Le mensonge nucléaire

samedi 7 mai 2011.
 

Le nucléaire serait une énergie au coût de production raisonnable et rentable, une garantie d’indépendance, propre, sûre, recyclable, pacifique, écologique et démocratique, bref incontournable.

Il n’y a rien de plus faux, démonstration par les faits.

Il ne s’agira pas ici de nier les avancées objectives obtenues grâce à la recherche nucléaire médicale, physique ou fondamentale mais de dénoncer la prolifération "civile" et militaire dont la recherche n’a par ailleurs nul besoin.

Avant d’énumérer les principaux mythes et mensonges du nucléaire il faut en souligner encore l’aspect le plus démentiel. Celui où une "civilisation" pour s’assurer quelques décennies d’approvisionnement énergétique et un arsenal morbide, décide d’hypothéquer l’avenir des générations futures. Allant jusqu’à rendre possible et d’envisager au plus "haut niveau" un suicide global en guise de "stratégie’.

N’est-il pas inquiétant d’écouter ceux qui sont censés maîtriser l’atome déclarer que le processus, dont le risque permanent, la contamination cumulative et irréversible ou la gestion des déchets, seraient sous contrôle par delà les dizaines, centaines de millénaires ? Prétention, égomanie ou dangereuse hystérie que l’utilisation ici hypocrite du concept de "demi vie" voudrait minorer ?(1)

Ce alors que plusieurs sites où sont enfouis des déchets rencontrent de sérieux problèmes après quelques décennies seulement.(2) Alors que la pratique, l’histoire comme l’actualité démontrent qu’ils ne maîtrisent ni l’atome, ni le risque et encore moins les éléments.

Que penser de ces scientifiques, industriels et "responsables politiques" improvisant, ergotant sur les chiffres et classements, qui ne reconnaissent la gravité de la situation uniquement contraints et forcés par leurs propres alliés, alors que des centaines de milliers, voire millions de vies sont menacées ? Le nucléaire ne nuit pas qu’à la santé des populations et de la biosphère, il nuit aussi gravement à la démocratie.

Les dépenses directes provoquées par la catastrophe de Tchernobyl -à elle seule- dépassent le coût de construction de toute l’infrastructure nucléaire mondiale.

Le nucléaire serait rentable ? Tromperie, car s’il profite effectivement à une infime minorité d’actionnaires il a un coût insensé pour la collectivité. Ce sont les subventions publiques qui permettent aux programmes nucléaires de masquer leurs coûts et déficits réels. Ceux qu’impliquent la mise en œuvre, l’entretien, la sécurisation, la gestion éternelle des déchets et les dépenses provoquées par les nombreux accidents déjà survenus ou en cours résultant de l’exploitation non maîtrisée de l’atome.

"Pour les vingt premières années, les dépenses directes provoquées par la catastrophe (de Tchernobyl uniquement) pour les trois pays les plus touchés dépassent 500 milliards de dollars, ce qui, rapporté au coût de la vie dans l’Union européenne, représente plus de 2 000 milliards d’euros. Autant, donc, sinon plus, que le coût de construction de toute l’infrastructure nucléaire mondiale !"(3)

Alors que la catastrophe de Tchernobyl et bien d’autres sont toujours en cours (4) tandis que celles du Japon ne font que commencer.

De plus il est impossible de chiffrer le "coût humain’, combien d’euros valent la vie d’un enfant Ukrainien, d’un adulte Japonais, de ces familles décimées par dizaines de milliers ?

Comment chiffrer le coût biologique et ce sur des dizaines voire des centaines de millénaires ? Ou encore comment chiffrer le risque permanent ? Car le nucléaire prend l’ensemble des citoyens en otage, pro comme antinucléaires, par delà les frontières et continents, l’ensemble du vivant actuel océans inclus. L’aberration nucléaire est vertigineuse.

