Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont ou le courage en politique… !

vendredi 18 mai 2012.
 

Par Alexis Corbière, ce samedi 12 mai en matinée.

Soyons franc et honnête avec les nôtres, le dégagement de Nicolas Sarkozy, chose ô combien importante, ne suffit pas à changer la vie, vraiment. Il faut des députés ayant la tête dure, qui défendent leurs convictions sans relâche. Qui peut nier que François Hollande fut d’abord et essentiellement l’instrument de millions de citoyens pour dégager le précédent locataire de l’Elysée ?

Dans ce cadre là, je veux dire quelques mots sur le cas précis de Jean-Luc Mélenchon. Voici notre décision qui sera annoncée à 13h avec plus de précision par Jean-Luc lui-même, lors d’une conférence de presse en direct d’Hénin-Beaumont. Je dis « notre décision » car depuis le début sur ce sujet Jean-Luc a tenu a associer la direction du PG et celle du Front de gauche à propos de son cas personnel. J’invite chacun à suivre notre raisonnement. Une fois de plus, ce qu’il fait et fera n’a d’intérêt que sur le plan collectif. Mélenchon ne poursuit aucune ambition personnelle. Il ne cherche pas « un point d’atterrissage » comme je le lis dans certains grands quotidiens, pour la bonne raison qu’il n’est pas en train de planer dans les airs en panne de carburant. Chez nous, c’est la politique qui commande et non la recherche désespérée pour tel ou tel d’un mandat parlementaire. Faut-il le préciser d’ailleurs ? Jean-Luc Mélenchon est actuellement déjà parlementaire européen.

En revanche, nous voulons mettre à profit le magnifique capital politique accumulé durant cette campagne présidentielle pour continuer à défendre notre cause et construire une force politique nouvelle à gauche. Ce que nous avons construit n’est pas un capital à faire prospérer en le plaçant je ne sais où. C’est une dynamique à maintenir. Tel une bicyclette, nous tombons si nous n’avançons pas. La question que nous nous sommes posée était : où Jean-Luc Mélenchon est-il le plus utile dans cette nouvelle bataille politique ? Pour répondre à cela il existait de nombreux scénarii dont le premier était la possibilité qu’il ne soit pas candidat et qu’il soit ainsi le porte-parole de tous les candidats. C’était une option qui avait sa cohérence. Nous ne l’avons pas retenue. Une fois décidé qu’il soit candidat, il y avait les hypothèses d’aller dans l’Hérault, dans le Val-de-Marne, dans les Bouches-du-Rhône ou enfin dans la circonscription d’Hénin-Beaumont dans le Pas de Calais. Chacun de ces cas de figures était intéressant, de façons différentes, sur le plan politique. Dans les deux premiers évoqués, les camarades candidats sur place, et les composantes du Front de Gauche, ont immédiatement fait savoir qu’ils accueilleraient Jean-Luc avec le plus grand plaisir. C’est même eux qui l’avaient suscité généralement. Il n’en est pas de même dans les Bouches-du-Rhône où manifestement, certains de nos amis du PCF ne pensaient pas ainsi, à la différence de ceux du PG qui trouvaient cette venue utile pour bouleverser le paysage politique local très verrouillé et même, disons-le, assez pourri. Dommage.

Et, il y avait l’option d’aller dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, celle où se trouve la ville d’Hénin-Beaumont notamment. Pour ma part, et je ne suis pas le seul, j’ai soutenu cette idée, dont je n’ai pas été à l’initiative toutefois. Le PCF d’Hénin Beaumont et le camarade qui devait être candidat, Hervé Poly ont été immédiatement disponible. C’est un militant expérimenté et un homme intelligent que j’ai déjà eu la chance de rencontrer. Pourquoi, je soutiens la venue de Jean-Luc dans cette circosncription ? Parce que ce lieu concentre hélas toutes les crises et les faillites de notre temps. Il n’y aurait rien de pire pour l’idée que je me fais de la France, que Marine le Pen représente cette vieille terre ouvrière où tant de luttes sociales magnifiques ont été menées. Regardons les choses avec lucidité, il s’agit encore d’une « terre de gauche » où sur les 14 communes qui composent la circonscription, toutes sont de gauche, et parmi elles 5 communistes, sauf une seule au Modem. Mais, il existe un risque réel que le FN l’emporte en juin. Ne soyez pas étonné. Cette catastrophe est rendu possible pour une raison : la décrépitude du PS local. Seule une gauche sans complexe ni casserole peut arriver désormais à faire reculer le FN. Le PS en est incapable et tout le reste ne fera que nourrir les ambitions du clan Le Pen.

