PS pourri dans les Bouches-du-Rhône ? rapport et lettre de Montebourg Commentaires de presse (4 articles)

vendredi 11 mars 2011.
 

1) RAPPORT DE CONSTATATION SUR LES PRATIQUES DE LA FEDERATION SOCIALISTE DES BOUCHES-DU-RHONE (par Arnaud Montebourg)

La Fédération des Bouches-du-Rhône est historiquement connue pour faire l’objet de pratiques contestables qui ont déjà donné lieu dans le passé à de sérieuses remises en ordre : fausses cartes, trucage des scrutins, pressions sur les militants, utilisation des collectivités locales comme outil de compression du débat démocratique.

A la suite d’un voyage dans les Bouches-du-Rhône au mois de juin 2010, et particulièrement à Marseille, il m’a paru nécessaire de relater et de transcrire certaines pratiques incompatibles avec l’idéal socialiste et en infraction directe et frontale avec les statuts de notre parti.

Ce document confidentiel est destiné au Premier secrétariat du Parti Socialiste. Il a pour but d’alerter sur ces graves anomalies qui pourraient conduire à compromettre la direction du parti, si celle-ci ne donnait pas de suite à ce présent document, avec les pratiques les plus contestables de cette Fédération.

Un secrétaire national chargé de la Rénovation, placé dans la situation de devoir constater de telles pratiques est dans l’impossibilité morale et politique, non seulement de se taire mais de les taire à la direction politique de son parti, dès lors que le programme de rénovation initié avec l’aide de la direction issue de Congrès de Reims observe des objectifs sincères et authentiques.

1. Une démocratie pluraliste inexistante

Tout le système fédéral est construit autour de la domination du Conseil général sur le parti.

Le Conseil général, machine à distribuer des postes d’élus ou d’employés, est utilisé comme instrument clientéliste, non pas aux fins de développer le parti, combattre la droite, faire rayonner nos valeurs et notre idéal, mais tout au contraire à asseoir sans partage le pouvoir de son président sur le parti, sur les autres collectivités locales, que ce soit l’agglomération marseillaise ou, jusques et y compris, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

L’argent public y est notoirement utilisé pour faire pression sur les élus socialistes afin de s’assurer de leur soutien sans faille -pour ne pas dire leur docilité- quand il ne s’agit pas de leur silence, là où, au contraire, le parti qui est chargé de délivrer les investitures, devrait pouvoir organiser le débat et le contrôle des élus socialistes afin de discuter avec les militants, des orientations politiques de leurs grands élus. Le cabinet du président du Conseil général est ainsi devenu le lieu de contrôle de la vie militante dont l’essentiel de l’activité consiste à s’assurer la fidélité aveugle des responsables de sections ou des cadres fédéraux de notre parti.

Le Premier secrétaire fédéral, Eugène Caselli, a pendant plusieurs années été mis en quelque sorte sous le contrôle d’un des membres du cabinet du président du Conseil Général, lequel est devenu premier secrétaire délégué après le Congrès de Reims, dont il a dû être inséparablement flanqué.

On peut indiquer pour justice que si, pendant toutes ces années, la Fédération a cherché à exercer son légitime contrepoids à l’égard du Conseil général et de son président, néanmoins, le cabinet du Conseil général a toujours considéré la Fédération comme son apanage et son bien.

2. La violation des statuts et l’autoproclamation d’un « président » de Fédération

A l’issue du Congrès de Reims, le Premier secrétaire fédéral des Bouches-du-Rhône, Eugène Caselli, devenu, en 2008, président de la Communauté Urbaine Marseillaise, avait été reconduit, par le vote au suffrage universel, Premier secrétaire fédéral.

Considérant que ce contrôle politique du président du Conseil général était insuffisant sur la Fédération, notre camarade Jean-Noël Guérini s’est auto-proclamé président de la Fédération socialiste des Bouches du Rhônes, un poste qui n’existe pas dans les statuts, au cours d’un Conseil fédéral réuni le 5 février 2010 à Marseille1. Plusieurs secrétaires fédéraux ont témoigné que la salle était en majorité composée de personnes qui ne sont pas membres du Conseil fédéral et pour la plupart employées du Conseil général. Cette réunion, qui s’était tenue en l’absence de la plupart des élus importants du département, a conduit à « l’élection » d’un président de la Fédération après que notre camarade Eugène Caselli a décidé de démissionner subitement.

