Vie quotidienne : Bonheur dans le couple doit-il rimer avec partage de l’aspirateur ? (article Marie-Claire)

mercredi 1er mars 2017.
 

1) Il ne fait rien à la maison. Comment gagner le combat quotidien ?

L’inégalité ménagère : une interminable injustice

Scandaleux : les femmes assument toujours 80% des tâches domestiques. Une inégalité dans le couple qui force toujours les femmes, à un épuisant numéro d’équilibrisme quotidien pour concilier travail et vie privée. Et la situation empire lorsqu’arrivent les enfants. L’injustice ménagère : un problème de couple ou une affaire publique, à l’origine de toutes les inégalités hommes-femmes ? Témoignages de femmes lessivées, et décryptages.

“Pourquoi c’est moi qui fais tout ou presque à la maison ? La question, fait grimacer Nathalie, 41 ans, prof de maths dans un collège francilien . Effectivement quand j’y pense, il n’y a pas de raison objective. Certes, je ne vais au collège “que” 18 heures par semaine, par rapport à mon mari, informaticien (40 heures de travail en moyenne), mais faire cours dans un bruit de fond à des élèves plus ou moins motivés, c’est épuisant. Le soir, j’ai des copies à corriger, des leçons à préparer, après avoir donné le bain au petit dernier, supervisé les devoirs de l’ aînée, cuisiné, rangé et balayé la cuisine, lancé une lessive. Et j’en oublie. Et pourtant, Pascal n’est pas un affreux macho : Il va au marché le samedi matin, et il me dit souvent, vaguement culpabilisé, “Viens te reposer à côté de moi Nathalie”. Mais de là à se lever du canapé et à me relayer, alors que son film est commencé… “

Comme Nathalie, la majorité des femmes en France assument seules 80% des tâches domestiques. Et le déséquilibre entre hommes et femmes est d’autant plus prononcé qu’il y a d’enfants dans la famille, et que le dernier est jeune, selon la dernière étude de l’INED (1). Concrètement, l’institut souhaitait mesurer l’impact d’une naissance sur l’organisation ménagère des familles. Les sondeurs avait donc questionné plusieurs milliers de couples en 2005, puis les avaient retrouvés en 2008. Entre temps, certaines familles avaient eu un premier bébé, ou bien un nouvel enfant de plus. Et le résultat est édifiant…Prenons la préparation du déjeuner et du dîner. Les femmes, qui étaient déjà seules aux casseroles dans 51% des cas, le sont ensuite dans 58% des cas, une fois devenues mamans. Et en cas de bébé supplémentaire dans la famille, les pourcentages explosent : on passe de 72% de mères quasi seules à la cuisine en 2005 , à 77% en 2008. Les choses ne s’arrangent guère non plus côté repassage. L’effet du premier bébé sur le linge du couple ? Celles, qui maniaient déjà quasiment seules le fer à repasser en 2005, soit 57% des femmes, passent à 66% en 2008. Même tendance au côté courses et corvée d’aspirateur. Mieux vaut le savoir avant de mettre un bébé en route…

Il faut dire que selon toutes les études, les hommes s’investissent encore plus dans leur travail quand surviennent les enfants, collant sans doute plus ou moins inconsciemment au rôle classique du pater familias pourvoyeur de ressources … malgré les belles intentions affichées quand les sondeurs viennent les interroger sur leur bonne volonté ménagère . Là, en théorie, 73 % des mâles adultes français estiment sans rire que les hommes devraient mieux partager les tâches domestiques ( 2). En théorie…

Une situation injuste pour les femmes, et désespérément stable : la dernière enquête Emploi du temps de l’INSEE de 1999, qui elle, détaillait toute une journée d’hommes et de femmes , montrait déjà que peu de progrès avaient été réalisés en 13 ans, entre 1986 et 1999 : 8 minutes de travail domestique de plus pour les hommes, une de moins pour les femmes … (3). Encore un effort camarades… Car finalement, peu de choses ont bougé depuis le célèbre slogan féministe des années 70, “ni potiche ni bonniche” ! Le partage du ménage serait-il le dernier combat que les femmes (et les hommes !) doivent encore mener ?