Une étude publiée par l’Académie des Sciences de New York estime que le nombre de décès à travers le monde attribuable aux retombées de l’accident de Tchernobyl, entre 1986 et 2004, est de 985 000, nous sommes en 2011

L’OMS et l’AIEA annoncèrent en 2005 un bilan d’une cinquantaine de morts parmi les liquidateurs et jusqu’à 9 000 décès « potentiels, au total », attribuables à la contamination radioactive et ce uniquement parmi les populations les plus affectées de Biélorussie, d’Ukraine et de la Fédération de Russie…

Or dans les faits sur les 830 000 liquidateurs intervenus sur le site après l’accident, 112 000 à 125 000 sont morts. En janvier 2010 l’Académie des sciences de New York publiait le recueil le plus complet de données scientifiques concernant la nature et l’étendue des dommages infligés aux êtres humains et à l’environnement suite à l’accident de Tchernobyl. Un ouvrage composé d’une grande quantité d’études réalisées dans les pays les plus touchés : la Biélorussie, la Russie et l’Ukraine. Les auteurs estiment que le nombre de décès à travers le monde attribuables aux retombées de l’accident, entre 1986 et 2004, est de 985 000. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter.

Comment expliquer l’ampleur de l’écart entre les résultats de l’OMS et ceux de milliers d’enquêtes effectuées dans les pays les plus touchés, en Europe ou dans le reste du monde ?

Par le mensonge qu’Alison Katz, qui fut fonctionnaire de l’OMS durant 18 années, dénonce comme une stratégie de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique. Cette dernière agissant en véritable porte-parole de l’establishment nucléaire. L’Organisation Mondiale de la Santé étant complice de cette stratégie de la dissimulation du fait de l’accord signé entre les deux agences en 1959. Ce document interdit en outre à l’OMS d’informer les populations sur les effets des rayonnements ionisants pour les humains sans l’aval de l’AIEA..(5)

Lors de la dernière enquête bisannuelle réalisée en 1991, 90% des Japonais désapprouvaient le nucléaire. Le gouvernement prit alors la sage décision d’abandonner…ces embarrassants sondages.

Le Japon est sans doute l’exemple le plus flagrant du déni de démocratie que le nucléaire génère. Dès le début du drame les médias se sont émerveillés de ce qu’ils décrétèrent être du stoïcisme, de la résignation, de la discipline très zen et autres clichés qui fleurent bon les colonies... Se faisant ainsi -dans une grande majorité- les relais et complices de la dissimulation de la gravité de la situation par le gouvernement japonais. A l’image de la minoration des dégâts humains aux lendemains de la catastrophe provoquée par le passage de l’ouragan Katrina aux USA. Une pudeur destinée à masquer la vulnérabilité et les dysfonctionnements des puissances alliées et de leurs "technologies. Pudicité qui n’est plus de mise au moment de mesurer l’étendue des dégâts chez l’ennemi ou comme en Haïti afin d’y justifier l’envoi des troupes.

Pourtant à l’heure d’Internet il est possible pour tous de lire ou même de contacter différentes sources, organisations, citoyens bloggers Nippons et de constater que la réalité est autre. Elles et ils sont sous les chocs, pleurent et comptent leurs morts, mesurent l’étendue des dégâts qui vont en s’amplifiant c’est certain. Mais les yeux rivés sur les compteurs Geiger et malgré le système social coercitif qu’est la "culture de l’entreprise" poussée à son extrême ; la colère face au manque d’information et à l’improvisation des responsables gronde, attend son heure.

Car nos médias taisent l’opposition historique des Japonais au nucléaire militaire et "civil’. Une opposition apparue dès la fin de la seconde guerre mondiale et le martyr d’Hiroshima et Nagasaki. Plus de 150.000 civils brûlés vifs, consumés par le feu nucléaire et un total dépassant les 300.000 décès des suites des brûlures, radiations et cancers.

Non pas pour clore un conflit déjà perdu par le Japon mais pour ouvrir la "guerre froide" par une démonstration de "force" d’un nouvel empire. Car il s’agit bien là d’un des mythes fondateurs du nucléaire, de sa prétendue justification militaire, de "mal nécessaire" pour vaincre l’axe. Ensuite pour nous "protéger du communisme’…Ou l’inverse, c’est selon.