Cette prise de pouvoir sur le parti par le président du Conseil général constitue une violation caractérisée des statuts car la présidence d’une Fédération n’existe pas dans nos statuts. Le seul poste réglementaire est celui de président du Conseil fédéral qui est un poste assurant exclusivement les délibérations de l’organe délibérant du parti, le Conseil fédéral, et ne confère, de quelque manière que ce soit, aucune prérogative exécutive que les statuts réservent au Premier secrétaire fédéral ou par délégation aux secrétaires fédéraux. Pourtant, Jean-Noël Guérini se comporte en Premier secrétaire fédéral puisqu’il signe désormais les circulaires, disposant de pouvoirs qu’il ne peut pas exercer dans la légalité du parti.

Par ailleurs, un Premier secrétaire fédéral ne peut qu’être élu au suffrage universel des militants, ce que l’intéressé n’a jamais sollicité. Enfin, l’article 16-2 des statuts du Parti Socialiste dispose : « A l’échelon départemental, les fonctions de président du Conseil général sont incompatibles avec celles de Premier secrétaire fédéral ».Ainsi, Jean Noël Guérini ne peut pas exercer les fonctions qu’il prétend aujourd’hui exercer. Il est en conséquence en situation d’usurpation de poste et de violation caractérisée de nos statuts qui devraient justifier sa destitution automatique par les instances nationales.

3. Un système de pression féodal reposant sur l’intimidation et la peur

Le contrôle sans limite de Jean-Noël Guérini sur le parti s’exerce par la mise en place systématique à la direction des sections marseillaises d’employés du Conseil général, substituant aux règles de pluralisme appartenant à la tradition du parti, celle d’un clientélisme féodal où la soumission et le culte du chef ont désormais cours : 13 des 18 secteurs marseillais sont directement contrôlés de cette façon2.

Le poids acquis du Conseil Général sur le parti pèse extrêmement lourd sur les élus tant l’obtention des subventions pour des associations locales est malheureusement liée au degré de fidélité que les élus ont à l’égard du président. Ainsi, j’ai pu recueillir des témoignages relatant l’utilisation des moyens publics retirés ou attribués au gré des humeurs arbitraires du président, non pas en fonction de la pertinence des projets portés par les élus ou leurs partenaires associatifs, mais en fonction du degré d’allégeance ou de résistance au pouvoir exercé par ledit président du Conseil général : ainsi, régulièrement des conseillers généraux sont en disgrâce, puis en fonction de l’intérêt du moment, reviennent au premier plan, leurs moyens et les subventions qu’ils demandent sont restreintes, jusqu’à ce qu’ils fassent à nouveau allégeance.

Ce système de domination sans limite peut conduire aux dérives les plus graves dans l’usage de l’argent public, car il fait disparaître toute forme de contrôle politique ou administratif interne aux collectivités sur l’argent public, et peut conduire à la confusion entre l’exercice du pouvoir et l’appropriation personnelle de ce dernier.

Ce système a d’ores et déjà conduit à des dérives particulièrement préoccupantes, qui ont amené le secrétariat national à la Rénovation à saisir d’initiative le Premier secrétariat en raison du risque pesant sur l’image nationale des socialistes à ne pas réagir : un élu résistant aux méthodes du président m’a fait part de faits de menaces physiques et d’intimidations de la part d’un homme armé se présentant comme défenseur des intérêts du président du Conseil général. Un haut fonctionnaire du Conseil général des Bouches-du-Rhône a expliqué à l’un de ses collègues et confident qu’il avait lui même été menacé ainsi que son épouse et ses enfants, parce qu’il avait refusé de suivre certaines procédures peu orthodoxes. A chaque fois ce sont des hommes apeurés qui s’expriment, ce point m’ayant sensiblement frappé.

C’est pourquoi j’ai pris en conscience de socialiste la décision de saisir la plus haute instance du parti afin qu’elle mette un terme à de si graves agissements incompatibles avec l’idéal et les valeurs socialistes.

Depuis l’ouverture d’une information judiciaire sur les marchés publics passés dans les Bouches-du-Rhône, les pressions et les menaces sur les camarades se sont généralisées.