Alors que faire ? Rester inactif, les bras ballants ? Ne pas l’affronter alors que pendant les 15 jours d’entre deux tours, ses propositions xénophobes ont été au cœur de tous les débats jusqu’à la nausée ? Réagir ainsi serait indigne. J’ai la conviction que dans les années qui viennent une course de vitesse est engagée entre eux et nous, entre les partageux et les racistes. C’est un choix fondamental qui pose la question suivante : l’issue à la crise se fera-t-elle sur la question sociale ou la question ethnique ? Ne souriez pas. Les vieilles ruses sont de retour. Elles ont fait leurs preuves dans le passé. Le racisme, et l’antisémitisme, ont servi de prétexte à empêcher l’unité des travailleurs. La xénophobie est un poison qui vise à tuer la conscience de classe.

Pour moi, Hénin-Beaumont n’est donc pas un « bastion du FN ». C’est un « bastion » du chômage, de la crise politique et économique. Ce n’est pas la même chose. C’est aussi hélas un bastion de l’impuissance et de la dégénérescence d’un socialisme municipal combinard et vermoulu. Ici, le clientélisme tient souvent lieu de seule idéologie dans les sections. La droite quand à elle, est inexistante et cela profite mécaniquement au FN qui prend sa place. C’est la fonction sociale de l’extrême droite depuis longtemps. Ce cocktail explosif est évidemment redoutable. C’est là-dessus que le FN a prospéré. Vous voulez les noms des 37 meilleurs agents électoraux du Fn ? Les voilà. C’est la liste de toutes les entreprises de la région qui ont fermé depuis 2002 :

1 Solectron Longuenesse

2 Métaleurop Noyelles-Godault

3 Comilog Boulogne-sur-mer

4 Umicore Calais

5 Lu Calais

6 Mann-Hummel Grenay

7 Ovalitrad Boulogne-sur-Mer

8 Berthier Laventie

9 Johnson-Control Harnes

10 Inergy Grenay

11 Codema Boulogne-sur-Mer

12 Seferba Coulogne

13 Papeterie de Maresquel Maresquel

14 Grollet distribution Mazingarbe

15 Electricité industrielle Calais

16 Auchelaine Auchel

17 Faiencerie d’Art Desvres

18 Cocim-PCB Landacres

19 Sublistatic Hénin-Beaumont

20 Plastic Confection Frévent

21 Sucrerie Pont d’Ardres

22 Pom’Alliance Monchy-le-Preux

23 Pomona-FGV Boulogne-sur-Mer

24 Arkena Loison-sous-Lens

25 Samsonite( Energyplast) Hénin-Beaumont

26 Flair Résine Wimille

27 France Boisson Aubigny-en-Artois

28 Verton Production Verton

29 Filartois Douvrin

30 Bosal Annezin

31 Fermobat Annezin

32 Sea France Calais

33 Dezelus Bruay la buissière

34 Fonderie FM Douvrin

35 Transports Thévenet Aubin st Vaast

36 Sucrerie Hesdin

37 Santerne (ateliers) Arras

Et il en existe d’autres exemples…C’est sur ce fumier social que le lepénisme a grandi et sur l’incapacité de la gauche à s’opposer à ce désastre. Des salariés humiliés par la cupidité de patrons voyous, après « ma ruine » ont cru que la solution serait Marine. La prétendue « force » du FN c’est avant tout la faiblesse des autres. Certes, cela ne s’est pas fait tout seul. Un dénommé Steeve Briois, aujourd’hui secrétaire général du FN, est celui qui, depuis des années, s’est employé à construire quelque chose qui tienne debout dans cette désolation. Cet ancien VRP qui vendait en porte à porte des abonnements au câble, a appliqué les mêmes méthodes pour s’implanter politiquement. Rien de décoiffant en réalité, juste une rigueur qui faisait défaut aux autres. A partir du moment où des succès électoraux ont semblé possibles, Marine Le Pen a débarqué pour en cueillir les fruits. Elle n’est venue là que parce que c’était une terre électorale plus facile pour le FN, sans quoi les habitants d’Hénin-Beaumont ne l’auraient jamais vu. Aucun courage de sa part, c’est même l’inverse. La pure attitude de la diva, fille à papa, qui vient faire ses œufs dans le nid que les autres ont construits. Briois l’a aidé à venir car il avait fait le choix de Bruno Mégret lors de la scission du Fn et avait à se faire « pardonner » en quelque sorte. Il a aussi compris que ses intérêts personnels passaient par la venue de quelqu’un portant le nom de famille « Le Pen ». Coup de chance pour lui, elle est même devenue Présidente du Parti plus tard. Avant cela, elle était élue au Conseil régional d’Ile de France jusqu’en 2010 et craignant une défaite annoncée, elle est venue se faire élire au Conseil régional du Nord - Pas de Calais. Ce fut la même chose l’année précédente aux élections européennes de 2009 où elle a pris la place à Carl Lang, dirigeant historique du FN, pour se faire élire, avec pour seule autorité qu’elle était la fille de Jean-Marie Le Pen, encore Président du FN à ce moment. Toujours aucun courage politique de sa part.

