Contre la domination des marchés financiers et le carcan du Traité de Lisbonne, quelle Europe ?

lundi 7 mars 2011.
 

Il faut prendre la mesure des graves enjeux du moment.

L’instabilité internationale, engendrée par la crise du capitalisme, s’est encore renforcée. C’est désormais l’Europe qui est au cœur de la tourmente. Une offensive sans précédent se déploie actuellement contre les peuples de l’Union européenne (UE). Au prétexte de l’explosion des dettes publiques provoquée par la crise financière et le sauvetage des banques par les États, ces derniers, avec la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le concours du Fonds monétaire international (FMI), s’apprêtent à programmer une véritable saignée sociale dans tous nos pays.

Ils ont décidé de faire payer aux peuples, en particulier aux salariés, aux jeunes et aux retraités, la facture de la crise systémique du capitalisme, qui a commencé par une crise financière en 2008, et qui a entraîné une crise économique, sociale et écologique d’une ampleur inconnue depuis la crise des années 30. Des mesures d’hyper-austérité généralisée sont imposées dans tous les pays dans un contexte marqué par la montée du chômage, l’explosion de la précarité, la concurrence généralisée, le démantèlement de la protection sociale, l’abaissement constant des protections des salariés rendus toujours plus flexibles. Pendant ce temps, les marchés financiers continuent de se gaver sans vergogne.

Les effets sociaux de la crise se font sentir avec violence dans l’ensemble des pays européens. Pour ne prendre que quelques exemples, en 2010, le chômage a augmenté de 6,6% en France et les salaires roumains ont été baissés de 25%.

L’UE est entrée dans une spirale de récession.

La crise et la spéculation se concentrent sur l’Euro, clé de voûte de la construction capitaliste de l’Europe.

Pour sa part, la révision du traité de Lisbonne décidée en catimini par les 27 Etats membres de l’UE lors du dernier Conseil européen vise à pérenniser, à partir de 2013, les mesures drastiques du Fonds européen de stabilité financière prétendument mis en place pour « sauver » la Grèce – en fait pour sauver les banques exposées en Grèce. Elle prévoit des sanctions de plus en plus dures pour les pays contrevenants.

Par ailleurs, a été mis en place un « semestre européen » qui soumet les parlements nationaux à une autorisation préalable des institutions européennes pour le vote du budget de leur pays !

Dans le même temps, les pays actuellement les plus exposés aux attaques spéculatives des marchés - la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne - se sont vu imposer une nouvelle accélération de « réformes » structurelles avec de lourdes conséquences sociales.

Aujourd’hui, l’Allemagne, avec le soutien de la France, tente d’aller encore plus loin dans la démolition des droits sociaux en proposant un « pacte de compétitivité » taillé à sa mesure qui sera discuté lors d’un Conseil européen extraordinaire le 11 mars et adopté lors du Conseil ordinaire prévu le 24 et le 25 mars : fin de l’indexation automatique des salaires sur l’inflation pratiquée encore dans plusieurs pays européens (Belgique, Espagne, Luxembourg, Slovaquie) ; recul tendanciel de l’âge de départ à la retraite à 67 ans ; harmonisation de l’impôt sur les sociétés ; tentative d’incorporer dans les Constitutions nationales le respectdes règles budgétaires européennes.

De telles mesures visent à déposséder plus encore les peuples de leur pouvoir de décision et à approfondir la fracture démocratique et sociale dans toute l’Europe.

La coupure entre la population et les classes dirigeantes s’approfondit. Le nationalisme et la xénophobie sont des sentiments de plus en plus violents. Dans ce contexte, tout l’enjeu est de savoir où va se dénouer la crise : soit elle se dénoue à gauche, soit elle se dénoue à droite, voire très à droite.

Les peuples disent « Non » à « leur Europe »

Les dominants oublient tout simplement que les peuples ont leur mot à dire. Le terrible échec de l’orientation de l’UE nourrit une légitime et grandissante contestation. On l’a vu en Grèce, en Irlande, en France et au Portugal ; partout dans l’UE d’imposants mouvements sociaux mettent en cause ces politiques libérales et illustrent la délégitimation de telles politiques.