Le 17 mars 2010, au cours d’une réunion de groupe des élus PS, Jean-Noël Guérini affirma, en défiant la loi, disposer d’écoutes et de SMS démontrant que certains camarades l’aurait dénoncé dans les affaires politico-judiciaires en cours.

Ce 17 mars 2010 à l’invitation de la sénatrice Samia Ghali, à la mairie des 15e et 16e arrondissements de Marseille, s’est tenue cette réunion du groupe des élus socialistes du conseil municipal, que préside Patrick Mennucci. Ce dernier a appelé les élus un par un avec une mention de « présence obligatoire car Jean-Noël Guérini est là », alors qu’il venait de démissionner du conseil municipal pour cause de cumul des mandats, exerçant à l’occasion une ingérence manifeste dans les débats municipaux, lesquels auraient dû se dérouler indépendamment des intérêts du Conseil général et de son président.

Les débats s’éternisèrent, la séance durant plusieurs heures. Au moment où Eugène Caselli, président de la Communauté Urbaine de Marseille, rendait compte de la grève qui a paralysé une société chargée de la collecte des ordures, ISS, Jean-Noël Guérini, président du Conseil général, face à des élus stupéfaits, évoqua les lettres anonymes qui ont entraîné les investigations de la justice : "Je connais les responsables", lança t il. Puis, il s’en prit à ceux de nos camarades qu’il considérerait trop bavards avec la presse : "Je sais avec qui vous parlez, je sais quels journalistes vous voyez, j’ai même le texte de vos SMS...". Il évoqua également des relevés d’écoutes téléphoniques qu’il aurait en sa possession et accusa deux de nos camarades directement, François Noël Bernardi, le président de la commission des marchés de la Communauté Urbaine de Marseille et Patrick Mennucci, président du groupe « Faire Gagner Marseille » d’être actionnaires de Bakchich, le site d’information satirique qui a révélé l’existence de l’enquête sur les marchés publics3.

4. Une Fédération hostile aux intérêts de la gauche durant les Elections Régionales

Comme l’avait souligné le Président de Région, Michel Vauzelle, lors d’un Bureau national à l’issue des élections régionales de mars 2010, la campagne qu’il menait a été victime d’un boycott ouvert et public de la Fédération des Bouches-du-Rhône et du Conseil général, qui aurait pu être beaucoup plus dévastateur si Michel Vauzelle n’était pas aussi bien implanté dans la région PACA4.

Le Premier secrétaire fédéral et ses représentants ne participaient que très rarement aux réunions de direction de campagne réunissant de manière hebdomadaire les Fédérations composant la région.

La Fédération des Bouches-du-Rhône n’a participé à aucune des actions de campagne, la direction de campagne s’appuyant uniquement sur les candidats des Bouches-du-Rhône et les quelques sections volontaires. Le Premier secrétaire fédéral ainsi que le président de la Fédération ont été très absents des différentes visites organisées pour le candidat.

Enfin la direction de campagne a eu les pires difficultés à régler les problèmes financiers liés à la campagne, la Fédération des Bouches-du-Rhône refusant de reverser la contribution des élus des Bouches-du-Rhône pour la campagne.

La même Fédération a boycotté le meeting de Michel Vauzelle, le 11 mars au Dock des suds. Jean-Noël Guérini et Eugène Caselli étaient absents et expliquèrent à la presse que : « Nous ne sommes pas allés à ce meeting parce qu’on était pas très content de ce qui s’était passé sur les listes ». La volonté de nuisance était telle que des cars de militants ont même été décommandés au dernier moment sur ordre de la Fédération5.

5. Une opposition molle à la droite locale et nationale au détriment du Parti

Chacun connaît l’entente notoire et quasi parfaite entre Jean-Claude Gaudin, le chef local de l’UMP, et Jean-Noël Guérini. Aucune position de nos camarades maires de Secteur (combat sur la création de garderies du soir dans les écoles, dans les investissements en matière de politique de la ville, sur l’importance de réhabiliter les équipements sportifs de proximité avant d’investir dans une patinoire, …) n’a été soutenue par Jean Noël Guérini pour afficher nos différences de points de vue concernant la gestion d’une municipalité, comme s’il existait un partage des territoires entre le Conseil général et le Maire de Marseille6.