Au Japon les trois premiers groupes antinucléaires apparaissent dans les années cinquante, la Gensuikyô communiste, la Gensuikin socialiste et la Kakkinkaigi liée à la droite, cette dernière condamnant le nucléaire militaire uniquement. C’est à partir des années septante qu’émergent de nombreuses organisations comme le Citizen’s Nuclear Information Center (CNIC) regroupant des scientifiques dont le but est de fournir une contre-information aux citoyens au sujet du nucléaire dit "civil’. Cette opposition est devenue telle après l’accident de Tchernobyl, que le gouvernement japonais décida d’abandonner tout sondage sur la question nucléaire en 1991, année où la désapprobation atteignait 90%.

Ailleurs, la manière dont les gouvernements ont ignoré l’avis des populations européennes, que ce soit au niveau militaire ou "civil" est aussi flagrante en Allemagne, en France ou en Belgique.(6)Le Danemark, la Norvège et l’Irlande quant à eux, ont interdit le recours au nucléaire dans leur loi ; l’Autriche, suite à un référendum, l’a banni dans sa constitution.

Au cœur de l’Europe, la Belgique -12 fois plus petite mais plus densément peuplée que le Japon qui compte 54 réacteurs- est couverte par plus de 20 réacteurs dont plusieurs obsolètes.

Le nucléaire serait sûr ? Ni Tchernobyl, ni Fukushima -qui est pourtant située dans un des pays capitalistes fleurons de la technologie de pointe- n’infléchiront le déni nucléaire. Cependant les faits et les chiffres sont têtus.

En Belgique, classée juste avant le Japon en densité de population, il n’y aurait "que" deux centrales. Certes mais elles sont composées de sept réacteurs "construits avec les connaissances et possibilités techniques de l’époque et des ordinateurs qui fonctionnaient avec des cartes perforées… Mais ils furent surtout construits pour 30 ans. La loi sur la sortie du nucléaire a porté cette durée de vie à 40 ans. Aujourd’hui, l’industrie nucléaire tente de nous faire croire qu’on peut tirer jusqu’à 50 ans. Aucun ingénieur au monde n’a l’expérience d’une centrale nucléaire tournant pendant ce laps de temps." (7)

Et puisque l’atome ignore les frontières, il faut en compter une douzaine de plus. Les deux réacteurs enclavés à Chooz, les six de Gravelines et les quatre de Cattenom à la frontière française, ainsi que celui de Borssele situé à la frontière hollandaise. Près de vingt donc sans compter ceux situés de l’autre côté de l’étroite Manche ou en Allemagne. La prolifération "civile" comme militaire est un risque insoutenable financièrement et humainement, croissant et hélas avéré. Le fait que les compagnies d’assurances soient incapables de couvrir de tels risques sans former des consortiums et pools internationaux incluant les États, le confirme.

Nul besoin d’être féru de probabilité pour comprendre ce qui suit. Le nombre total de réacteurs connus en activité est de 443 unités (ceci sans prendre en compte plus de 245 réacteurs militaires embarqués ou ceux non répertoriés). Or en l’espace de 25 années, nous pouvons déjà constater un minimum de deux accidents majeurs reconnus. La proposition d’estimation du risque soumise par Paul Jorion semble donc acceptable quand il énonce (8) : "Disons que le risque pour un réacteur est d’un accident majeur tous les cinq mille ans. S’il n’y a qu’un réacteur au monde, le risque d’un accident majeur pour une année x est de 0,2 %o (2 sur 10.000) . Si j’ai 443 réacteurs en service dans le monde – ce qui est apparemment le cas aujourd’hui – quel est le risque d’un accident majeur sur une année, et par exemple, sur l’année en cours ?

R(443) = 1 – (0,9998)^443 = 8,48 %’

’Même avec une probabilité d’accident extrêmement faible : un accident seulement tous les 5 000 ans pour un réacteur, la probabilité d’accidents majeurs par année avec 443 réacteurs en service est de 8,48 %, c’est-à-dire un risque loin d’être négligeable.’

En soulignant que ce calcul ne tient pas compte du vieillissement de l’infrastructure et des autres risques d’accidents majeurs représentés par le stockage des déchets, le transport de ceux-ci ou encore de leur utilisation militaire dispersant -entre autre- l’uranium appauvri.

Que ce soit dans les chiffres ou dans le monde réel, le nucléaire est donc loin d’être sûr et ne garantit nullement l’indépendance énergétique de l’Europe ; la géographie et la géologie sont elles aussi têtues.

