Révolutions arabes : le drapeau de la démocratie

mardi 1er mars 2011.
 

La révolution arabe est commencée. Et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Ni les islamistes, ni les Américains, ni aucun autre gouvernement. Bientôt, c’est Kadhafi, le grand « ami » de la France de Sarko et de Bouygues, qui tombera. Il ne peut en être autrement, car un peuple qui s’érige de la sorte en souverain, après des décennies de dictature à l’ombre du « Petit livre vert », ne s’arrêtera pas en si bon chemin. L’organisateur des soirées de Silvio va devoir se démettre, tout comme ses sinistres collègues Ben Ali et Moubarak, avant lui, ont été contraints de filer à l’anglaise.

Les peuples d’Afrique du Nord, que de nombreux commentateurs prétendument éclairés disaient abrutis -voire consentants-, relèvent d’autant plus vivement la tête qu’ils ont supporté en silence, pendant des décennies, ces régimes mafieux, claniques et militaires auquel on disait qu’ils étaient condamnés. Que de rancœur, que de frustration qui, lentement, s’accumulaient dans les faubourgs de Tunis comme à Benghazi, dissimulées sous une apparente résignation...

Tout notre soutien va aux peuples arabes dans la reconquête de leur souveraineté usurpée par des castes décadentes. C’’est maintenant ! Les « régimes » arabes tombent les uns après les autres ! A bas les dictateurs stipendiés de l’Occident ! A bas les États policiers et les bourreaux de leur propre peuple ! Vivent les républiques laïques et démocratiques arabes ! Ce qui pouvait encore passer il y a quelques mois pour un rêve d’idéalistes, est devenue la réalité la plus tangible dans tout le Maghreb, et même au delà.

Mais ces mots d’ordre démocratiques, encore irréalisables il y a peu, sont en passe de devenir insuffisants, car la révolution est ,aujourd’hui comme hier, un véritable « accélérateur de l’histoire ». Les masses, en entrant brutalement sur la scène où se joue leur destin, apprennent à une vitesse folle. Et elles comprennent que le « plus jamais ça » qu’elles clament dans toutes les rues des villes arabes impliquent une rupture bien plus profonde qu’il n’y paraît avec l’ordre ancien. Mettre Ben Ali, Moubarak ou encore Kadhafi dehors définitivement impose aux peuples d’en finir avec tout l’appareil d’État oppresseur qui a survécu à la chute des tyrans. D’en finir avec l’armée des petits chefs, avec l’administration corrompue, mais aussi avec les chancelleries des États occidentaux qui ont soutenu à bout de bras tous ces dictateurs et ne les appellent à quitter le pouvoir que pour les remplacer par des créatures moins controversées.

Déjà en Tunisie, les heurts recommencent dans la rue, car le voile de l’illusion lyrique de la révolution unanime est en train de se déchirer. Facebook ne fait plus rêver quand il s’agit d’administrer un pays en crise, d’assurer l’approvisionnement des villes et de résorber le chômage, bref de répondre concrètement à l’urgence sociale. Les tâches socialistes sont déjà à l’ordre du jour au Caire, comme à Tunis, et demain à Tripoli. Que les peuples arabes se réapproprient leurs richesses pillées par les multinationales occidentales ou bradées par leurs classes dirigeantes débiles ! Qu’ils s’organisent dans les entreprises et dans les quartiers pour ne pas se faire déposséder de leur propre révolution par les apparatchiks des nouveau régimes !

La révolution arabe, si elle se hisse à la hauteur de sa tâche, va bouleverser les rapports de force mondiaux. Le drapeau de la démocratie, qui flotte déjà à Tunis et au Caire, va s’imposer demain dans le ciel de Tripoli et après-demain, ce sera le tour de Riyad. Car même l’Arabie Saoudite réactionnaire est au bord du soulèvement. C’est le réservoir d’essence du monde capitaliste qui est est en passe d’être touché par la subversion sociale. Une Arabie démocratique ne pourra qu’être viscéralement hostile aux multinationales européennes et nord-américaines. Et cette fois-ci, plus d’URSS pour contrôler la situation en accord avec l’impérialisme ou pour lui servir d’épouvantail ! Les soulèvements arabes sont tout à la fois des conséquences de la crise du capitalisme mondialisé et des symptômes de son approfondissement. Ayons donc l’œil rivé sur Benghazi et sur Riyad car c’est là que se forge confusément le monde de demain.

Éditorial de "la lettre de D&S" n°64 - 27 février 2011


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