Afin de protéger des équilibres à la communauté urbaine, la Fédération et le Conseil général tentèrent d’empêcher la création de sections nouvelles du Parti Socialiste comme à Saint Victoret où nous avons une trentaine de militants qui ont été obligés de passer par le national pour pouvoir se constituer en section.

6. Une mise sous tutelle indispensable de la Fédération des Bouches-du-Rhône

Si la direction du parti n’a pas de compétence pour juger du bon respect de la loi républicaine par les dirigeants de la Fédération dans leur comportement à la tête de leur collectivité, ce qui revient exclusivement à la justice -heureusement saisie en l’espèce-, il n’en reste pas moins que celle-ci a une responsabilité particulière et directe en ne faisant pas cesser la douce tolérance à l’égard de pratiques qui nous déshonorent collectivement et rendent impossible l’adhésion à nos valeurs, nos projets et notre idéal. Je suggère au Premier secrétariat de saisir le Bureau National d’une mise sous tutelle de la Fédération emportant destitution de droit des dirigeants actuels de la Fédération des Bouches-du-Rhône. Le plus vite sera le mieux au vu des menaces judiciaires qui pèsent sur les intéressés. J’apporterai mon entier soutien aux initiatives de la Direction nationale pour mettre fin à ces dérives.

Fait à Paris, le 8 décembre 2010.

1 Lien : http://www.ps13.fr/jean-noel-guerin... des-bouches-du-rhone-actu-108.html

2 un amendement fédéral à la convention du 3 juillet permettra de mettre un terme à cette pratique s’il est adopté

3 http://www.marsactu.fr/2010/03/25/j... voyez-jai-meme-le-texte-de-vos-sms-aurait-menace-guerini-selon-le-nouvel-obs-de-cematin/

4 http://remileroux.wordpress.com/201... des-candidats-sur-les-listes-vauzelle/#more-1720

5 http://www.marsactu.fr/2010/03/18/g...

6 http://www.marsactu.fr/2010/04/07/q... fete-avec-ses-nouveaux-amis-du-ps/

2) Lettre de Arnaud Montebourg à Martine Aubry

Madame Martine Aubry

Première Secrétaire du Parti Socialiste

10, rue de Solférino

75007 PARIS

Madame la Première Secrétaire, ma chère Martine,

J’ai préféré garder jusqu’à présent le silence après la publication malheureuse et inappropriée du rapport que je t’avais exclusivement et confidentiellement destiné au mois de décembre, afin de ne pas ajouter au risque de confusion.

Mais la façon dont les dirigeants qui t’entourent et toi même s’emploient à discréditer mon travail sans condamner d’invraisemblables comportements au sein de la Fédération des Bouches du Rhône me paraît autant désolante que blessante. Cette publication a en outre péniblement interféré dans la campagne pour les élections cantonales que je mène en Saône et Loire comme dans d’autres départements.

Ce rapport était ma dernière transmission dans le cadre de mon travail de Secrétaire National à la Rénovation que tu m’avais confié, avant de partir en campagne pour ma candidature dans les primaires de la gauche.

Ce document est né d’une visite à Marseille le 5 juin 2010 afin de présenter aux militants marseillais le programme de rénovation du parti que nous avons adopté ensemble, contenant outre l’organisation des primaires, la fin du cumul des mandats pour nos parlementaires et l’instauration d’une autorité éthique -c’est l’ironie de la situation- au sein du Parti Socialiste. A l’occasion de cette visite de terrain, de nombreux élus et militants marseillais se sont ouverts à moi de faits les plus condamnables et effrayants qu’ils m’ont relatés dans le détail au sujet de cette Fédération et m’ont littéralement supplié de m’en emparer, de t’en avertir, et d’agir au nom de l’honneur du socialisme.

J’ai jugé en conscience, au regard des responsabilités que tu m’avais confiées pour rénover et transformer le parti, au regard de l’exigence et de la rigueur que j’attache toujours à l’exercice de celles-ci, dans le souci de protection des militants et élus des Bouches du Rhône sincères et honnêtes, exposés aux méthodes abusives et dangereuses qui m’étaient rapportées, qu’il était de mon devoir de le faire dans l’intérêt de la gauche et de sa réputation morale.