Les femmes des couples “biactifs”, ceux où les deux travaillent, ne sont pas épargnées par l’injustice ménagère, même si certaines tâches comme la préparation des repas, le passage de l’aspirateur et la vaisselle sont statistiquement un peu mieux partagées. Ainsi, si les femmes au foyer se chargent presque toujours du repassage, (ce qui n’étonnera personne), c’est aussi le cas dans …76,5 % de ces couples où les deux travaillent ! Et pourtant, un fer à repasser n’est pas plus compliqué à manipuler qu’une voiture ou un PC… Notons qu’aucun institut de sondage n’a jamais directement demandé aux hommes qui avouent ne rien faire à la maison, la raison de leur inertie ménagère. Dommage, on aimerait savoir si les allergiques au ménage estiment que balayer ou repasser sont des ” activités de femme”, qui attentent à leur virilité., ou si le contact de l’éponge les dégoûtent à ce point.

Relance : Hommes et femmes n’ont pas la même perception du désordre

Comment expliquer la persistance de ces inégalités qui choquent finalement peu de monde, tant elles sont banales, intériorisées, face au travail domestique ? Tout commence par l’éducation très conformiste encore donnée aux petites filles, même involontairement. Tandis qu’elles sont incitées de tout côté à faire jeu égal avec les garçons, pour la course aux diplômes et aux bons jobs, les fabricants de jouets les ramènent à l’univers domestique en leur proposant immuablement “d’imiter maman”. Les catalogues de noël regorgent de fers et tables à repasser, machines à laver, dinettes, autant d’ustensiles qu’on ne propose pas aux garçons. Et pourtant, si les mères et surtout les pères éduquaient les garçons à faire le ménage, quel impact sur leur future vie de couple !

Mais les préjugés ont la vie dure… En France, 42% des hommes pensent qu’être une femme au foyer est aussi épanouissant que d’avoir un travail rémunéré, approuvés par … 33% des femmes. Quasiment un tiers des femmes… (4). ” Même quand elles exercent une activité professionnelle, les femmes sont censées être disponibles à tout moment pour leur famille, en quelque sorte par nature, constate Roland Pfefferkorn, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg (5 ), et interviewé dans le documentaire d’Arte. Du coup, hommes et femmes n’habitent pas le territoire domestique de la même façon. La femme qui s’est approprié l’espace, passera plusieurs fois l’éponge sur la table de cuisine, quand l’homme ne remarque pas les miettes”. D’où une différence de perception du désordre, source de multiples incompréhensions mutuelles.

“J’ai fini par comprendre quelque chose, s’amuse Sandrine, 46 ans, kiné : mon mari n’est pas un homme qui ne m’aime plus, ou un affreux exploiteur qui ne me respecte pas. C’est juste que le “bordel” ne le dérange pas comme moi. Une fois, j’ai fait un test. La petite avait apporté son pot au beau milieu du salon. Exprès, je n’y ai pas touché. Dix fois, j’ai vu mon mari se lever, enjamber le pot, sans jamais avoir l’idée d’aller le vider et le ranger”.

Mais les inégalités ménagères ont d’autres racines. Ainsi, observent les sociologues, tout se passe comme s’il y avait dans les couples une division du travail plus ou moins consciente : celui qui gagne le plus, en fait le moins à la maison (devinez qui, statistiquement…), son temps professionnel étant plus rentable que son temps domestique . Certes, selon une étude de Denise Bauer , quand le salaire des deux est équivalent, le partage est plus équilibré que dans les couples où l’un gagne plus que l’autre (6) . Ce qui ne concerne finalement pas grand monde, puisque selon l’INSEE, seuls 11% de couples, auraient le même salaire en France. Il faut aussi “bémoliser” ce qu’on appelle un partage équilibré : ainsi, même chez les “partageurs”, les femmes gardent statistiquement le monopole du linge, et les hommes, le bricolage… La répartition des tâches est encore moins équilibrée quand la femme travaille certes, mais à temps partiel (pour concilier travail et famille dans les trois quarts des cas). Ce qui fait du monde, car 82 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes… Quant à celles qui quittent provisoirement le marché du travail pour prendre un congé parental, elles acquièrent souvent, involontairement, une image de mère au foyer corvéable à merci, et font alors tout ou presque dans la maison. Une conséquence à laquelle elles n’avaient pas forcément songé en décidant d’opter pour le “complément de libre choix d’activité” pour 374 à 562 euros selon leurs ressources…

