La peur a changé de camp dans les pays arabes à régime autoritaire

vendredi 4 mars 2011.
 

Comme le soulignait hier le politologue libanais Ghassan Salamé, « la peur a changé de camp » dans le monde arabe. Ce ne sont plus les peuples qui sont tétanisés par la répression, mais les rois, émirs et autres présidents à vie qui tremblent devant la colère des peuples. Et soudain, dans l’urgence, ils prennent des mesures bien tardives dans l’espoir de la calmer.

La mesure la plus spectaculaire a été prise jeudi par le roi Abdallah d’Arabie saoudite, revenu en hâte dans son pays après trois mois d’absence. Il a débloqué 36 milliards de dollars pour aider les jeunes saoudiens à « trouver des emplois, se loger et se marier ». Bien qu’il n’y ait pas encore eu de manifestations, la famille royale tremble à l’idée que l’Arabie saoudite puisse être contaminée par celles qui secouent le Bahreïn voisin. Le roi Abdallah s’est d’ailleurs entretenu jeudi soir avec Cheik Hamad Al Khalifa, émir de ce petit État de 750 000 habitants peuplé à 70% de chiites qui ne supportent plus le mépris et la discrimination dans tous les domaines que leur impose la dynastie sunnite. Les deux ont, en cœur, accusé l’Iran d’être derrière cette révolte et d’avoir des visées su l’île, qui a fait partie de la Perse jusqu’au XVIIIesiècle et qui est aujourd’hui reliée à l’Arabie par un pont de 26 kilomètres. Le roi d’Arabie est d’autant plus inquiet qu’il est entouré de pays où la contestation s’exprime avec plus ou moins de force.

En Jordanie, les manifestations se succèdent pour exiger des réformes constitutionnelles, un Parlement réellement représentatif et la fin de la corruption.

Au Yémen, les appels au dialogue du président Saleh et la baisse de 50% des taxes sur les salaires n’ont pas suffi à calmer la colère. En Irak, il y a eu des manifestations partout hier, malgré le déblocage par le gouvernement de 1 milliard de dollars pour l’aide alimentaire aux plus démunis.

En Syrie, pays jusqu’ici épargné par la vague contestataire, Bachar Al Assad a mis lui aussi la main au portefeuille et débloqué 14 milliards de dollars pour créer un fonds social afin d’améliorer le sort de la population.

En Algérie enfin, le président Bouteflika a levé jeudi un état d’urgence en vigueur depuis dix-neuf ans, ce qui lui a valu les félicitations d’Obama  : « Il s’agit d’un pas positif qui montre que le gouvernement algérien écoute les revendications de son peuple. Nous attendons de nouveaux pas qui permettront aux Algériens d’exercer pleinement leurs droits universels », a dit le président américain. L’Algérie avait déjà pris des mesures fiscales pour faire baisser les prix des produits de première nécessité et promis la création de milliers d’emplois dans l’espoir de calmer une jeunesse qui désespère de l’avenir, comme le prouve la multiplication des immolations par le feu.

Tous ces pays ont effectué des achats massifs de céréales pour faire face à la hausse de ce qui constitue la base de l’alimentation de leurs populations, alimentant par là même la spéculation. Ils ne semblent pas avoir compris que les peuples réclament, en plus du pain, la liberté.

Françoise Germain-Robin, L’Humanité


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