Tu comprendras sûrement que la Rénovation du Parti socialiste ne peut pas être à mes yeux une série de discours creux et sans suite concrète, mais au contraire des actes courageux qui feront entrer le socialisme français dans une nouvelle ère dont nous avons tous besoin.

../...

J’ai donc engagé un processus d’enquête approfondie, qui a duré plusieurs mois, pendant lequel j’ai vu et revu des élus, des militants et des témoins qui ont tous confirmé la situation que j’ai décrite dans le rapport. Je puis donc confirmer que chacune des affirmations contenues dans ce rapport ont été méthodiquement et précisément vérifiées et que des éléments de preuves précis et concordants de ce que j’ai décrit dans mon rapport de décembre sont disponibles.

Ces éléments probants concernent la violation caractérisée des statuts du Parti par le Président du Conseil Général de ce Département, la colonisation par des employés du Conseil Général des postes sensibles de la Fédération, le boycott des élections régionales par la Fédération, la distribution de subventions comme outil de pression, les brimades arbitraires sur les élus et citoyens indociles, les menaces physiques sur des hauts fonctionnaires du Conseil Général, et l’intimidation permanente sur certains élus socialistes pour qu’ils se conforment aux intérêts politiques ou financiers de la famille Guérini.

Est-il possible que les socialistes que nous sommes puissions demander des comptes aux abus de pouvoir du sarkozysme, exiger qu’il soit mis fin à la corruption du régime et du pouvoir actuels, notamment dans le soutien, mêlé à l’affairisme, aux dictatures déchues des pays arabes, si nous tolérons en notre sein des comportements aussi condamnables que repoussants ? Le socialisme qui reconstruira la République, après ces années de décomposition, défend une haute idée de la démocratie et doit affirmer ses propres valeurs, y compris contre ceux qui s’en réclameraient tout en les dégradant par leurs actes.

Comme parlementaire et comme juriste, comme homme d’honneur ou comme socialiste engagé depuis trente années, pouvais-je accepter de me taire devant ces faits évidents et inacceptables qu’on m’implorait d’attester en haut lieu pour enfin tenter les faire cesser ?

Abraham Lincoln, l’un des Présidents fondateurs de la grande démocratie américaine avait prononcé cette phrase qui a toujours guidé mon action : "C’est en gardant le silence alors qu’ils devraient protester, que les hommes deviennent des lâches." Je n’ai pas voulu être ce lâche en fermant les yeux sur les agissements de certains socialistes des Bouches du Rhône. Et je ne souhaite pas que le parti dont je suis l’un des leaders soit fait de ce triste bois là.

Tes collaborateurs zélés ont depuis le mois de décembre commis l’erreur dans cette grave affaire de nous emmener sur le terrain de la loi du silence. Ta haute responsabilité comme Première secrétaire chargée de protéger la réputation du socialisme français est au contraire de conduire une stratégie de délivrance à l’encontre des tables secrètes de ce genre de loi. Tu en as la charge morale vis à vis de l’avenir de nos idées, et tu en as pris l’engagement vis à vis de moi lorsque tu m’as proposé la mission -ni apparente, ni fictive- de rénover nos pratiques et notre mouvement politique.

J’ai retrouvé la lettre que je t’avais destinée par courriel la veille de ma déclaration de candidature aux primaires et qui t’annonçait mon rapport sur les Bouches du Rhône. Je t’y écrivais le 19 novembre 2010 : " Ma chère Martine, je veux te remettre les clés de l’organisation des primaires dont je deviens dès demain l’un des acteurs, en te priant de considérer mon dernier rapport de mission à Washington ainsi que la Charte Ethique qui l’accompagne comme véritablement indispensables à notre réussite collective quel que soit notre candidat. J’aurais voulu te transmettre un autre rapport inachevé que je te communiquerai dans la quinzaine. Il s’agit de mes constatations comme Secrétaire à la Rénovation sur les pratiques politiques de nos camarades socialistes dans les Bouches-du -Rhône. Au mois de septembre, j’avais indiqué à François Lamy que j’avais l’intention de te faire rapport sur ce qu’en toute objectivité aucun Secrétaire National à la Rénovation digne de ce nom ne peut taire dès qu’il en a connaissance. François Lamy m’avait demandé de ne pas déposer ce rapport sur ton bureau. Je le ferai néanmoins, car cela t’aidera à prendre les bonnes décisions vis à vis de la fédération des Bouches-du-Rhône qui à mes yeux mérite malheureusement un sort semblable à celle de l’Hérault. " Ce rapport te fut porté confidentiellement le 8 décembre.

