11 février 2011 Journée révolutionnaire victorieuse en Egypte. Moubarak démissionne après un bras de fer de 26 jours (16 articles)

mardi 20 février 2024.
 

14) Déclaration de la Fédération des Syndicats Indépendants d’Egypte

Extraits principaux de la déclaration de la Fédération des Syndicats Indépendants d’Égypte lors de la création du comité constituant de la fédération indépendante des syndicats d’Egypte

Les ouvriers et employés égyptiens ont mené de longs combats et ont participé, particulièrement ces quatre dernières années, à des mouvements de protestation récurrents – d’une manière sans précédent dans l’histoire égyptienne moderne – pour défendre leurs droits légitimes. En dépit de l’absence d’un syndicat indépendant organisé– ce dont ils ont été privés pendant de longues décennies – ils ont été capables d’attirer de leur côté des secteurs sociaux les plus larges et de gagner une grande sympathie dans la société égyptienne, les mouvements ouvriers et les syndicats.

Les travailleurs se sont battus pour le droit au travail contre le démon de chômage – qui hante la jeunesse égyptienne – et ont réclamé un salaire minimum juste qui garantisse un niveau de vie convenable pour tous les salariés. Ils ont mené de grandes batailles pour leurs droits démocratiques à la libre association dans des syndicats indépendants.

Cette lutte menée par les travailleurs a ouvert la voie en Egypte à la révolution du peuple actuelle... Par conséquent, les ouvriers et employés égyptiens refusent que la “gouvernementale” Fédération générale des syndicats les représente et parle en leur nom. Cette fédération qui les privait de leurs droits et refusaient leurs revendications et qui a publié récemment une infâme déclaration, le 27 janvier, annonçant qu’elle fera tout son possible pour contenir tout mouvement de protestation des travailleurs au cours de ces journées.

C’est pourquoi, des syndicats et organisations indépendantes - le syndicat des employés des impôts fonciers, le syndicat des techniciens de la santé, celui des employés, l’association indépendante des enseignants, ainsi que plusieurs groupes indépendants d’ouvriers de l’industrie, représentants de différentes entreprises, constatant qu’il était impossible de rester les bras croisées, ont déclaré la fondation d’une Fédération des Syndicats Indépendants d’Égypte et la création d’un Comité Constituant en date d’aujourd’hui, le 30 janvier 2011, qui a pris les décisions suivantes :

Afin que soient obtenues les exigences de la Révolution du peuple et de la jeunesse égyptien proclamée le 25 janvier, nous soulignons ce qui suit :

Le droit au travail pour le peuple égyptien – qui est droit fondamental que l’État doit garantir et qui faute d’être respecté, doit ouvrir sur le droit à des prestations pour tous les chômeurs.

Un salaire minimum de mille deux cent livres égyptiennes [cent cinquante euros], avec des hausses de salaires indexées annuellement sur la hausse des prix, tout en accordant le droit pour tous les travailleurs à des primes et des indemnités appropriées à la nature des emplois et en particulier le droit à des compensations adéquates pour les dommages qui peuvent survenir en raison de l’environnement du travail et des risques.

Le salaire maximum ne doit pas dépasser dix fois le salaire minimum.

Tous les Egyptiens ont le droit à une protection sociale juste, y compris les droits à la santé, au logement et à l’éducation, « la garantie d’une éducation gratuite avec des programmes développés en fonction de l’évolution scientifique et technologique » et le droit des retraités à une pension décent avec la prise en compte de tous les bonus et primes.

Le droit pour tous les travailleurs, les employés et les salariés de s’associer dans des syndicats indépendants où ils décident eux-mêmes de leurs règles et qui soient l’expression de leur volonté et la suppression de toutes les restrictions légales à l’exercice de ce droit.

La libération de toutes les personnes détenues depuis le 25 janvier.

Le Comité Constituant de la Fédération des Syndicats Indépendants d’ Égypte appelle tous les travailleurs égyptiens à former des comités populaires dans les installations de proximité et les sites pour défendre les infrastructures, les travailleurs et les citoyens dans cette situation critique. Ces comités organiseront aussi la protestation et les grèves dans les lieux de travail.

Le Comité Constituant fait appel à tous les travailleur en Egypte à participer à ces mouvements afin d’obtenir la satisfaction des exigences du peuple égyptien, à l’exception des installations vitales d’importance stratégique en raison de la situation actuelle.

Le Comité Constituant de la Fédération des Syndicats Indépendants d’Égypte

13) Les travailleurs, la classe moyenne, la junte militaire et la révolution permanente

par Hossam El-Hamalawy (Centre d’Etudes Socialistes, Le Caire)

Depuis hier, et même avant, des militants de classe moyenne exhortent les Egyptiens à suspendre les manifestations et à reprendre le travail, au nom du patriotisme, en chantant quelques unes des berceuses les plus ridicules du style « construisons une nouvelle Egypte », « travaillons encore plus dur qu’avant », etc… Au cas où vous ne le sauriez pas, les égyptiens sont en fait parmi les peuples les plus travailleurs de la planète déjà… [1]

Cette couche militante-là veut que nous nous fiions aux généraux de Moubarak [2] pour mener à bien la transition à la démocratie – la même junte qui a constitué la colonne vertébrale de cette dictature durant les trente dernières années. Et alors que je crois que le Conseil Suprême des Forces Armées, lequel reçoit un milliard et trois cent millions de dollars par an des Etats-Unis, orchestrera éventuellement la transition à un gouvernement « civil », je n’ai aucun doute qu’il s’agira d’un gouvernement qui garantira la continuité d’un système qui ne touchera jamais aux privilèges de l’armée, maintiendra les forces armées comme l’institution qui aura le dernier mot à dire en politique (comme en Turquie par exemple), s’assurera que l’Egypte continuera à suivre la politique étrangère étasunienne qu’il s’agisse de la paix dont personne ne veut avec l’état d’apartheid d’Israël, le passage sans risque pour la marine militaire étasunienne à travers le canal de Suez, la continuation du siège de Gaza et les exportations de gaz naturel à Israël à prix subventionné. Un gouvernement « civil » n’a rien à voir avec des ministres qui ne portent pas d’uniforme militaire. Un gouvernement civil signifie un gouvernement qui respecte entièrement les souhaits du peuple égyptien sans intervention par les chefs militaires. Et je crois que ça, ce sera difficile que ce soit mis en place ou permis par la junte.