Plus généralement dans le monde, le peuple, ce grand oublié de la politique et des gouvernants, se réinvite et se réinvente dans le débat public. En Amérique latine, dans le monde arabe, par des luttes populaires et parfois des processus révolutionnaires se développant dans des configurations spécifiques. Les populations entendent se faire respecter. C’est vrai aussi en Europe où le choix est aujourd’hui entre l’acceptation d’un engrenage ravageur et le lancement d’une dynamique sociale et politique populaire en faveur d’un tout autre type de construction européenne.

Partout, les mouvements de résistance populaire posent la question politique.

Il est nécessaire pour la gauche en Europe d’y répondre. Des exemples de recomposition politique à gauche existent dans divers pays d’Europe (Allemagne, Portugal, Grèce, Danemark etc.), avec chacun leurs spécificités et leurs bilans. Si l’on y ajoute l’irruption du Front de gauche en France, ils montrent que l’affirmation d’une autre gauche de rupture avec les politiques libérales et sociales libérales est possible. Au niveau européen, le Parti de la gauche européenne (PGE) peut jouer un rôle d’impulsion.

Le Front de Gauche porte les mesures nécessaires d’une transformation radicale de la construction européenne.

Ces dernières doivent viser :

- à en finir avec la dépendance des États envers les "marchés" pour se financer. Il faut restructurer les dettes publiques et les annuler au moins partiellement ; procéder à une refonte des missions et des statuts de la BCE qui doit être mise sous contrôle démocratique, pouvoir prêter directement aux États à taux faibles, acheter des titres de la dette publique sur le marché monétaire pour promouvoir l’emploi et la formation, les services publics en visant la réponse aux besoins humains et à ceux de la planète ; instaurer un contrôle des mouvements de capitaux ;

- à en finir avec la concurrence à tout-va. L’Europe doit servir à développer les coopérations, à lutter contre le dumping social pour converger vers une harmonisation sociale et fiscale vers le haut. Elle doit être une Europe du bouclier social ;

- à en finir avec les reculs dramatiques de la démocratie qui vont jusqu’à la mise sous tutelle des États. L’Europe doit miser sur l’implication des citoyens, la souveraineté populaire et l’union des peuples. Les pouvoirs de la commission doivent reculer au profit du Parlement européen et des parlements nationaux dont les droits d’initiatives, de codécision, de contrôle doivent être renforcés.

Nous pouvons briser la domination des marchés financiers

Au lieu d’humilier les plus faibles dans l’UE, jouons la solidarité, la protection. Nous ne proposons pas de sortir de l’euro, car nous ne voulons pas renforcer l’hégémonie du dollar et parce que pour nous la priorité est de remettre en cause la main mise des marchés financiers sur les richesses créées par les Européens. Ce n’est pas le principe d’une monnaie européenne qui est en cause, mais sa gestion par une Banque centrale indépendante vouée par ses statuts à la défense des détenteurs de ces capitaux rendus totalement libres de circuler par le traité de Lisbonne.

Au lieu de favoriser la spéculation, supprimons les paradis fiscaux, taxons les transactions financières. Interdisons les opérations boursières (titrisation, CDS, CDO, ventes à découvert, etc.) qui ne sont que des instruments de spéculation. Contrôlons les activités des banques qui doivent, au minimum, mettre des cloisons étanches entre leurs activités de dépôt et d’investissement. Etablissons un secteur bancaire public pour favoriser le développement d’un nouveau crédit. Une grande politique de convergence et d’harmonisation sociale européenne doit établir de nouveaux droits : salaire minimum légal, minima sociaux, revenu minimum garanti, mesures contre le dumping social, pensions, extension des droits des travailleurs, liberté de circulation, clause de non régression-sociale, interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits. Les services publics, avec de nouvelle créations à l’échelle européenne doivent devenir un pilier de la construction européenne.