Pas plus qu’il ne serait "propre’. Il faut plus que du cynisme pour présenter sous un jour "écologique" une industrie qui contamine ses voisinages et les vents quand ce ne sont pas les cours d’eau, mers et océans. Plusieurs centres de traitements des déchets déversent en continu un flot radioactif dans les eaux qui forment les nuages, abreuvent les continents et leurs populations. Une contamination invisible aux effets désastreux, car en répéter hypocritement la faible radioactivité serait faire abstraction de leur accumulation irréversible. " En juin 1987, Pierre Bacher, directeur adjoint de l’équipement à l’E.D.F., a exposé la dernière doctrine de la sécurité des centrales nucléaires. En les dotant de vannes et de filtres, il devient beaucoup plus facile d’éviter les catastrophes majeures, la fissuration ou l’explosion de l’enceinte, qui toucheraient l’ensemble d’une « région ».(...) Il vaut mieux, chaque fois que la machine fait mine de s’emballer, décompresser doucement, en arrosant un étroit voisinage de quelques kilomètres, voisinage qui sera chaque fois très différemment et aléatoirement prolongé par le caprice des vents. Il révèle que, dans les deux années précédentes, les discrets essais menés à Cadarache, dans la Drôme, « ont concrètement montré que les rejets — essentiellement des gaz — ne dépassent pas quelques pour mille, au pire un pour cent de la radioactivité régnant dans l’enceinte ». Ce pire reste donc très modéré : un pour cent. Auparavant on était sûrs qu’il n’y avait aucun risque, sauf dans le cas d’accident, logiquement impossible. Les premières années d’expérience ont changé ce raisonnement ainsi : puisque l’accident est toujours possible, ce qu’il faut éviter, c’est qu’il atteigne un seuil catastrophique, et c’est aisé. Il suffit de contaminer coup par coup avec modération." Écrivait Guy Debord en 1988.(9)

- période exprimée en "demi-vie’- Jusqu’en 1982 les déchets nucléaires militaires et civils –plus de 100.000 tonnes- furent déversées dans les profondeurs des océans. Plus de 2000 "essais nucléaires" militaires officiels ont déjà eu lieu sur la planète, le record de puissance établit dans l’atmosphère par les Russes, dépassait 50 Mt soit 3333 fois Hiroshima !

Le nucléaire produit chaque année des milliers de tonnes de déchets hautement radioactifs et à vie longue (HAVL) qui viennent s’ajouter aux plus de 250.000 tonnes de combustible usés estimées à travers le monde en 2008. Leur radioactivité et/ou toxicité chimique persiste durant des périodes allant de plusieurs décennies à plusieurs centaines de millénaires. Milliers de tonnes auxquelles il faut ajouter les déchets de moyenne activité et à vie longue (MAVL), provenant eux aussi des réacteurs et représentant des volumes beaucoup plus importants. Ceux de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC), principalement les outils et combinaisons utilisés lors de la construction ou l’entretien des réacteurs, et enfin les déchets dits de très faible activité (TFA), composés principalement des matériaux contaminés provenant du démantèlement de sites nucléaires.

La multiplication des classifications ne suffisant pas à égarer ou rassurer l’électeur le lobby nucléaire va même jusqu’à prétendre au "retraitement" des déchets.

Si le plutonium et l’uranium de qualité militaire sont principalement produits dans des sites dédiés, le fait est que chaque réacteur "civil" crée du plutonium de par son fonctionnement même. Ceux qui voudraient le taire nous le rappellent pourtant quand il s’agit -par exemple- de l’Iran.

Et si ce n’est d’en réduire le volume, le traitement des déchets -qui en lui-même représente un désastre de toxicité pour l’humain et l’environnement- n’avait d’autre intérêt que d’en extraire le plutonium à des fins militaires. C’est ce qui en a historiquement motivé la mise en œuvre avant de trouver le très douteux alibi civil du MOX. Un combustible nucléaire décrié jusque dans le camp pro-nucléaire tant il est dangereux, instable et toxique. Ici aussi, depuis Fukushima il ne s’agit hélas plus d’avertissements théoriques.

Les réacteurs dits "civils" produisent du plutonium nécessaire à l’arme atomique et l’enrichissement de l’uranium "civil" produit de l’uranium appauvri "militaire’. Le nucléaire "civil" et militaire sont plus que liés, ils ne font qu’un.