L’armée est l’institution dirigeante dans ce pays depuis 1952. Ses dirigeants font partie de l’establishment. Et alors que les jeunes officiers et les soldats sont nos alliés, nous ne pouvons pour une seule seconde faire confiance aux généraux. Par ailleurs, on doit enquêter sur ces chefs militaires. Je veux savoir plus sur leur participation dans le domaine des affaires.

Toutes les classes sociales en Egypte ont pris part au soulèvement. A la place Tahrir on pouvait voir des fils et des filles de l’élite égyptienne, ensemble avec des travailleurs, des citoyens issus des classes moyennes, et les pauvres vivant dans les villes. Moubarak a réussi à aliéner toutes les classes sociales de la société y compris une bonne partie de la bourgeoisie. Mais rappelez-vous que ce n’est que lorsque les grèves de masse ont démarré il y a trois jours que le régime a commencé à vaciller et l’armée a dû obliger Moubarak à démissionner parce que le système était sur le point de s’écrouler.

Certains ont été surpris de voir les travailleurs se mettre en grève. Je ne sais vraiment quoi dire. C’est complètement idiot. Les travailleurs ont organisé la vague la plus longue et la plus soutenue de grèves dans l’histoire de l’Egypte depuis 1946, partie de la grève à Mahalla en décembre 2006. Ce n’est pas la faute aux travailleurs si vous n’y avez pas fait attention. Chaque jour durant les trois dernières années il y a eu une grève dans une usine, qu’elle soit au Caire ou en province [3]. Ces grèves n’étaient pas seulement économiques, elles étaient aussi de nature politique [4].

Depuis le premier jour de notre soulèvement, la classe ouvrière a participé aux manifestations. Qu’étaient selon vous les manifestants à Mahalla, à Suez et à Kafr el-Dawwar par exemple ? Cependant, les travailleurs y participaient en tant que « manifestants » et non nécessairement en tant que « travailleurs » - ce qui veut dire qu’ils n’étaient pas impliqués de façon indépendante. C’était le gouvernement, et non les manifestants, qui avait arrêté l’économie par le couvre-feu, par la fermeture des banques et des entreprises. C’était une grève capitaliste dont l’objectif était de terroriser les égyptiens. Ce n’est que quand le gouvernement a tenté de ramener le pays à la « normale » dimanche dernier que les travailleurs sont retournés à leurs usines, ont discuté de la situation et commencé à s’organiser massivement et à bouger comme un seul bloc.

Les grèves menées par les travailleurs cette semaine englobaient aussi bien des revendications économiques que politiques. A certains endroits les travailleurs n’ont pas inclus la chute du régime parmi leurs revendications, mais ils ont utilisé les mêmes slogans que ceux utilisés par les manifestants à Tahrir et dans de nombreux cas, au moins ceux dont j’ai pu être mis au courant et je suis sûr qu’il y en a d’autres, les travailleurs ont mis en avant une liste de revendications politiques en solidarité avec la révolution [5].

Ces travailleurs ne vont pas rentrer chez eux de sitôt. Ils ont fait démarrer des grèves parce qu’ils ne pouvaient plus nourrir leurs familles. Ils ont été enhardis par le renversement de Moubarak et ne peuvent retourner à leurs enfants pour leur dire que l’armée a promis de leur apporter de la nourriture et leurs droits dans je ne sais combien de mois. Beaucoup de grévistes ont déjà commencé à mettre en avant des revendications supplémentaires pour la création de syndicats libres en dehors de la fédération syndicale égyptienne, corrompue et soutenue par l’état.

Aujourd’hui, j’ai déjà commencé à recevoir l’information que des milliers des travailleurs dans les transports publics sont en train de protester à el-Gabal el-Ahmar. Les travailleurs intérimaires à Helwan Steel Mills en font de même. Les techniciens du rail continuent à arrêter les trains [6]. Des milliers de travailleurs à el-Hawamdiya Sugar Factory sont en train de protester et les travailleurs du pétrole vont faire démarrer une grève demain [7] avec des revendications économiques et aussi pour demander l’inculpation du ministre Sameh Fahmy et pour arrêter les exportations de gaz à Israël. Et d’autres informations encore arrivent d’autres centres industriels [8].

Au moment où nous sommes, l’occupation de la Place Tahrir va probablement être levée. Mais nous devons porter Tahrir aux usines maintenant. A mesure qu’avance la révolution une polarisation de classe va inévitablement se produire. Nous devons rester vigilants. Nous ne devrions pas nous arrêter là… Nous détenons les clés de la libération de la région entière, pas seulement de l’Egypte… En avant avec une révolution permanente [9] qui donnera le pouvoir au peuple de ce pays au moyen d’une démocratie directe par en bas !

Hossam El-Hamalawy, (Centre d’Etudes Socialistes, Le Caire). Traduit par Christakis Georgiou.

12) « La montée et l’affirmation du mouvement ouvrier est la principale garantie pour la réussite des objectifs de la révolution », par le Mouvement du renouveau socialiste

Diverses forces allant du Conseil suprême de l’armée au comité en charge d’amender la Constitution, en passant par différentes personnalités aptes, peut-être, à rallier un secteur social significatif (la démission précipitée de Amr Moussa, ancien secrétaire général de la Ligue arabe, laisse augurer de sa volonté de se profiler au plus vite pour l’élection présidentielle), mettent l’accent sur une « transition contrôlée ».

Il est aussi significatif que pour l’heure le Ministère des affaires étrangères de l’Egypte n’a pas réclamé le gel des avoirs du clan Moubarak, à la différence des demandes concernant un certain nombre de personnalités telles que le ministre du Tourisme (Zuheir Garana), le ministre haï de l’Intérieur (Habib al-Adly) ou le ministre de l’Habitat (Ahmed al-Maghraby).