Une véritable politique économique solidaire doit être mise en place. Elle doit impulser le développement des infrastructures publiques (éducation, santé, transports, économies d’énergie) en s’appuyant sur la mise en œuvre d’une véritable politique budgétaire européenne impliquant une augmentation significative du budget européen aujourd’hui limité à 1 % du PIB européen. Au plan fiscal, l’harmonisation doit se faire selon des règles simples : taxation du capital et des transactions financières, lutte contre les délocalisations.

Une Europe de l’égalité des droits doit voir le jour. Elle doit oeuvrer en faveur de la dignité humaine, contre la pauvreté, l’exclusion, les divisions et discriminations. Les politiques d’Europe forteresse, de stigmatisation des étrangers non communautaires doivent être abandonnées et les accords de Schengen renégociés au profit d’une action résolue de l’Europe en faveur de politiques nouvelles de migrations internationales et de co-développement.

L’égalité homme-femme doit être une valeur fondamentale de l’Union, l’élimination des rapports de domination un de ses objectifs prioritaires.

Une nouvelle politique agricole commune doit être fondée sur la sécurité et la souveraineté alimentaire, rapprochant les paysans européens au lieu de les mettre en concurrence, tournée vers le développement des coopérations avec les pays qui souffrent le plus de sous-alimentation.

Nous avons besoin d’une Europe laïque, soustraite aux influences obscurantistes

Ce qui est à l’ordre du jour, c’est un nouveau modèle de développement, écologique, social, solidaire. C’est une Europe indépendante, de paix, de solidarité internationale. Une Europe qui mette fin aux ingérences impérialistes et néocolonialistes, qui se retire de l’Otan, qui rapatrie ses troupes des théâtres d’opération extérieurs (Irak, Afghanistan, Afrique...). Une Europe qui s’engage pour le respect des droits des peuples, en particulier ceux du peuple palestinien.

Se libérer en France et en Europe du carcan du traité de Lisbonne Le Front de gauche se propose de rompre avec les politiques néolibérales imposées par l’UE et les gouvernements nationaux en s’appuyant à court et moyen termes sur l’implication populaire la plus large et les mobilisations sociales.

Nous avons eu raison de nous opposer aux différents traités. Ces derniers interdisent à tout gouvernement de mettre en place les politiques de réorientation radicale de l’Union européenne que nous préconisons et que nos peuples attendent. Il faut continuer à le faire, se libérer en France et en Europe du carcan du traité de Lisbonne tout en proposant un processus de transformation réelle. Est-il réellement possible de faire changer les traités ? Pour durcir et pérenniser les nouvelles dispositions du Fonds européen de stabilité financière, cela vient d’être proposé, sur un mode anti-démocratique, par celles et ceux qui nous disaient il y a peu de temps encore : « Pas touche ! ».

Le Front de gauche oppose au changement en catimini du traité de Lisbonne souhaité par les gouvernements l’expression pleine de la souveraineté populaire à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne. Nous exigeons dans l’immédiat l’organisation d’un grand débat national sur les enjeux européens actuels conclu par un référendum.

La rencontre de Nîmes

Les forces sociales et politiques qui peuvent se rassembler pour agir ensemble et travailler à une vraie alternative sont considérables. Pour faire évoluer substantiellement le rapport de forces, faire bouger les consciences, nous avons besoin d’actions, de perspectives, d’engagements sur des objectifs partagés. L’idée qu’il faut coûte que coûte s’affranchir de la domination des marchés financiers et remettre en cause les politiques libérales, qu’elles soient menées au niveau national ou européen, fait son chemin. La campagne politique lancée par la gauche européenne visant à créer un « Fonds européen de développement social » répond à cette exigence.

Le processus d’élaboration publique d’un programme populaire et partagé du Front de gauche a inscrit sur sa feuille de route la rencontre du 2 mars à Nîmes. Les premiers dirigeants des organisations politiques du Front de gauche ont participé à cette rencontre publique où ont été également présents syndicalistes, élus, représentants d’associations et de mouvements sociaux, ainsi que de « grands témoins » d’autres pays européens.

« Oui, nous pouvons faire face à l’échec de l’Europe néolibérale ! » par la construction d’une Europe qui réponde aux exigences populaires sociales et démocratiques.


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