Ben Laden : Une créature de la CIA devenue monstre

mercredi 18 mai 2011.
 

La créature a échappé à son créateur. Le chef terroriste, qui a longtemps servi les intérêts de Washington en Afghanistan contre l’Union soviétique, a été formé par les services US.

Né en 1957 en Arabie saoudite, Oussama Ben Laden serait le 17e fils d’une grande fratrie d’un richissime constructeur d’origine yéménite. Ce dernier contrôle près de 80% du marché des travaux publics de la pétro-monarchie semi-féodale. Le régime de Riyad, issu du wahhabisme (islam rigoriste et rétrograde), finance ici et souvent là des mouvements armés islamistes. Washington le sait mais ferme les yeux, la dynastie royale est un fidèle pivot de la stratégie américaine dans la péninsule Arabique, et un fournisseur pétrolier de la première puissance mondiale. Durant ses études d’ingénieur, Oussama Ben Laden se rapproche des Frères musulmans, embrasse les thèses fondamentalistes. En 1978, il gagne la confiance du chef des services secrets saoudiens, le prince Turki Ibn Fayçal, qui le place à la tête d’un réseau chargé de recruter des hommes prêts à combattre en Afghanistan. Un an plus tard, l’intervention dans ce pays de l’Union soviétique est à l’origine de son rapprochement avec la CIA. Il partage l’objectif d’en finir avec « l’empire du mal  », selon l’expression de Ronald Reagan. La lutte contre le communisme vaut bien quelques alliances qui peuvent paraître contre-nature. Ben Laden s’installe à la frontière pakistano-afghane, et fournit, en grand argentier qu’il est, armes et entraînements aux combattants antisoviétiques, grâce à l’appui de la CIA. Certains voient là l’origine d’al-Qaida, la «  base  » en arabe. Au passage, il poursuit son prosélytisme, en finançant la construction d’édifices religieux où prêchera, notamment, le futur Mollah Omar, chef des talibans afghans.

Une fois la guerre finie, Ben Laden poursuit ses activités d’agent secret à Peshawar pour le compte du régime saoudien. Il continue d’armer ceux qui se revendiquent d’un islamisme pur et dur, suivant un tracé géostratégique qui suit les intérêts nord-américains. C’est donc peu dire que les États-Unis ne trouvent rien à redire à ses faits et gestes. Jusqu’à la guerre en Irak, en 1990. L’Arabie saoudite soutient Washington dans son entreprise de faire main basse sur le pétrole contrôlé par Saddam Hussein.

Ben Laden voit là cependant « l’invasion de la terre sainte du prophète par les impies ». Le partenaire de guerre se meut en électron gênant. Il appelle à renverser la dynastie des Al Saoudi, et conspire contre les États-Unis. En 1993, il prend déjà pour cible le World Trade Center. Le 7 août 1998, il commandite les attaques simultanées des ambassades américaines de Dar es-Salaam et Nairobi, qui feront 244 victimes. Enfin, il s’en prend à un destroyer US, le navire de guerre qui stationne dans la base d’Aden. L’allié est désormais ennemi. Déchu de sa nationalité saoudienne en 1994, il trouve un temps refuge dans un Soudan engoncé dans le djihadisme, puis en Afghanistan auprès des talibans dont le régime n’est reconnu, à l’époque, que par le Pakistan et… l’Arabie saoudite. Ce terrain-là offre une base arrière de choix à l’entraînement d’hommes bombes. « Étrangement », sa puissante organisation n’est pas inquiétée. Outre la fortune familiale, les dividendes, fruits du commerce des armes et de la drogue, transitent à travers des sociétés écrans et fructifient dans les paradis fiscaux. Les États-Unis ne peuvent pas ne pas le savoir. Mais rien n’est fait…

Il aura fallu pas moins de 132 000 soldats de l’Otan, majoritairement américains, et plusieurs années de guerre dans un pays poudrière pour abattre Ben Laden. Une créature de la CIA devenue monstre.

Cathy Ceïbe, L’Humanité


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