La pertinence de la déclaration du Mouvement du renouveau socialiste peut être vérifiée par les affrontements politiques que suscite l’essor du mouvement de grèves (voir les articles publiés sur ce site). (Rédaction de A l’encontre)

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La décision prise par Moubarak de quitter le pouvoir [le 11 février] deux jours après le déclenchement du mouvement de grèves n’est pas le fait du hasard. La décision prise par le gouvernement de retourner au plus vite à la vie normale a provoqué des résultats opposés.

En effet, alors que le gouvernement croyait que cette décision aurait comme conséquence l’isolement des manifestants et grévistes sur la place Tahrir, puis un rejet croissant par la majorité de la population de ceux qui poursuivaient la mobilisation – puisque ces derniers seraient devenus un obstacle à la stabilité et empêcheraient donc les gens de mener une vie normale –, c’est effectivement le contraire qui s’est passé : les travailleurs, force sociale principale, ont rejoint collectivement le mouvement de protestation. Une partie d’entre eux participaient jusqu’alors à titre personnel bien qu’ils défendissent les intérêts du groupe social auquel ils appartenaient.

Dans cette situation, le régime s’est retrouvé devant une alternative : ou bien le départ de Moubarak, ou bien l’explosion sociale : les grèves dispersées prendraient la forme d’une grève générale aboutissant à la paralysie de tout le pays.

Mais le départ du roi de la répression a ouvert la porte à toutes les catégories sociales et particulièrement à la classe ouvrière. Elles ont réclamé leurs droits qui avaient toujours été ignorés et revendiquaient le départ de tous les corrompus du régime.

Actuellement, une grande partie du peuple estime que le moment n’est pas adéquat pour faire grève et manifester, car cela empêche la roue économique de tourner ; il faudrait plutôt se concentrer sur les problèmes liés à la démocratie et donner au nouveau gouvernement une chance afin qu’il réponde aux attentes des diverses fractions de la société.

Cette position néglige plusieurs réalités sans lesquelles il n’est pas possible d’établir la vérité.

• Premièrement. Si la participation massive des ouvriers et des employés a poussé en fait le dictateur à démissionner, il serait injuste de leur dénier le droit à faire valoir leurs revendications. D’autant plus que l’expérience dans d’autres pays a démontré que de ne pas battre le fer quand il est chaud peut devenir un obstacle à un changement d’ensemble que la majorité du peuple attend et qu’on pourrait résumer par la seule formule : la volonté d’avoir une vie digne.

• Deuxièmement. La situation dans laquelle vit la majorité de la classe ouvrière est tellement précaire, misérable, qu’il n’est pas imaginable de les convaincre d’attendre encore. Comment demander à un salarié qui touche 300 livres [env. 50 francs suisses] seulement par mois depuis quinze ans d’attendre encore ?

• Troisièmement. Le plus important, c’est que l’obtention des revendications et aspirations démocratiques du peuple ne peut guère se concrétiser sans l’engagement de la classe ouvrière.

Jusqu’ici, il faut avoir à l’esprit que la révolution n’a atteint qu’un seul objectif, celui de faire tomber le dictateur. Par contre, rien n’a été obtenu pour ce qui a trait à l’état d’urgence, le couvre-feu, la liberté de créer des partis politiques ou des syndicats indépendants ainsi que la suppression de la police politique comme de l’actuelle Constitution dans sa totalité et son remplacement par une autre Constitution qui garantisse la liberté et la justice sociale. Pendant ce temps, la majorité des responsables de l’ancien régime sont toujours en place bien qu’ils soient impliqués dans des abus de tout ordre, ce que tout le monde sait.

Par ailleurs, des désaccords ont commencé à s’exprimer parmi ceux qui ont participé à la révolution. Une partie d’entre eux demandent l’arrêt des mouvements revendicatifs, des grèves à ce stade en prétendant que les changements à venir se réaliseront par eux-mêmes. Cette vision des choses ignore que l’ancien régime se battra pour se maintenir en place et faire le maximum pour empêcher un changement quelconque. C’est ce que nous montre l’exemple de la Tunisie. Donc la mise en œuvre des buts de la révolution démocratique ne pourra pas aboutir sans que s’exerce une forte pression qui ne donnera des résultats qu’avec la participation massive de la force des travailleurs. Car ce sont eux qui détiennent le pouvoir d’intervenir directement sur la vie économique du pays. Ce sont aussi eux qui ont le plus grand intérêt à ce que la révolution apporte ses fruits, car cela leur donnera une chance de faire valoir leurs droits de manière incomparable par rapport à ce qui est aujourd’hui possible.

Pour conclure, la continuité de la mobilisation populaire, du mouvement de grève, son unification et sa politisation sont les seules réelles garanties pour un succès de la révolution démocratique. (Traduction de l’arabe par A l’Encontre)

(17 février 2011)

11) De la Tunisie à l’Egypte

Interview de Patrick Haenni par Médiapart 16 février 2011

Patrick Haenni a d’abord travaillé sur l’islam en Suisse avant d’aller s’installer au Caire une dizaine d’années. Chercheur au Cedej, il a alors mené des recherches sur les processus d’islamisation de la société, et publié L’Ordre des caïds. Elargissant son regard à d’autres pays du Moyen-Orient, il a cosigné avec Thierry Pech un volume de la petite collection La République des idées consacré à L’Islam de marché.

Basé désormais en Tunisie pour l’International Crisis Group, il a suivi de près les récents événements dans deux pays qu’il connaît bien, et accepté pour Mediapart de se risquer au jeu du comparatisme. Entretien.

Avant les événements égyptiens, nous étions plutôt enclins à mettre en évidence les spécificités de chaque pays ; depuis nous cherchons à souligner les parallélismes. Sans doute faut-il d’abord noter qu’il s’agit de deux régimes dont les légitimités s’épuisent, pour diverses raisons. La formule Ben Ali – développement en échange d’absence de libertés – ne marchait plus dès lors qu’il n’y avait pas de développement. Le tout répressif de l’Egypte commençait à peiner.