Alors les femmes seraient-elles parfois leur pire ennemie ? 62% d’entre elles pensent en effet que faire le ménage, c’est leur rôle ! (7) “Les torts sont partagés, confirme de son côté Catherine Serrurier, thérapeute de couple (8). Empêtrées dans leur ambivalence, beaucoup de femmes ont des difficultés à déléguer, à lâcher du lest, au nom de leur vision de l’ordre, de la propreté, de l’efficacité (“Non, pas ” tout à l’heure”. Tout de suite !”) Elles sont victimes de leur perfectionnisme (“Laisse je vais le faire, ça sera mieux fait”), tout en se plaignant que le mari n’en fiche pas une rame à la maison.” Des demandes contradictoires qui découragent les bonnes volontés masculines, tout en déculpabilisant les allergiques au ménage : “Tu fais ça tellement mieux que moi” (chérie), “, excuse numéro 1 des hommes pour éviter de participer aux corvées selon les études. En bref, il est urgent que les femmes acceptent enfin de partager aspirateur, fer à repasser et serpillière avec leur homme, et de le laisser faire à sa façon, sans l’accuser de bâcler.

Relance : La répartition des tâches est responsable de 47 % des disputes dans le couple

Quels qu’en soient les responsables, l’incommunicabilité domestique a des conséquences sur la météo amoureuse et sexuelle des couples : “Entre lui et moi, c’est un dialogue de sourds, enrage Audrey, 30 ans, psychomotricienne. Comme ça m’horripile d’avoir à me répéter, je rumine en silence. J’attends en vain des initiatives de sa part, qui ne viennent jamais… Nettoyer les toilettes par exemple. Pas très glam ni très bon pour notre couple de le tanner pour ça. Du coup, la cuvette des WC étincelle toute seule, magiquement. Et moi j’explose sporadiquement (surtout quand je me rappelle qu’il ne prend même pas tous ses jours de congés dont il pourrait profiter pour me décharger)…. Et après mon coup de sang, je fais la gueule, plus la grève du sexe sans préavis .” Ambiance… Audrey n’est pas la seule à ruminer. La mauvaise répartition des tâches est responsable de 47 % des disputes dans le couple, apprend-on dans le documentaire d’Arte. Mais bizarrement, à notre connaissance, peu de femmes tentent la seule stratégie, qui peut-être pourrait donner des résultats : la grève pure et simple du ménage. Se croiser les bras (et tenir bon !) jusqu’à ce qu’il craque, vide l’évier, emplisse le lave-vaisselle…

On pourrait sourire de tout ceci en arguant que le partage des tâches domestiques appartient à l’intimité des couples. A eux de s’arranger, et tant pis pour les victimes consentantes. Mais outre que plusieurs études montrent que plus le partage est inégal, plus les femmes, mais aussi les hommes, privés entre autres, des soins aux enfants, sont finalement insatisfaits, les sociologues de la vie quotidienne, estiment que la redistribution des rôles à la maison, est une affaire publique, et même, un enjeu politique, les inégalités ménagères étant à l’origine de toutes les autres. Il est clair que plus on passe du temps à briquer sa maison, et à s’occuper des enfants toute seule, moins on en a pour décrocher une promotion…. “Les inégalités hommes-femmes dans le monde du travail trouvent en partie leur origine dans la répartition très déséquilibrée des tâches ménagères, accuse ainsi Brigitte Grésy, auteure d’un rapport en 2009 (9). C’est en permettant aux hommes d’avoir une vie familiale reconnue par le monde du travail et aux femmes de lâcher prise, (à condition qu’elles l’acceptent) qu’on arrivera à un nouveau contrat social entre les hommes et les femmes, et grâce au temps gagné, à une meilleure égalité professionnelle.”

