Maroc : Appel à manifester massivement le dimanche 20 février

dimanche 20 février 2011.
 

Les grands médias français, qui ont suivi en fanfare les révoltes dans plusieurs pays arabes et particulièrement les récentes manifestations en Algérie, mettent en sourdine toute information pouvant encourager une quelconque protestation de rue au Maroc. Pourtant, cette monarchie autoritaire et arbitraire ne saurait demeurer en marge de l’ouragan de liberté qui souffle sur le monde arabe. La preuve : une vingtaine d’associations civiles et de défense des droits de l’homme appellent à une grande marche de protestation pacifique prévue pour le dimanche 20 février dans toutes les villes du Maroc. Comme pour les mouvements de révolte en Égypte et en Tunisie, Internet et les réseaux sociaux Facebook et Twitter jouent un rôle important dans cette mobilisation. Il y a déjà plus de 10 000 inscrits dans différents groupes qui appellent à manifester.

Une puissante protestation sociale marocaine est-elle en train d’émerger ? Les deux plus grands groupes qui appellent, sur Facebook, à manifester sont : « Le mouvement du ’20 février’, le peuple veut le changement » et le « Mouvement de liberté et démocratie maintenant ». Les organisateurs veulent faire bouger les choses. Ils réclament une profonde réforme du système politique marocain et de la place que doit y tenir le roi. Ils exigent aussi une nouvelle Constitution, la démission de l’actuel gouvernement et la dissolution du Parlement issu d’élections grossièrement truquées comme l’ont révélé les câbles de l’Ambassade des Etats-Unis rendus publics par Wikileaks.

Les protestataires souhaitent l’instauration d’un régime parlementaire dans lequel le monarque serait souverain mais ne détiendrait pas le pouvoir exécutif. Ils réclament une monarchie parlementaire semblable à celle de l’Espagne, des Pays Bas ou du Royaume-Uni. Ils demandent aussi, tout simplement, plus de libertés, moins de corruption, la fin de l’arbitraire, la fin de la pratique de la torture, plus d’emplois, plus de logements et une diminution du coût de la vie.

De nombreux jeunes Marocains ont perdu confiance dans leurs hommes politiques, ils leur reprochent d’agir uniquement « selon leurs intérêts personnels oubliant le peuple et ses préoccupations », comme l’explique l’un des initiateurs de cette manifestation, Ousama el Khlifi, à l’agence de presse espagnole EFE. Leur mouvement, ils l’appellent « Démocratie et Liberté maintenant ». Plusieurs vidéos sont disponibles sur Youtube.

Leur premier objectif : rassembler des Marocains pour manifester pacifiquement dans les rues de plusieurs villes le 20 février. Ils se sont donnés rendez-vous sur Facebook, où le plus grand groupe rassemble plus de 6 200 utilisateurs... De nombreux diplômés-chômeurs, qui manifestent régulièrement depuis des années devant le Parlement à Rabat, ont décidé de se joindre à la grande protestation.

En attendant de voir combien de manifestants vont descendre dans les rues, les discussions s’enflamment sur le Net. Les efforts des autorités pour discréditer les initiateurs du mouvement se multiplient. Un commentaire posté en boucle dénonce que ces jeunes voudraient « détruire le pays », l’auteur « doute qu’ils soient Marocains », selon lui ces jeunes seraient « des homosexuels, athées, laïc, journalistes ratés, juifs »... Et finit sur un ton menaçant : « on sait qui vous êtes... ». D’autres sbires du régime autoritaire demandent aux utilisateurs Facebook de changer leur photo de profil par une photo du roi...

Saisis de crainte, les dirigeants politiques marocains commencent à faire du chantage auprès de l’Union européenne en agitant, comme l’avaient fait le général Ben Ali et le général Moubarak, le spectre de la « menace islamiste » et en laissant planer le risque d’ « une invasion de l’Europe » pas des dizaines de milliers d’immigrés clandestins en cas de troubles au Maroc... L’ambassadeur marocain auprès de l’Union européenne a expliqué que « nul n’a intérêt à déstabiliser le Maroc ». Le nouvel ambassadeur de Rabat à Madrid s’est entretenu avec la ministre espagnole des Affaires étrangères à ce sujet mercredi. Cette même ministre - Trinidad Jiménez - a d’ailleurs affirmé que, au Maroc, il n’y avait « pas de risque de révolte »...

Pourtant les risques existent. Il suffit de voir, par exemple, les statistiques de la misère sociale. Ainsi, selon l’indice de développement humain (IDH) établi par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Maroc est bien plus mal classé dans ce domaine que l’Algérie ou la Tunisie : il Rapport du PNUD, 2008), et arrive loin derrière l’Égypte (112e), l’Algérie (104e), la Tunisie (91e) et la Libye (56e).

Poudrière sociale, le Maroc ne reste pas en marge du formidable mouvement qui secoue les sociétés arabes et leurs régimes vermoulus. Comment réagiront les forces de répression marocaines habituées à étouffer dans le sang toute révolte populaire, comme elles le firent à Sidi-Ifni en 2008 et plus récemment a El Aïoun en novembre 2010 ? Cette fois, il suffirait d’une balle de trop pour que le Maroc s’embrase.


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