Autre point commun : ni les observateurs ni les pouvoirs politiques en place n’ont vu monter les nouvelles formes d’activisme ou d’action politique. Il est frappant de constater qu’en Tunisie comme en Egypte, les mouvements n’ont pas émané des oppositions partisanes ou organisationnelles classiques mais des marges : jeunesses mobilisées via Facebook, nouveaux mouvements protestataires, restes de syndicats assez traditionalistes qu’on imaginait plutôt hors du politique, comme le syndicat des enseignants en Tunisie...

On a le sentiment que le retour du politique dans la rue s’est produit en dehors des scènes politiques instituées – qu’il s’agisse des Etats comme des oppositions. Ni les islamistes d’Ennahda en Tunisie ni ceux des Frères musulmans en Egypte ne se targuent d’ailleurs d’être les instigateurs des mouvements d’insurrection et de révolution en cours, même s’ils entendent désormais, d’une manière ou d’une autre, en tirer profit.

Cela signifie-t-il que non seulement ces mouvements ne trouvent pas leur origine dans les organisations politiques mais qu’il serait également abusif de prétendre qu’ils sont le produit de ce qu’on appelle la société civile, c’est-à-dire un ensemble d’associations préexistantes ?

Ce ne sont pas les associations de défense des droits de l’homme qui ont fait la révolution. Mais, une fois lancé, la structuration du mouvement a très largement été le fait des syndicats en Tunisie, celui des enseignants par exemple, des avocats, d’internautes présents sur Facebook... Ces personnes et ces associations partagent une plateforme politique commune hyper minimaliste : droits de l’homme, démocratie, liberté d’expression. Ce n’est pas une politisation de type idéologique mais la simple revendication d’un cadre clair de régulation de la compétition politique. C’est un mouvement anti-autoritaire, structuré par un discours de défense des droits de l’homme et de la démocratie, dont l’idéologie a été écartée par tous les participants.

On verra ce qui se passe en Egypte mais pour l’instant l’enseignement de la Tunisie c’est qu’il n’y a pas encore de confrontation idéologique. Nous sommes dans un moment de structuration d’un champ politique clair fondé sur les principes de la démocratie. En Egypte, il est frappant que toutes les grandes organisations soient passées à côté de ce mouvement, qu’elles en ont été dépossédées – y compris les Frères musulmans qui ont mis du temps à démarrer, appelant d’abord à le soutenir très vaguement sur une base individuelle, recommandant de ne pas s’en prendre au président.

C’est typique de cette situation en cours : la dynamique de politisation opère dans la société à travers une série de canaux, et le champ politique court derrière

La question sociale était l’angle mort du politique dans la région.

Il y a donc une forte demande de libertés publiques, de droits de l’homme mais n’y a-t-il pas aussi une dimension plus sociale ? Ces mouvements trouvent aussi leurs origines plus ou moins lointaines dans des grèves en Tunisie comme en Egypte...

Bien sûr, la question sociale a joué un rôle majeur. Mais cela confirme ce que je disais précédemment car la question sociale est aussi l’angle mort du politique dans la région. Pour caricaturer, on peut dire qu’il y a d’un côté des régimes qui tous donnent dans les politiques d’« ajustements structurels » – certains, comme la Tunisie, plus encore que d’autres – et qu’en face les oppositions, les islamistes en l’occurrence, se positionnent dans une logique identitaire.

Les mouvements actuels sont clairement contre les ajustements structurels mais ils se fichent pas mal de la question identitaire. Ce qui leur importe, c’est d’abord le pain à bon marché. Or les mouvements de l’islam politique, Ennahda en Tunisie ou les Frères musulmans en Egypte, connaissent une grande difficulté à prendre en compte la question sociale, ils sont peu présents dans les mouvements de contestation sociale, quasiment absents des grèves, ils entretiennent un rapport extrêmement problématique avec les syndicats ouvriers et ne font preuve d’aucun discours politique construit sur la question de la justice sociale, qu’ils réduisent la plupart du temps à une sorte d’obligation morale du riche envers le pauvre car c’est la dimension religieuse qui domine. Il y a une difficulté quasi théologique pour ces mouvements religieux à penser et à prendre au sérieux cette question sociale. De ce point de vue, ils sont autant à côté de la plaque que les pouvoirs en place et leurs logiques de libéralisation.

Au-delà de ce qui rapproche les situations tunisiennes et égyptiennes actuelles, en quoi se distinguent-elles malgré tout ?

D’abord par l’ampleur de la mobilisation. En Tunisie, on connaît assez bien désormais la logique de l’insurrection, la manière dont les événements se sont enchaînés jusqu’à la chute du Président. Mais on ne sait toujours pas très bien pourquoi cela a marché. La plus grande manifestation avant la chute de Ben Ali a péniblement rassemblé 20.000 personnes. Soit un quart seulement de la foule qui occupe la place de Tahrir au Caire. En Tunisie, même si elles émanent de dynamiques populaires, les mobilisations ont été coordonnées par des acteurs clairement identifiables, selon des logiques de quartiers dans certaines villes, par des syndicats...

La culture politique qui s’affirme doit très peu au religieux

En Tunisie, un encadrement minimal a permis de faire chuter non pas encore le régime lui-même mais sa tête. C’est l’existence d’une dynamique de tension interne au régime qui a fait tomber le président relativement rapidement. En Egypte en revanche, c’est infiniment plus massif. A Alexandrie, on estime qu’un cinquième de la ville est descendu dans la rue et l’on m’a rapporté que non seulement les Frères musulmans sont très peu présents mais qu’en plus ce ne sont pas eux qui structurent le mouvement.

Et lorsqu’ils essayent de le faire un peu, en tentant de séparer les hommes et les femmes dans les manifestations pour les prières, ils ne sont pas du tout suivis, des jeunes leur expliquent que cette révolution n’est pas la leur.