Je regrette qu’on ait cherché à m’empêcher de produire ce rapport avant même son achèvement, je regrette qu’il ait été prétendu avoir été égaré alors que ma lettre annonçait sans ambages son contenu et ses conclusions, et que lorsqu’il fut enfin et effectivement lu, on s’employa à le combattre. Est-il encore possible d’éviter de constater, non sans une certaine désillusion, que tu parais avoir choisi fâcheusement de détourner le regard ?

Pourtant, refuser de porter comme un fardeau le poids des pratiques des Bouches du Rhône nous évitera un handicap persistant pendant l’élection présidentielle qui approche.

Dans la grande offensive que prépare le Front National, dans laquelle vont se jouer le sort et la survie de la République, crois tu opportun de nous envoyer nous battre sur des béquilles, en maintenant notre solidarité avec des pratiques qui nous déshonorent tous ? Il me paraît de l’intérêt supérieur et commun de tous les socialistes de remédier à cette situation comme nous l’avons fait dans l’Hérault. C’est notre intérêt politique, quel que soit le chemin qu’empruntera la justice, car notre responsabilité de socialistes est de faire cesser les pratiques sulfureuses de la direction de cette Fédération, sans attendre que d’autres le disent à notre place puisqu’il s’agit de pratiques internes au Parti Socialiste dont le juge n’est pas saisi.

Il y a aussi, selon moi, nécessité à faire cesser les violations évidentes de nos statuts selon lesquels on ne peut pas diriger à la fois la Fédération et un Conseil Général. À quoi servirait-il qu’on ait instauré dans le programme de la rénovation une autorité éthique destinée à faire respecter les statuts pour laisser un élu en accointance avec la direction les violer avec allégresse ? Ce serait envoyer un message d’autorisation généralisée de piétinement de nos règles communes.

Je maintiens donc les conclusions de mon rapport tendant à la mise sous tutelle de la Fédération des Bouches du Rhône. Tu viens d’ordonner une commission d’enquête à la demande de Jean‑Noël Guérini. Elle vient bien tard, mais je lui destinerai mes informations si elle est composée de personnalités indépendantes, insensibles aux intérêts politiques en jeu dans ce dossier. Dans l’attente, je crois indispensable de décider un moratoire de toute prise nouvelle de responsabilités de l’intéressé, notamment à l’issue des élections cantonales, ce que demandent déjà publiquement nos alliés sur place.

Dans une période d’extrême défiance à l’encontre de l’action politique, notre responsabilité n’est à mon sens, ni de différer, ni de minimiser, ni de dissimuler. Elle est au contraire d’affronter la vérité, de la dire et de trancher les nœuds gordiens qui nous entravent depuis des années. Mettre nos actes en conformité avec le désir de probité la plus élémentaire et les attentes du peuple français à l’égard d’un grand parti de gouvernement comme le nôtre supportera-t-il longtemps la soumission à quelques intérêts locaux déliquescents ou l’obéissance à une médiocre frilosité dans une période où il faudra redoubler de courage ?

L’enjeu pour nous tous, socialistes, est de faire surgir dans la population les forces nouvelles qui transformeront avec nous la France. Mais qui veut changer la France doit changer d’abord soi-même, en inventant les pratiques d’un nouveau Parti, débarrassé des oripeaux d’années de compromissions ou d’habitudes détestables. Je décide quant à moi de croire viscéralement -avec tous ceux qui aiment et défendent la beauté exemplaire de la République- dans un mot : honneur.

Ton bien dévoué et fidèle Secrétaire National à la Rénovation.

3) Dans la famille Guérini (PS13) je choisis le frère… Oui mais lequel ? (par Charles Hoareau)->15583]

4) Ambiance délétère dans les rangs socialistes des Bouches-du-Rhône.

