Arrco, Agirc  : Le MEDEF demande un report à 67 ans de la retraite sans décote

lundi 7 mars 2011.
 

Le bras de fer se précise

Report à 67 ans de la pension sans décote, alignement par le bas des avantages familiaux, refus d’augmenter les ressources  : le Medef tente d’imposer ses conditions.

Syndicats et patronat se retrouvent aujourd’hui pour une cinquième séance de négociation sur l’avenir des régimes de retraites complémentaires Arrco et Agirc. Alors que les quatre premières se sont, pour l’essentiel, apparentées à un round d’observation, la confrontation commence à se préciser. Il apparaît maintenant clairement qu’après les reculs imposés par le gouvernement dans la réforme du régime de base, les salariés du privé risquent de subir une dégradation de leurs droits à l’Agirc et à l’Arrco. Le Medef fait miroiter une sorte de donnant-donnant. D’un côté, il se dit prêt à envisager une prolongation de l’AGFF. Ce dispositif, arrivant à échéance le 30 juin, finance actuellement la retraite complémentaire sans abattement avant 65 ans. Le patronat pourrait aussi, semble-t-il, accepter de mettre un terme à la baisse du rendement des régimes (voir encadré). Il envisage enfin d’intégrer dans les régimes les quelques dispositions favorables prévues dans la réforme de 2010 au titre des carrières longues, de la pénibilité, notamment. Mais de l’autre côté, il refuse mordicus toute augmentation des « prélèvements », entendre des cotisations. Du coup, pour assurer l’équilibre financier de l’Arrco et de l’Agirc, l’organisation patronale réclame aux syndicats des contreparties en termes d’économies. Cette négociation, « ce n’est pas le supermarché où on prend ce qui arrange », laissait tomber, sans ambages, à l’issue de la dernière séance, le chef négociateur du Medef, Jean-François Pillard. Dans son collimateur  : le recul de 65 à 67 ans, comme dans le régime de base, de l’âge ouvrant droit à la retraite complémentaire sans décote.

Le Medef veut harmoniser par le plus bas

Autre contrepartie exigée  : l’alignement des avantages familiaux (qui représentent jusqu’à 20 % des allocations servies) sur les règles les plus défavorables. Les droits en vigueur actuellement diffèrent entre régime de base et complémentaires, et entre Agirc et Arrco. Ces derniers attribuent des majorations de pension aux parents d’au moins trois enfants  : 5 % à l’Arrco, et 8 % à l’Agirc, (plus 5 % par enfant supplémentaire jusqu’à un plafond de 24 %). Le régime de base accorde 10 % aux parents de trois enfants et plus. Le Medef prône une harmonisation par le plus bas (5 % à 8 % de majoration). La CGT, la CFTC et FO plaidant pour l’alignement sur la règle du régime de base (10%), tandis que la CFDT estime la majoration proportionnelle trop favorable aux salariés plus aisés et préconise de la remplacer par un forfait. De même, le Medef souhaite-t-il baisser le niveau des pensions de réversion (60% actuellement à l’Arrco et à l’Agirc, contre 54% dans le régime de base) et aligner l’âge d’attribution à l’Arrco (55ans) sur celui de l’Agirc (60 ans).

Face aux intentions patronales, les syndicats n’affichent pas l’unité réalisée en 2010 contre le gouvernement  : ils présentent des points de convergences sur la pérennisation de l’AGFF, le rendement des régimes, le financement, et des divergences, notamment sur la borne des 67 ans (la CGC et la CFDT n’y étant pas opposées). La CGT étant seule, à ce jour, à en appeler à la mobilisation, avec des rassemblements ce jeudi, à 11 h 30, devant le Medef, à Paris et en province.

Yves Housson, L’Humanité

2) Retraites complémentaires : mobilisation nationale le 9 mars et le 28 avril à l’appel de la CGT

3) Éric Aubin « Non à la logique des contreparties »

Éric Aubin, négociateur CGT, refuse d’échanger une prolongation de l’AGFF contre 
une diminution des droits et préfère poser la question d’un nouveau financement.

Quel est l’enjeu majeur de la négociation 
selon vous  ?

Éric Aubin. La question du financement est essentielle. Si on ne trouve pas de nouvelles ressources pour les régimes complémentaires, on va droit vers un recul des droits et du niveau de pension global. Le Medef se dit d’accord pour proroger l’AGFF (voir article ci-dessus). Il semble accepter l’idée de revenir à un rendement constant des pensions. Mais il y aurait des contreparties. Il ne veut pas toucher aux ressources des régimes. Il préfère faire des économies sur les droits existants, en alignant les droits familiaux et conjugaux par le bas. 
Et en alignant les complémentaires sur le régime général pour l’âge à partir duquel on a droit à la retraite sans abattement : de 65 à 67 ans. Après la bagarre qu’on a menée en 2010 pour éviter le recul de l’âge, je considère que c’est presque de la provocation. 
Ce serait fort de café si des organisations syndicales acceptaient le passage à 67 ans. D’autant que là, pour les complémentaires, les partenaires sociaux ont la main  : il n’y a pas d’obligation à appliquer la réforme de 2010 à la convention Agirc-Arrco, les syndicats ne sont pas face à l’État mais face au Medef. Pour faire des économies, le patronat veut aussi rapprocher l’Arrco et l’Agirc. 
À terme, la fusion des deux régimes est visée, ce qui remettrait en cause le statut cadre. Maintenant que les intentions du Medef sont sur la table, il faut que les salariés se mobilisent. Sans eux, il est clair qu’on aura beaucoup de mal à redresser la barre.

Comment assurer l’équilibre 
des régimes  ?

Éric Aubin. Nous proposons d’élargir l’assiette de cotisation. Aujourd’hui, les hausses de salaires se transforment en participation, intéressement, non soumis à cotisation. L’élargissement de l’assiette ramènerait 2,3 milliards d’euros dans les caisses. Il faut continuer de poser la question de la répartition des richesses. La part qui va aux dividendes est de plus en plus importante  : + 13% en 2010 par rapport à 2009, plus de 40 milliards d’euros au total. On pourrait consacrer davantage de richesses à la protection sociale. Enfin, il ne faut pas écarter une hausse de la cotisation patronale.

Recueilli par Yves Housson


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