A l’annonce de la possibilité de la venue de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont, le petit monde du Fn s’est affolé. Hé, hé… Tant mieux. Steeve Briois a envoyé à la presse un communiqué inepte se moquant de « la cravate rouge » de Mélenchon. Il ose même utiliser le mot de « parachutage » oubliant qu’il avait proposé la même chose à Marine Le Pen en 2007. Il oublie aussi au passage, alors qu’il est secrétaire général du FN ( !), que tous les principaux dirigeants du Fn vont essayer de se faire élire dans des circonscriptions où ils ne militaient pas précédemment. C’est le cas de Bruno Gollnish, figure du FN lyonnais, qui va essayer de se faire élire dans le Var, c’est le cas de Gilbert Collard qui tente cette fois ci de se faire élire dans le Gard, et de beaucoup d’autres… Cet argument de Briois est donc d’une grande faiblesse. Tout le monde sait que Marine Le Pen ne vit pas dans cette circonscription et qu’elle est une petite bourgeoise qui habite au Château de Montretout dans le plus riche département de la région parisienne.

Les électeurs d’Hénin Beaumont pourraient ainsi avoir un choix d’une grande clarté. Une gauche sociale propre et combattante, où une extrême droite prête à s’allier avec la droite si cette dernière appelle à voter pour elle. J’insiste sur ce dernier point. J’ai lu avec attention la dernière interview de Mme Le Pen dans Valeurs Actuelles. Elle y déclare la chose suivante : « Si Sarkozy avait déclaré qu’entre un candidat PS et un candidat FN il aurait voté en faveur du FN, il aurait été réélu. » Plus loin, elle déclare que son objectif est d’avoir 15 députés pour faire un Groupe à l’Assemblée nationale. Incroyable aveu de sa part. Pour 15 députés, ce parti était prêt à faire réélire Nicolas Sarkozy et sa politique de casse sociale. Voilà la fonction de l’extrême droite ! Elle n’est en rien une opposante à la droite. Dans la même interview encore Marine Le Pen dira clairement : « Je ne confonds pas l’idée que je me fais de la droite et de ce qu’elle incarne, ou plutôt incarnait, avec ce qu’elle est devenue. Pour moi, la droite cela veut dire la droiture, le patriotisme. Je me reconnais dans ces valeurs. Mais en quoi l’UMP, qui se revendique de droite, défend-elle ces valeurs ? Voilà vingt-cinq ans que la droite s’est soumise idéologiquement à la gauche. » Au moins, c’est clair. Le Fn n’a rien à voir avec la gauche. Il reproche même à l’UMP de Sarkozy d’être trop à gauche ! Sidérant.

Jean-Luc Mélenchon annoncera tout à l’heure qu’il est candidat de Hénin Beaumont. Chacun pourra le constater, Il n’a pas peur d’affronter la difficulté. C’est même tout l’inverse : il va à la difficulté, pour la résoudre. C’est une différence avec Marine Le Pen, il ne va pas où les résultats électoraux sont les plus favorables pour nous. Il n’hérite pas, et n’a jamais hérité, de facilités dues à son père. Tout ce qu’il a obtenu depuis plus de 30 ans, il l’a construit lui-même (et bien sûr aussi avec l’aide de nombreux camarades) avec opiniâtreté. Il a toujours mis ses intérêts personnels en retrait par rapport aux intérêts collectifs. Au Front de gauche, nous sommes francs et honnêtes avec nos concitoyens. Nous ne biaisons pas. Notre projet politique passe par l’affrontement avec la droite et le combat contre les idées du FN qui se répandent dans les milieux populaires. Parallèlement, nous voulons reconstruire une gauche sociale, écologiste, laïque et républicaine. On ne peut pas faire conCraindre la difficulté ne fait pas partie du vocabulaire du Front de Gauche. Certes, en faisant le choix d’Hénin-Beaumont, il prend, et nous prenons tous au Front de gauche, un risque réel. Mais, la tâche que nous avons entreprise comporte depuis le début ce risque réel.

Faire un choix n’est jamais facile, mais je sais que le concernant, il sera nourri de deux éléments : les convictions et le courage… !

Avec ces deux qualités, on peut changer le monde.


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