Si le nucléaire dit "civil" représente un risque majeur et vérifié, la filière militaire en représente le summum. L’arsenal nucléaire mondial est monté jusqu’à plus de 70.000 têtes au plus fort de la "guerre froide’. Il est aujourd’hui estimé à 27.000 têtes intactes dont environ 12.500 actives.

Cependant le nombre de "puissances nucléaires" est passé de trois à neuf multipliant par autant le risque de la plus absurde conclusion à l’aventure humaine. Un seul missile étasunien "minuteman" représente plus de soixante fois Hiroshima, les Russes compensant leur manque de précision par des charges plus élevées encore.

Le danger d’une escalade nucléaire suite à un des nombreux conflits en cours ou déjà programmés demeure réel. Et ici aussi le risque d’accident existe (vol de charges ou de matières fissiles) et s’est maintes fois vérifié (fausse manœuvre humaine ou dysfonctionnement technique, etc.).(4)

Pire, la possibilité d’une "guerre nucléaire accidentelle" existe elle aussi. Conséquence éventuelle d’une simple erreur technique ou d’interprétation des systèmes de détection et d’alertes militaires, comme cela s’est régulièrement produit. A un tel point que le risque de "guerre nucléaire spontanée" est un concept militaire qui donna lieu à plusieurs conférences entre les deux superpuissances, afin de tenter d’en réduire le risque par différentes procédures, dont le fameux "téléphone rouge’. Ou quand la survie de l’humanité ne tient qu’à un fil, tel est le "modèle de société" qui est imposé.

Malgré la supposée fin de la guerre froide, des milliers de têtes longues portées sont toujours placées en "lancement sur alerte’(10) ce qui rend possible à tout moment le déclenchement d’une apocalypse strictement "accidentelle’. Il ne s’agit pas de spéculation. Le 25 janvier 1995, une fusée de recherche norvégienne fut identifiée par erreur comme un missile nucléaire hostile par le système de détection russe. La planète ne doit sa survie qu’à un (bref) éclair de lucidité du président Eltsine qui estima improbable une attaque nucléaire de la part de ses nouveaux amis (11). Si cet accident s’était produit en pleine guerre froide ou autre période de tension, vous ne liriez pas cette phrase.

La sortie du nucléaire est envisageable dès à présent et urgente ; prétendre le contraire révèle avant tout un choix de société et d’avenir fort discutable.

En monopolisant des milliards d’euros chaque année (12), le nucléaire prive de financements les vraies solutions à la crise environnementale et freine leur développement. Le projet ITER accapare à lui seul plus de 60 % des fonds européens de recherche sur l’énergie et son coût prévisionnel atteint déjà 16 milliards d’euros !

Quand bien même la décision serait prise aujourd’hui, sortir du nucléaire prendra de longues décennies et ne dispensera pas de la gestion des déchets et autres conséquences. Postposer n’est donc certainement plus une solution. Au contraire les problèmes et les accidents vont se multiplier, les causes avérées étant le vieillissement et la prolifération du parc et de ses déchets. De plus confier la gestion de cette industrie à haut risque au privé quand ce dernier démontre -à l’image de Tepco ou dans bien d’autres domaines- qu’il préfère les profits à court terme à la sécurité, aggrave encore le risque. Il y a donc réellement urgence.

L’alternative passe par le développement des nombreuses énergies renouvelables souvent sous-exploitées, tant au niveau de la puissance dégagée qu’à celui de l’outillage.Le solaire, le photovoltaïque, l’hydraulique, les vents et marées, le géothermique, la biomasse, la cogénération et bien d’autres pistes délaissées qui n’entrent pas assez dans la logique capitaliste de raréfaction et de centralisation ou -’défaut" majeur- dont l’intérêt militaire est nul. Tout comme elle implique par ailleurs le désarmement nucléaire global et l’interdiction de toute arme atomique.