Le président PS du conseil général, Jean-Noël Guérini, est dans une situation délicate en raison des démêlés judiciaires de son frère Alexandre. Impliqué dans une affaire de marchés publics présumés frauduleux, ce dernier a été mis en examen en décembre. Des conversations téléphoniques entre les deux frères ont fait l’objet d’écoutes divulguées dans la presse.

« Un système reposant sur l’intimidation et la peur »

L’élu, qui n’a pas été impliqué par la justice, pointe une manipulation politique à l’approche des cantonales. Une partie de la droite marseillaise s’est emparée de l’affaire. Mais une nouvelle attaque contre Jean-Noël Guérini est venue de son propre camp. Le député Arnaud Montebourg a rédigé un rapport demandant « la mise sous tutelle de la fédération départementale et la destitution de Jean-Noël Guérini ». Le bouillant candidat à la primaire socialiste dénonce « un système de pression féodal reposant sur l’intimidation et la peur ». Il qualifie le conseil général d’« instrument clientéliste, pour asseoir sans partage le pouvoir de son président ».

Ce rapport au vitriol a été diffusé, mercredi, sur le site Internet du Point. Dénonçant un « texte, mensonger et calomnieux », le président Guérini a annoncé son intention de porter plainte pour diffamation. Quelques heures après, la fédération départementale du PS annonçait la même démarche. « Il est insupportable de penser qu’à un mois des cantonales, un camarade socialiste puisse venir jeter l’anathème sans preuve, sans argument probant », a dénoncé le premier secrétaire fédéral délégué, Jean-David Ciot, en accusant Montebourg de « collusion avec la droite marseillaise ».

http://www.ouest-france.fr/actu/act...

5) PS : le nouveau rapport accablant sur la fédération marseillaise

« Le Parisien » - « Aujourd’hui en France » s’est procuré un nouveau document qui cible la troisième fédération PS de France, deux jours après la révélation d’un rapport d’Arnaud Montebourg dénonçant un « système de pression féodal reposant sur l’intimidation et la peur » chez les socialistes des Bouches-du-Rhône.

Sur une vingtaine de pages, huit observateurs socialistes, envoyés dans les Bouches-du-Rhône par les défenseurs de la motion A - celle de l’actuel maire de Paris Bertrand Delanoë - lors du dernier Congrès national du PS en 2008, relatent un scrutin émaillé d’irrégularités. Ils notent que ces pratiques, observées dans le fief de Jean-Noël Guérini dont le frère est actuellement incarcéré dans le cadre d’une vaste enquête judiciaire sur des marchés publics présumés frauduleux, ont pu « fausser les résultats ».

« Un adhérent tentait d’introduire une poignée de bulletins dans l’urne »

Au terme de ce vote des militants, l’actuelle secrétaire nationale Martine Aubry l’avait emportée avec 102 voix d’avance sur Ségolène Royal. « Dès le début des opérations, j’ai dû stopper le vote collectif d’un membre d’une famille pour le père, la mère et les enfants », raconte l’un des observateurs dans ce rapport dit « Bodin », du nom de Yannick Bodin, le sénateur qui a dirigé cette mission à Marseille. « J’ai également arrêté de la main un adhérent qui tentait d’introduire une poignée de bulletins dans l’urne », poursuit cet observateur.

Présent le même jour dans un bureau voisin, un autre observateur note que « quasiment aucun votant ne passait par l’isoloir ». Et ajoute : « Les camarades entraient en fait dans la salle de vote munis d’une enveloppe contenant déjà leur bulletin de vote (...) Lors du dépouillement, il est apparu de façon évidente que les bulletins avaient été pré-remplis par deux ou trois mêmes mains. »

« Dans cette section, les irrégularités sont légion »

Chargée de la section 313, un quartier du 13e arrondissement de Marseille, une observatrice est formelle : « Dans cette section, les irrégularités sont légion. » Et d’énumérer : « A l’issue du scrutin, nous avons constaté une différence non négligeable de 15 voix » entre ses propres comptes et celle des dirigeants du bureau, « trois militants sans carte d’identité ont été autorisés à voter » et « la confidentialité du vote a été très peu respectée ». Un autre relate encore cette anecdote : « Je surprends à deux reprises le secrétaire de section, cachant sa main derrière l’urne, en train de signer en douce au feutre noir en lieu et place de militants du fichier. »

Violette Lazard

Source :

http://www.leparisien.fr/marseille-...


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