A Mansoura, c’est un demi-million de personnes, un bon million à Alexandrie, pareil au Caire. Toutes les villes sont mobilisées, et il s’agit de mobilisations de familles, il n’y a pas d’encadrement, pas de slogans « officiels »... Quand des gens tentent de récupérer ces manifestations, de les doter d’un discours précis, ça ne prend pas.

L’autre différence majeure tient à la place de l’armée dans le régime. En Egypte, elle joue un rôle très important, qu’elle n’a pas en Tunisie où l’Etat reposait beaucoup plus sur des policiers quatre fois plus nombreux que les militaires. C’est la raison pour laquelle Moubarak n’est pas encore tombé.

Contrairement à des idées reçues sur les sociétés arabes, on s’aperçoit que la religion n’a pas joué un rôle important dans ces mouvements...

Ni la religion, ni les religieux, ni les islamistes. Ces mouvements constituent une forme de rappel à l’ordre pour ce type d’approches, comme d’ailleurs pour l’approche identitaire des Frères musulmans. On constate en effet que les demandes s’avèrent beaucoup plus triviales, et que la culture politique qui s’affirme à l’arrière-plan doit très peu au religieux. La formule c’est « pain bon marché et anti-autoritarisme ».

Les mouvements islamistes sont assez différents dans les deux pays. En Tunisie, Ennahda s’est progressivement détaché de son mouvement d’origine des Frères musulmans...

Au-delà des spécificités d’Ennahda (qui tiennent à la personnalité de son chef, au passage par l’émigration, aux contacts avec la gauche au sein de la diaspora...), on peut dire que c’est le cas de toute une série de mouvements islamistes au Moyen-Orient. A chaque fois, le passage au politique de tels mouvements, c’est-à-dire leur participation au jeu politique institutionnalisé, a fait surgir une classe de professionnels de la politique. Ces nouveaux responsables se mettent à tenir des discours d’hommes politiques, des discours concrets. On leur soumet des questions concrètes qui appellent des réponses concrètes. Ils ne peuvent plus gérer de manière religieuse ces demandes. Le slogan « l’islam est la solution » va très bien tant que vous n’êtes pas au pouvoir mais une fois que vous accédez à une forme de responsabilité publique, même limitée, il faut trouver d’autres types de réponse.

La politisation du religieux, vecteur de sa sécularisation

Très vite une logique de différenciation se met en place entre, d’un côté, cette classe de professionnels islamistes de la politique, contraints par les urnes de montrer qu’ils sont efficaces, et, de l’autre côté, les plus religieux du mouvement qui continuent de tenir un discours plus général, ancré dans les valeurs. Très vite les politiques reconnaissent que le discours ancré dans les valeurs n’est pas en mesure de fonder leur action, la participation politique engendre une conscience de l’irréductibilité de la logique politique par rapport au religieux. Paradoxalement, la politisation du religieux s’affirme comme le vecteur de sa sécularisation.

Cela signifie que la logique de conditionnalité qu’on tente très souvent d’imposer aux islamistes – « soyez démocrates, prouvez-le et ensuite on vous ouvrira les urnes » – demande à être retournée : c’est par la participation dans des systèmes politiques un minimum ouverts que ces mouvements islamistes vont générer des tendances moins rigoristes. Le problème avec les Frères musulmans, c’est que la logique d’exclusion et de répression mise en place par le régime égyptien a renforcé au sein du mouvement les adversaires de ceux qui tentaient une entrée dans le jeu politique. C’est, par exemple, ce qui s’est passé lors des deux expériences parlementaires de 1984 et 1987, ce fut aussi le cas dans les syndicats professionnels... La tendance réformiste née dans les années 1980 s’est retrouvée sous pression durant les années de plomb, entre 1994 et 2000. Renforcée au début des années 2000, jusqu’au Printemps du Caire, elle fut de nouveau réprimée à partir de 2005 et dominée en interne, avec la montée en puissance du courant conservateur et, inversement, par exemple, la marginalisation d’un Abdel Moneim Aboul Fotouh, qui a perdu son siège au bureau de la guidance.

C’est ce qui explique la différence entre les Frères musulmans en Egypte et d’autres mouvements islamistes, comme l’AKP en Turquie et le PJD au Maroc ?

Le positionnement actuel des Frères musulmans est en effet la conséquence directe des années de plomb. Ce n’est pas le fruit d’un supposé irrédentisme islamiste. Les logiques d’évolution qui se mettaient en place ont été bloquées, la répression a fait basculer les rapports de force au sein de la confrérie au profit de puristes, toujours plus influencés par les idées salafistes wahhabites saoudiennes. Mais les événements actuels sont parfaitement susceptibles, même si ce n’est pas certain, de produire un rééquilibrage dans l’autre sens en redonnant voix et crédibilité au courant politique.

Et en Tunisie, comment caractériser le parti Ennahda, et quel rôle peut-il jouer désormais dans le pays ?

L’islamisme évolue toujours dans le cadre de son interaction avec le champ politique. Il évolue par le biais des alliances qu’il est amené à faire, des compromis idéologiques que ces alliances peuvent véhiculer. Plus l’islamisme se trouve dans une configuration pluraliste, plus il a de chance de se transformer. La chance du contexte tunisien actuel, c’est qu’il ne se caractérise pas par une opposition au système surdéterminée par un seul acteur religieux. Ennahda sera sans doute le mouvement le plus fort dans les années à venir car il est le seul à disposer de structures relativement implantées et activables rapidement, mais c’est un mouvement qui a pris l’habitude de composer avec les autres. Il a pris des engagements, notamment dans le Manifeste du 18 octobre, qui pèsent sur ses orientations, en particulier sur toutes les questions qui ont trait au libéralisme, sur les droits des femmes, la liberté de croyance, et le point majeur qu’est la nature de l’Etat.