Il est évident qu’à court et moyen termes l’apport du renouvelable ne suffira pas, cela passera donc aussi par une utilisation rationnelle de l’énergie disponible et le développement d’équipements et transports moins énergivores. Ce qui ne signifie pas inconfort -un concept que les Tokyoïtes découvrent sous un nouveau jour- mais de s’interroger par exemple sur la pertinence d’éclairer de nuit les publicités, autoroutes, centres commerciaux, bureaux vides, etc. De cesser de produire et d’utiliser des centaines de millions de gadgets munis de mode veille, souvent inutiles et ne disposant souvent plus d’interrupteur. Les industriels savent eux-aussi se rendre de menus services réciproques.Aux citoyens de se rappeler à eux, de leur signifier la limite, d’opter pour des fournisseurs d’énergie non nucléaire, de refuser le consumérisme, de légiférer pour encadrer. Nationaliser les secteurs énergétiques à risques autant que ceux rentables pour la collectivité. Produire moins et mieux, travailler moins et vivre plus.Cela est tout à fait possible et faisable, l’histoire le démontre à ceux qui en douteraient.

En Belgique les centrales nucléaires à peine remboursées par le contribuable furent aussitôt vendues au privé Français d’EDF. Depuis la note électrique belge flambe, ne cherchez pas l’erreur, il n’y en a pas. C’est une "logique" qui doit être combattue, ici et maintenant, partout et tout le temps.

Il apparaît que le nucléaire de par les sommes invraisemblables d’argent qu’il met en œuvre, représente et génère, ainsi que par la puissance militaire ultime qu’il apporte est un des, sinon le paroxysme du productivisme. Il en est symptomatique et révèle le totalitarisme inavoué du système capitaliste de marché ou d’État, de sa soif de profit au mépris du plus grand nombre. Le secret, entendez les mensonges qu’il requiert sont à l’opposé de l’exercice démocratique le plus élémentaire."

Les pratiques nucléaires, militaires ou civiles, nécessitent une dose de secret plus forte que partout ailleurs ; où comme on sait il en faut déjà beaucoup.(…) C’est ainsi que l’on peut disposer, pour évaluer la radioactivité, des unités de mesure suivantes : le curie, le becquerel, le röntgen, le rad, alias centigray, le rem, sans oublier le facile millirad et le sivert, qui n’est autre qu’une pièce de 100 rems. Cela évoque le souvenir des subdivisions de la monnaie anglaise, dont les étrangers ne maîtrisaient pas vite la complexité, au temps où Sellafield s’appelait encore Windscale.

(…)en Angleterre l’usine de retraitement des déchets nucléaires de Windscale a été amenée à faire appeler sa localité Sellafield afin de mieux égarer les soupçons, après un désastreux incendie en 1957, mais ce retraitement toponymique n’a pas empêché l’augmentation de la mortalité par cancer et leucémie dans ses alentours. Le gouvernement anglais, on l’apprend démocratiquement trente ans plus tard, avait alors décidé de garder secret un rapport sur la catastrophe qu’il jugeait, et non sans raison, de nature à ébranler la confiance que le public accordait au nucléaire." Guy Debord (13)

Les accidents et contaminations majeures ou "moindres" -toujours en cours- à Tchernobyl, Fukushima ou Sellafield et La Hague, tout comme à proximité de nombreuses autres centrales, sites de stockage de déchets ou encore dans les pays criblés de missiles et de munitions à l’uranium appauvri(13) ; démontrent l’irresponsabilité criminelle du productivisme. Et des politiques que ce dernier impose ou implique comme le consumérisme, le militarisme et l’impérialisme. Il s’agit bien d’un choix de société, d’un seul et même combat citoyen à mener ensemble. Car ici comme dans le cas de la crise économique du même système productiviste " il faut considérer cette crise comme une possibilité de rompre avec la logique capitaliste et de réaliser un changement radical de société. La nouvelle logique à construire devra rompre avec le productivisme, intégrer la donne écologique, éradiquer les différentes formes d’oppression (raciale, patriarcale, etc.) et promouvoir les biens communs." Comme l’écrivait récemment Éric Toussaint au sujet de l’Europe.(14)

’Grâce aux pastilles d’iode distribuées en cas d’accident nucléaires les populations exposées mourront de divers cancers respiratoires et cutanés, oui mais avec une thyroïde "saine" !" (15)

La seule et unique manière de (se) protéger efficacement des dangers nucléaires est de reprendre la lutte et de sortir définitivement de cette aberration. Nous avons un monde à soigner, à gagner et à construire, par la réappropriation de l’action politique et l’action citoyenne directe non violente car comme Voltairine le soulignait : " je ferai remarquer que l’on n’engage jamais, que l’on n’envisage même jamais aucune action politique, tant que les esprits assoupis n’ont pas été réveillés par des actes de protestation directe contre les conditions existantes.’(16)

Greenpeace en obligeant -par ses analyses in situ indépendantes- le gouvernement japonais à revoir ses estimations et mesures de sécurités à la hausse, en fait une fois de plus la démonstration.