Comment concrètement ? Avec des politiques publiques qui aident les couples biactifs à tout concilier, et qui changent petit à petit les mentalités. ” Il faut donc ouvrir plusieurs fronts, souligne la sociologue Dominique Meda : multiplier les places de crèches, revoir l’organisation dans l’entreprise, pour favoriser l’investissement des hommes dans la vie familiale, en s’inspirant de l’exemple suédois. Par exemple, un congé parental à partager obligatoirement entre père et mère, et mieux rémunéré que l’actuel Complément de libre choix d’activité (CLCA), donc plus incitatif pour les pères.” Il ne faut toutefois pas surévaluer les mythiques pères suédois, qui en réalité, s’endorment sur leurs lauriers, et ne prennent que 17% des congés auxquels ils ont droit… Le nouveau bon élève de l’égalité à la maison ? l’Islande, qui a mis en place un congé parental de neuf mois dont un tiers est réservé à la mère, un tiers au père et un tiers partageable entre les deux, avant les dix huit mois de l’enfant, chaque partie étant perdue si elle n’est pas prise par son destinataire. D’après les premières statistiques disponibles, ce dispositif aurait fortement incité les pères à profiter de leur congé, puisqu’ils prendraient déjà 30 % du total disponible, soit 83 jours”.

A comparer avec les pères made in France, qui ne sont que deux tiers à réussir à prendre les 11 petites journées auxquelles ils ont droit et pendant lesquels, (une fois n’est pas coutume, comme on va le voir) ils participent statistiquement deux fois plus aux tâches ménagères qu’à l’accoutumée…Avant de retomber petit à petit dans leurs mauvaises habitudes…

Par Corine Goldberger

NOTES

1) Population et Sociétés, n°461. 2009. L’arrivée d’un enfant modifie-t-elle la répartition des tâches domestiques au sein du couple ?

2) et 4) vague de l’ISSP 2002 consacrée à la famille et aux rôles.

3) Source : Ined-Insee, enquête Erfi-GGS1, 2005.

5) Professeur de sociologie à l’université de Strasbourg. Rapports de classe, rapports de sexe, Paris, La Dispute, collection Le genre du monde, 2007.

6) Études et Résultats N° 570. Entre maison, enfant(s) et travail : les diverses formes d’arrangement dans les couples.

7) Etude Ipsos-Spontex-Mapa. 2009.

C’est ta faute ! Pouvoir, peur et rivalité dans le couple (Éditions Desclée de Brouwer)

9) Rapport sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. 2009.

2) “Laisse chérie, je vais le faire”

Le tableau n’est pas si noir. Les hommes coopératifs existent. Souvent jeunes, diplômés et cadres, ils seraient les meilleurs garants de la solidité du couple. Qui sont ces mutants qui font rimer bonheur et aspirateur ? Enquête chez les couples égalitaires. Et pistes pour les imiter.

Homme au ménage = couple sans orages ? C’est ce que semblent démontrer deux études étrangères 1. Une enquête de la London school of Eonomics, a donc radiographié les pratiques ménagères de 3500 couples britanniques restés au moins cinq ans ensemble après leur premier enfant né en 1970. Il en ressort qu’un homme qui participe aux tâches domestiques aurait moins de risques d’être quitté par sa femme. En revanche, le risque de rupture serait beaucoup plus élevé dans ces familles tradi où Madame est au foyer, et Monsieur a mieux à faire, qu’à mettre la main à la pâte. D’après les conclusions de l’étude, même la perspective de se retrouver sans ressources n’arrête plus les desperate housewives britanniques ! Cette tendance va t-elle traverser la Manche ? Et dans une très sérieuse étude californienne, on apprend que plus les hommes partagent les corvées ménagères, plus les femmes sont heureuses, plus les couples font l’amour (si si !), et moins ils se disputent pour des histoires de rangement ou de vaisselle. Heureux ceux qui savent faire rimer passion et Paic citron…