La logique révolutionnaire ne s’est mise en place qu’après la chute de Ben Ali

La grande différence entre Ennahda et les Frères musulmans égyptiens, c’est que, dans une équation politique post-autoritaire, le parti islamiste tunisien se retrouve dans une position où il va être contraint de négocier avec d’autres acteurs politiques. Cela risque de ne pas être le cas si, à terme, la scène politique s’organise en Egypte dans la mesure où l’on ne voit pas très bien qui pourrait tenir le haut du pavé aux Frères musulmans. Il faut cela dit rester prudent car le mouvement actuel peut parfaitement produire des revirements surprenants. Comme Ehnnada en Tunisie, les Frères musulmans égyptiens sont désormais débordés par la gauche et par la droite, et d’ailleurs ils le reconnaissent. A gauche par des formes de religiosité moins politisées, moins ancrées sur des discours identitaires, je pense en particulier au courant des nouveaux prédicateurs. Et à droite avec la montée en puissance des mouvances salafistes.

Et comment les autres partis jusqu’à lors d’opposition perçoivent ces mouvements islamistes ?

Il existe en Tunisie un discours éradicateur mais, en même temps, politiquement on ne voit pas très bien ce que ça veut dire. Tout le monde étant dans une logique d’affirmation de la démocratie, tout le monde affirme qu’Ennahda doit participer comme n’importe quelle autre force politique à la restructuration du champ. Même si certains ont peur d’être dominés par ce mouvement, ou que d’autres sont exaspérés par ce qu’ils considèrent comme le discours populiste démagogique de l’islamisme. Les autres partis semblent partagés entre une position de principe d’acceptation de la participation des islamistes au jeu politique et la crainte d’être un jour dépassés par eux.

A propos de la Tunisie, vous notiez que pour l’instant ce mouvement – faut-il parler déjà de révolution ? – a provoqué le départ du chef de l’Etat mais qu’il n’a pas encore fait tomber le régime. Comment appréhendez-vous la suite ?

Le paradoxe, c’est que la logique révolutionnaire, c’est-à-dire la logique de passage à un autre système, et qui connaît dix mille variantes, certaines radicales, d’autres réformistes, ne s’est mise en place qu’après la chute de Ben Ali. Bien sûr il y avait un mouvement de rue, des manifestations, Facebook, les syndicats, l’UGTT, tout ce que vous vous voulez, mais la structuration d’une mouvance politique qui pense l’après système Ben Ali est apparue après la chute du président. Elle est apparue en réaction à la peur de se retrouver en face d’un simple réajustement du système, et non dans une logique de transformation radicale.

Cette logique révolutionnaire – le terme est un peu daté mais je pense qu’il convient –, cette logique de basculement total s’est structurée par étapes. D’abord dans le refus du premier gouvernement de Mohammed Ghannouchi qui s’est mis en place deux jours après la chute de Ben Ali. On ne pouvait pas avoir destitué le président pour se retrouver avec tous les caciques de son régime. La rue a donc continué, encouragée par les syndicats, qui poussaient tous à une attitude intransigeante. A l’inverse des partis d’opposition, comme le PDP ou le Renouveau, qui, craignant qu’un vide sécuritaire ne débouche sur une solution militaire, ont préféré adopter un profil bas. Progressivement les partisans de la pression ont commencé à se structurer, avec l’UGTT et des partis maximalistes comme le Parti ouvrier communiste tunisien, mais aussi des ordres professionnels importants comme celui des avocats, puis, enfin, Ennhada qui a fini par prendre position en faveur de cette logique de basculement rapide.

Ce front révolutionnaire s’est donc constitué en deux semaines, et a laissé les réformistes en position très minoritaire. La question qui désormais se pose, c’est de savoir qui se trouve en face. Il n’y a plus vraiment de parti constitué, le RCD étant considérablement affaibli : ses cellules locales ont disparu, ses cadres placés dans les administrations et les entreprises publiques, et parfois même privées, ont été remplacés. Seul l’appareil sécuritaire semble avoir tenté de s’opposer au changement. D’où une confrontation entre d’un côté le politique, toutes tendances confondues, y compris la plupart des ministres du gouvernement remanié, et de l’autre côté une certaine opacité sécuritaire. De très récents limogeages au ministère de l’intérieur sont, de ce point de vue, un signe très positif en faveur d’un renforcement et d’une stabilisation de la transition démocratique.

10) Premier jour de la Liberté, samedi 12 février 2011, par Fatma Ramadan

Le lendemain de la chute de Hosni Moubarak, première des revendications de la révolution égyptienne, les ouvriers d’Egypte poursuivent leurs grèves et leurs occupations pour revendiquer leurs droits volés sous la présidence de Moubarak et ses gouvernements successifs

Ainsi, ce samedi 12 février, 4000 ouvriers des minoteries de l’est du Delta (Ismailiya, Mansoura, Suez, Port Said) se sont mis en grève pour une hausse de 70% de leurs salaires, « humaniser » leurs moyens de transports, réduire les sanctions, aligner tous les salaires sur ceux des CDI (Contrat à durée indéterminée), départ du directeur financier.

- Les 1200 employés de la sucrerie de El Fayoum entament leur deuxième jour de grève pour relever leurs salaires (1200 LE pour un ouvrier qualifié) au niveau de ceux de la sucrerie El Nil (5000 LE pour le même poste), réintégrer les licenciés, dont le syndicaliste Ashraf Abd El Yunis qui a défendu leurs droits, et juger les cadres qui ont détourné l’argent de l’entreprise, dont le PDG – 80 ans – qui a amassé plus de 30 millions, se moque de son devenir et de celui de ses employés.

- Après avoir refusé une augmentation de 11%, les 10’000 employés de la poste poursuivent leur grève pour relever leurs salaires au niveau de ceux de leurs camarades aux télécommunications et relever les salaires des diplômes en formation permanente sur ceux des diplômes à l’embauche, embaucher les CDI, licencier les consultants issus de l’armée aux salaires exorbitants.

- Les milliers de salariés de la pétrochimie et du ministère de l’agriculture, poursuivent des grèves avec occupation, pour l’embauche des CDI et le remboursement des écarts de salaires avec les CDD (Contrat à durée déterminée) depuis leur premier contrat.