Voilà un projet qui peut et doit permettre de dépasser certains clivages dont ne s’encombre pas l’adversaire et mener à la création d’un large front capable de créer le rapport de force, aujourd’hui à nouveau nécessaire, pour faire respecter les choix démocratiquement exprimés par les populations et les lois qui en découlent.Ce qui -il semble bon de le rappeler- ne se jouera ni devant, ni derrière et encore moins sur un écran mais sur la plage. (17)

OG pour activista.be.

Par gratitude et en hommage aux liquidateurs Tchernobyl, de Fukushima et d’ailleurs.En solidarité avec les victimes directes ou indirectes et toutes celles et ceux qui luttaient déjà ou se lèvent pour en finir avec le nucléaire.

Notes : (1) Le terme demi-vie ne signifie pas que la radioactivité serait nulle après deux demi-vies, elle n’est alors réduite qu’à 25%. La durée de vie de certains éléments constituant les déchets et produits de l’industrie nucléaire est estimée jusqu’à plusieurs millions d’années par les chercheurs. C’est le cas de l’iode 129, émetteur bêta d’une demi-vie de 15,7 millions d’années ou du cesium135 et sa demi-vie de 3 millions d’années. Pour les autres il faut généralement compter en millénaires, siècles ou décennies. Le plutonium produit dans les réacteurs a une "demi vie’de plus de 24.000 ans, temps nécessaire pour qu’il perde la moitié de sa radioactivité seulement.

(2) Les conditions d’entreposage, en France par exemple, de déchets radioactifs datant des années 1950 et 1960, sont à l’origine de contaminations du sous-sol et parfois des nappes phréatiques, selon un rapport publié en 2008 par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

(3) Voir l’article "Conséquences de Tchernobyl" d’Alison Katz publié par "Le Monde Diplomatique" et le dossier "La catastrophe nucléaire de Tchernobyl, 20 ans après" publié par "La Documentation Française’.

(4) Voir à ce sujet les listes des accidents nucléaires connus disponibles -entre autre- sur le site Wikipédia.

(5) Voir l’article "Les dossiers enterrés de Tchernobyl" d’Alison Katz publiés par "Le Monde Diplomatique’.

(6) L’Allemagne et la Belgique ont connu des mobilisations antinucléaires établissant des records historiques. En France 80% de la population est en faveur du référendum sur la question nucléaire qui n’a pourtant jamais eu lieu.

(7) Extrait d’’Une catastrophe nucléaire, cela n’arrive jamais. Jusqu’au jour où…" par Eloi Glorieux, publié par "Le Soir’.

(8) La formule complète est disponible sur le blog de Paul Jorion à la date du 18 mars 2011.

(9) Procédure permettant d’envoyer les missiles avant que l’ennemi ne frappe en se basant uniquement sur la détection informatisée de capteurs en réseaux.

(10) "Commentaires sur la société du spectacle" par Guy Debord.

(11) Ou de la part de ses commanditaires, à vous de voir.

(12) Superphénix, le "surgénérateur" fermé en 1997 après 12 années de dysfonctionnements divers a coûté à lui seul 9,7 milliards d’euros.

(13) Voir l’article "Armes à l’uranium appauvri : Leçons de la guerre du Golfe" par Dan Fahey et le dossier "Armes à l’uranium appauvri : jalons pour une interdiction" publiés par le GRIP.

(14) "Huit propositions urgentes pour une autre Europe" par Éric Toussaint.

(15) Réponse donnée par un pharmacien interrogé quant à la non-disponibilité pour la population belge de pastilles d’iode.

(16) "De l’action directe" par Voltairine de Cleyre.

(17) Celle qui est sous les pavés.


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