En France, les “perles” qui font leur part à la maison existent aussi. Leur portrait type selon les diverses études qui les ont pistés ? Un jeune cadre diplômé, qui ne veut plus sacrifier ses responsabilités familiales sur l’autel de la réussite professionnelle. Mais, notent les sociologues, il est surtout flanqué d’une compagne à profil équivalent : mêmes études, même type d’entreprise, un travail à plein temps, qu’elle est bien décidée à conserver, enfants ou pas. Soit environ 15% des couples2. Autre facteur méconnu d’égalité, le divorce, qui réveille parfois … un potentiel ménager inexploité. Antoine, éditeur, séparé, trois filles : ” J’avais l’image d’un homme incapable de se débrouiller seul à la maison. Séparé, j’ai appris à cuisiner, à m’arrêter au marché pour acheter des légumes de saison. J’ai même publié un livre à partir de mon expérience : La cuisine du divorcé3. J’ai appris à démystifier les travaux ménagers. Je suis incollable sur le Mir Black pour mes jeans noirs, et je ne fais plus rétrécir mes pulls. Si un jour je me remets en couple, plus jamais une femme n’aura le droit de s’occuper de mon linge. Car je ne veux pas d’une relation basée sur des échanges de services.” Le divorcé auto-rééduqué serait-il l’avenir de celles qui refusent de tout assumer ? Quoi qu’il en soit, nous avons rencontré des couples de partageurs pour comprendre les secrets de leur égalité ménagère…A copier sans modération !

Camille et Benjamin, 24 ans, jeunes diplômés : On partage tout comme en coloc !

Benjamin, ex-handicapé du ménage/ fils à sa maman, a appris à se débrouiller dans une coloc d’étudiants, où il était impensable qu’un membre ne prenne pas sa part de travail.

Camille : ” Nous avons gardé les bonnes habitudes de sa bande : un tableau hebdomadaire des tâches de chacun, et surtout, des tours de ménage scotché sur le frigo. Pour les corvées les plus rebutantes, nous alternons chaque mois. Exemple : les toilettes. Il n’y a pas de raison pour que ce soit toujours le ou la même qui s’y colle. De même, pour éviter un déséquilibre dans les dépenses pour l’appart, nous avons, outre nos propres comptes bancaires, un compte commun destiné entre autres, à l’achat des produits d’entretien. Mais rien n’est écrit dans le marbre, et nous nous adaptons aux imprévus en tous genres. Ainsi, pour connaître les horaires de l’autre au jour le jour, très variables, dans nos jobs de commerciaux, pots d’entreprise inclus, nous avons aussi affiché les emplois du temps de chacun, également accessibles en temps réel sur un agenda électronique partagé. Ca n’a rien d’intrusif : pour le moment, nous nous entendons bien, et n’avons rien à cacher à l’autre” (rires).

Agnès, 29 ans, assistante maternelle, et Julien, 30 ans, agent de planification Nous sommes interchangeables !

L’égalité ménagère, ça peut aussi se décider à deux, question de principe, tout simplement.

Julien : “Je “n’aide” pas Agnès à faire le ménage : nous en faisons autant l’un que l’autre, nuance. Lessive, repassage, vaisselle, nous sommes totalement interchangeables. Tout en nous adaptant à l’emploi du temps de l’autre, ayant des horaires très différents : celui qui est en congé en fait plus que celui qui travaille. Tout vient de mon éducation. Nos parents nous ont élevés mon frère et moi ,avec deux idées fortes. Primo : les femmes et les hommes sont totalement égaux. Secundo : conséquence logique, tout le monde doit participer aux différentes tâches ménagères. Et puis, comme mes parents ont divorcé assez rapidement, je les ai observés dès l’âge de huit ans vaquant à leurs tâches ménagères chacun de leur côté. J’ai donc bien retenu qu’un homme est parfaitement capable de tenir une maison, et qu’une femme a besoin d’être aidée, pour avoir plus de temps pour elle. Et puis comme je m’ennuyais très vite, j’ai pris l’habitude de demander à ma mère si je pouvais l’aider pour m’occuper…” De son côté, aînée d’une fratrie où elle jouait le rôle d’une petite maman adjointe pour aider sa mère elle aussi divorcée, Agnès, qui a dû s’éduquer elle-même à l’égalité domestique n’en est pas revenue… “Mon souvenir le plus marquant ? C’est un peu intime, mais parlant : mes rêgles venaient de débarquer, et j’ai eu la surprise de voir Julien prendre naturellement ma culotte tâchée de sang et la passer sous l’eau pour enlever le plus gros, avant de la mettre à la machine à laver…”

Gaëlle, 36 ans, cadre sup dans une agence de pub, et Pierre-Jean, 40 ans, directeur marketing dans l’édition :

Chacun son boulot à la maison !

