Mort de Pinochet : frustration et colère des victimes françaises

mardi 12 décembre 2006.
 

Les avocats des familles de disparus français sous la dictature chilienne ont exprimé leur "frustration" après le décès d’Augusto Pinochet, jugeant que "la colère des familles" face aux lenteurs judiciaires s’exprimera désormais "avec encore plus de raison". "Ma réaction est celle d’une frustration", a déclaré Me Sophie Thonon "car il semblait aller mieux et (...) je m’étais dit qu’il pouvait encore vivre quelques mois, voire quelques années", le temps d’être jugé.

Mais "c’est aussi un très grand sentiment de colère contre cette justice française, chilienne, et celles d’autres pays qui n’ont pas pris la mesure du temps et jugé Pinochet avant son décès", a-t-elle ajouté, relevant les lenteurs des procédures engagées contre l’ex-dictateur. "La colère des familles est là depuis longtemps, maintenant elle s’exprimera avec encore plus de raison", a estimé Me Thonon, qui représente les intérêts des familles de cinq Français disparus."Le procès en France continue contre les co-auteurs", a-t-elle souligné, et "ce sera aussi quelque part le procès de la dictature chilienne et de Pinochet". En outre, "Pinochet avait petit à petit révélé au Chili l’étendue de ses crimes" et c’est "aux yeux du monde une personne dont l’image s’est dégradée", a-t-elle ajouté.

"Il reste très important pour les victimes que la justice dise ce que Pinochet a fait, ordonné, quelle que soit la nationalité de cette justice, qu’elle dise que c’était un criminel contre l’humanité", a-t-elle ajouté. "La preuve est faite que si on donne pas des moyens aux juges chargés de poursuivre les grands criminels, on donne à ces derniers l’occasion de pouvoir jouer la montre", a regretté de son côté Me William Bourdon, autre avocat de familles de victimes. "En France, l’instruction a démarré tambour battant, les investigations ont été très approfondies et multiples mais il a manqué un dernier souffle pour que le procès de Pinochet se tienne ces derniers années. On peut et on doit le regretter", a expliqué l’avocat.

"Mais pendant ce temps, la justice chilienne a marqué des points puisqu’elle a inculpé le dictateur, ce qui aurait été inimaginable il y a dix ans. Et, elle l’a fait parce qu’elle a été réactivée par l’action des juges européens", a-t-il estimé."Le procès de la dictature chilienne aura bien lieu à Paris et ce sera le seul au monde. Et se sont les investigations françaises qui auront permis ce procès pour l’histoire et la mémoire", a-t-il conclu. Augusto Pinochet, mort dimanche à Santiago à 91 ans, était poursuivi en France pour la disparition de Georges Klein, conseiller du président Salvador Allende, l’ancien prêtre Etienne Presle, Alphonse Chanfreau et Jean-Yves Claudet-Fernandez, deux membres du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR).

Le parquet de Paris avait requis en décembre 2005 le renvoi du général Pinochet devant la cour d’assises de Paris pour "complicité d’arrestation et de détention arbitraire" avec les circonstances aggravantes "d’actes de tortureou de barbarie" pour l’une des victimes, ainsi que celui de 15 autres personnes.Mais l’ordonnance de renvoi n’a jamais été signée.


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