- 9000 employés de l’usine d’aluminium de Naga Hamadi menacent de grève si le PDG n’est pas suspendu et jugé pour les fonds détournés à l’usine pour sa fortune personnelle.

- 1500 employés de l’hôpital public de Kafr El Zayat ont cessé leur occupation le 11 février après avoir obtenu la démission de deux directeurs qui les humiliaient, leurs retards de salaires, l’embauche des CDI.

Des centaines de milliers de travailleurs d’Égypte se sont mis en grève ou ont occupé leurs entreprises au cours des jours précédents en solidarité avec la révolution et pour réclamer leurs droits volés sous le régime de Moubarak.

Vive la lutte des travailleurs d’Egypte ! Continuons ensemble pour rendre effectifs les mots d’ordre de la révolution égyptienne : « Changement, liberté, justice sociale » (Traduction de l’arabe)

* Fatma Ramadan

9) Victoire ! Le peuple égyptien renverse Moubarak (Parti de Gauche)

par ALAIN BILLON ET LARS STEINAU

Vendredi 11 février, le mouvement populaire en Egypte est venu à bout du despote, première étape vers la chute du régime. Soutenu depuis trente ans par tous les gouvernements américains, britanniques et français, Moubarak a « dégagé ». Il a été renversé par la force d’un soulèvement populaire émancipateur qui revendique le partage des richesses et la démocratie. Le Conseil suprême des forces armées a provisoirement repris le pouvoir en main.

Initié le 25 janvier dernier, le mouvement égyptien, clairement inspiré par l’exemple tunisien, qui s’est créé spontanément pour demander la fin de la dictature et l’instauration d’un régime démocratique, n’a cessé de s’amplifier malgré une répression qui aura causé plus de 300 morts et des milliers de blessés. Cette « intifada » populaire, avec notamment une multiplication de manifestations et de grèves ouvrières dans toutes les villes du pays, et symbolisée par la foule occupant jour et nuit la place Tahrir au Caire, n’aura finalement mis que 18 jours pour atteindre son premier objectif avec le départ du vieil autocrate.

La portée de cet évènement est immense et nul ne pourra plus dire que la révolution tunisienne n’était qu’un accident. Avec la chute de Moubarak, c’est une vague de fond qui déferle et qui affecte dès maintenant d’autres peuples du Maghreb et du Machrek : en Algérie, au Yémen, en Jordanie… Demain d’autres régimes despotiques et corrompus tomberont.

Les leçons à tirer de ces évènements sont éclatantes :

- les soulèvements des peuples arabes prouvent que les grands bouleversements historiques sont toujours le fruit de l’intervention directe des masses dans le domaine où se règlent leurs propres destinées. Les peuples arabes ont la même aptitude à la démocratie et à la justice sociale que tout autre peuple, et les régimes autoritaires en place, n’ont prospéré (là comme ailleurs) pendant si longtemps, qu’avec la bénédiction et la complicité des dirigeants occidentaux.

- On peut être sûr que ces derniers, une fois l’effet de surprise passé, chercheront par tous les moyens à limiter ou à remettre en cause la portée des changements intervenus, car ceux-ci menacent l’ordre capitaliste mondialisé.

- N’ayant eu d’autres choix que de monter dans des trains partis sans eux, les courants islamistes ne sont pour rien dans ces soulèvements. Ceux-ci sont le fruit d’une aspiration universelle des peuples au bien-être, à la justice sociale, à la démocratie et à des élections libres pour affranchir leur destin de la domination de l’oligarchie.

- Cette aspiration est exacerbée par la crise du capitalisme qui frappe d’abord les plus pauvres – la très grande majorité des populations - et s’étend ensuite aux classes moyennes, plus ouvertes aux réseaux internet et qui rejoignent la révolte des premiers.

Le Parti de Gauche, qui s’inspire notamment dans sa stratégie des exemples des révolutions citoyennes menées en Amérique du Sud, tient à saluer l’irruption des mouvements populaires insurrectionnels non violents dans le monde arabe, qui visent à renverser des oligarchies asservies aux représentants du capitalisme néolibéral mondialisé. Une brèche est ouverte. La route vers l’instauration de véritables régimes populaires, sociaux et démocratiques sera sans doute encore longue. Le Parti de Gauche continuera de se tenir aux côtés de ces peuples qui tracent un chemin nouveau vers l’avenir, et de les soutenir de toutes ses forces, car leur combat et le nôtre ne font qu’un.

8 ) COMMUNIQUÉ DU NPA. VICTOIRE : HOSNI MOUBARAK A DÉGAGÉ.

Le peuple égyptien, les jeunes, les travailleurs mobilisés quotidiennement depuis plusieurs semaines ont eu raison du dictateur Moubarak en place depuis 30 ans.

La répression sanglante, l’épreuve de force, les manoeuvres démagogiques ne sont pas venus à bout des millions de manifestants qui, dans la foulée de la révolution en Tunisie, se sont mis en marche pour ne pas s’arrêter.

Le vent de l’histoire souffle en faveur des révolutions sociales et démocratiques en réponse à la crise économique, sociale et écologique qui lamine les conditions de travail et de vie des couches populaires.

Le NPA sera aux côtés du peuple égyptien en lutte pour sa libération.

Le 11 février 2011.

7 ) Moubarak a démissionné : 2-0 pour la démocratie ! (PCF)

Moubarak a démissionné. Quelle joie ! C’est une formidable et remarquable victoire. Je veux rendre hommage au peuple égyptien, à l’extraordinaire détermination de sa jeunesse. Ils sont la fierté du monde. A leur côtés, nous seront vigilants pour que cette victoire ne soit pas confisquée et que la démission d’Hosni Moubarak ouvre vraiment la voie à la transition vers la démocratie. Décidément, nous vivons une année historique. La démocratie mène 2-0. Et le match ne fait que commencer !

