, il est tout à fait clair que la gauche de rupture que nous représentons a toute sa chance dans l’esprit des Français. À condition que 
nous positionnions notre action au cœur de la gauche et non dans une position 
de témoignage ou d’isolement splendide.

Entretien réalisé par Mina Kaci, L’Humanité


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