Parce qu’on n’a pas tous les deux les mêmes goûts et compétences…

Pierre-Jean : ” Gaëlle travaille beaucoup. Pas question pour elle comme pour moi qu’elle se transforme en Bobonne. Et puis je crois que la voir torchonner, ça tuerait mes fantasmes” (rires). Une femme qui ne se tue pas au ménage est beaucoup plus disponible pour son homme et ses enfants. Issu moi-même d’une famille nombreuse, je voulais avoir beaucoup d’enfants (nous avons quatre filles !) sans que leur mère soit professionnellement pénalisée. Nous avons donc fait un deal : partager le travail, mais à chacun son boulot. Nous sommes complémentaires : à moi les sorties piscine avec la petite dernière, les courses au supermarché, les plantes vertes, les machines à laver, étendage du linge compris. Ma femme de ménage m’a même demandé mes secrets pour obtenir un tel blanc (rires). Gérer le linge de la famille, mettre les culottes sales des filles au panier, c’est une des multiples manières de m’occuper d’elles.

A Gaëlle la cuisine, le rangement des chambres de nos filles, et la gestion de leur scolarité ». D’où vient cette attitude exemplaire ? ” Au départ, je suis un ex étudiant très autonome, une vraie fée du logis, marié à une fille d’ambassadeur qui avait tout à apprendre côté tâches domestiques (rires). Mais il y a plus “fondateur” : ma mère, une féministe, a décidé de retravailler le jour où elle a découvert que mon père, un pater familias à l’ancienne, avait une liaison. Moi-même, je ne cesse de répéter à mes filles qu’elles ne doivent être au service de personne. ”

Caroline, enseignante, et Joël, commerçant, 50 ans tous les deux.

Bien observer l’autre avant de (re)tenter la vie à deux

Souvent partants pour dépoussiérer leurs habitudes ménagères : les couples qui recomposent…

Caroline : ” Nous sommes ensemble depuis deux ans, mais nous avons gardé chacun notre appartement : un délicieux va et vient entre deux maisons, deux lits, et… deux façons de ranger/nettoyer… Ce qui permet d’observer discrètement l’autre avec l’œil d’une anthropologue - son territoire, ses habitudes ménagères,- et d’en déduire si ça vaut le coup de tenter un jour de cohabiter, ou s’il est préférable de rester dans ce confortable entre-deux. Pour le moment, j’ai constaté de visu que Joël ne s’en sort pas trop mal chez lui, mais à tendance à se couler dans le moule traditionnel et à se conduire en invité quand il est chez moi (souvent, parce que j’ai un ado à la maison, et qu’il n’est pas question que je sorte tous les soirs pour retrouver mon chéri).

Au début, il y a donc eu quelques tensions, chacun arrivant avec sa propre expérience ménagère de couple. Du coup, j’ai pris quelques mesures, pour rééquilibrer les tâches et faire à deux le ménage du week-end, “dans la joie et la bonne humeur” : par exemple laisser en plan quelques tâches ciblées, comme débarrasser la table et la nettoyer, et aussi emplir/vider le lave-vaisselle.

Quand il n’y a plus une seule assiette propre, ni un coin de table disponible, en général Joël, même en râlant finit par entrer en action. La leçon vaut aussi pour mon fils. Je compte sur l’effet d’entraînement à deux… Quelques astuces perso : Joël déteste le contact de l’éponge mouillée, pire gluante. J’ai donc disposé des lingettes pré-imbibées multi-usages un peu partout. Ca marche ! Et puis des accessoires de ménage sympa : gants humoristiques, balai aux couleurs psychédéliques. Très important, pour motiver les troupes, des ustensiles propres, neufs (un peu comme les fournitures scolaires de la rentrée). Et puis comme je déteste moi-même le travail domestique parce que je ressens, toutes ces corvées comme une perte de temps absolue, nous écoutons des trucs sympas tout en faisant le ménage : musique à fond ambiance concert de rock, ou bien émission intéressante, philo, économie, billets d’humeur, podcastée sur France Culture, histoire de se cultiver tout en lavant les sols.


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