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF

6 ) Et de deux : après Ben Ali, c’est Moubarak qui « dégage » ! (par Gérard Filoche)

L’Etat-major de l’Armée qui exerçait la réalité de la dictature en Egypte était, le 10 février, devant un choix douloureux. Soit il obligeait Moubarak à partir, soit il le maintenait au pouvoir. Dans le premier cas, l’appel d’air créé par la démission de Moubarak aurait été un formidable encouragement à l’élargissement et à l’enracinement de la mobilisation populaire. Dans le deuxième cas, le maintien de Moubarak à son poste de président aurait soulevé la colère du peuple égyptien, avec les mêmes risques.

En laissant Moubarak décider de partir sans partir, le Conseil supérieur des forces armées a tenté de trouver un moyen terme lui permettant d’éviter les inconvénients des deux options. Il paraît évident, aujourd’hui, qu’il en a, ainsi, cumulé tous les inconvénients.

Le revirement de Moubarak, le 10 février, provoquait une énorme déception puis la fureur du peuple Egyptien. Ce revirement attisait, du même coup, la méfiance contre l’une des cartes maitresses de la hiérarchie militaire, Omar Souleiman, qui apparaissait aux yeux de millions d’Egyptiens pour ce qu’il était : un complice de Moubarak.

Le lendemain, la fuite de Moubarak pour Charm-el Cheikh (tout près de l’Arabie Saoudite et de Ben Ali) créait le puissant appel d’air que craignait tant l’Etat-major. La combinaison de tout cela provoquait la mobilisation monstre de plusieurs millions d’Egyptiens, le 11 février, au Caire, au nord, au sud, à l’est, dans les grandes et les petites villes. La mobilisation, aux cris mille fois répétés : « Le peuple a fait tomber le régime ! », était de loin la plus énorme qu’ait connue le pays depuis le 25 janvier,

Une dictature militaire

L’apparence de l’Egypte était celle d’un pouvoir civil, certes dictatorial, mais civil. La réalité, était, encore plus qu’au Pakistan ou en Turquie, une dictature militaire où l’Etat-major de l’Armée détenait l’essentiel du pouvoir.

Les militaires, les retraités de l’Armée, les personnages issus de l’armée étaient et sont toujours omniprésents dans la façade civile du régime. L’armée contrôle également, en dehors même des industries d’armement, un grand nombre d’entreprises commerciales dans des domaines aussi divers que l’eau, l’huile d’olive, la construction, l’hôtellerie.

Moubarak était lui-même, à la différence de Ben Ali, un général important. Il avait participé à la guerre d’octobre 1973 contre les forces israéliennes qui avaient du, dans un premier temps, battre en retraite. Il y avait acquis un prestige durable au sein de l’armée. Il incarnait le pouvoir de l’armée.

Le Premier ministre nommé par Moubarak, Ahmad Chafik, toujours en place, était chef d’Etat-major de l’armée de l’air de 1996 à 2002. Le Vice-président nommé par Moubarak, toujours en place, Omar Souleiman, est lui aussi un général, dirigeant, qui plus est, des services de renseignements égyptiens, les redoutés Moukhabarat.

Avant sa fuite, Moubarak a fini par abandonner toute tentative de camouflage de la dictature militaire et chargé de gouverner l’Egypte le « Conseil supérieur des forces armées » dirigé par le ministre de la Défense, le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui.

La situation en Egypte, aujourd’hui, est celle d’une situation de double pouvoir d’une nature bien particulière.

D’un côté, les organisations de la société civile, le mouvement du 6 avril, les comités de protection, les partis déjà existant et ceux en formation, les syndicats indépendants qui se créent.

De l’autre, le Conseil supérieur des forces armées qui s’est débarrassé de Moubarak après que ce dernier lui ait officiellement remis le pouvoir ; toutes les institutions de la dictature qui sont restées en place et qui reconnaissent l’autorité de ce Conseil : la vice-présidence, le gouvernement, le parlement, le conseil constitutionnel, l’administration, la hiérarchie militaire.

D’un côté donc un pouvoir qui s’appuie sur le peuple mais qui est encore en gestation. De l’autre, un pouvoir dont le peuple se méfie, qui a aujourd’hui les mains relativement liées par la puissance de la mobilisation populaire, mais qui est déjà bien en place et qui dispose de l’appui des gouvernements occidentaux, en particulier de Barak Obama.

Une course de vitesse est engagée entre ces deux pouvoirs. Du vainqueur dépendra le sort de l’instauration d’une réelle démocratie politique en Egypte.

Une mobilisation qui s’est étendue à toute l’Egypte

Moubarak avait tout essayé. La répression, les concessions, l’attaque de la mobilisation populaire par ses « baltaguiyas », le chantage à l’intervention de l’armée.

Mais, rien n’y a fait, non seulement la mobilisation s’approfondissait au Caire où les manifestations dénonçaient l’illégitimité de l’exécutif comme du parlement, mais elle s’étendait à toute l’Egypte.

Des manifestations déferlaient dans toutes les villes, grandes ou petites du pays, réclamant le départ de Moubarak. L’Egypte rurale, où l’écrasante majorité des petits agriculteurs et des ouvriers agricoles vivent avec moins de deux dollars par jour, basculait du côté du mouvement.

Pire, pour le régime, la grève gagnait l’ensemble du pays. Au Caire même, les salariés précaires de l’aéroport faisaient grève pour leur titularisation, 3 000 agents hospitaliers de l’hôpital Qasr al-Ain, le plus grand hôpital de la ville, descendaient dans la rue ainsi que 2 000 cheminots.

Du nord au sud et à l’est, une vague de grèves, mobilisant des milliers de salariés, paralysait des services de l’administration, les arsenaux et de nombreuses entreprise, dans l’industrie textile, la métallurgie, les télécommunications, l’alimentation, l’électricité, le pétrole. Les objectifs étaient les mêmes partout : solidarité avec les manifestants du Caire, augmentation des salaires et amélioration des conditions de travail. Au point que Moubarak devait concéder une augmentation de 15 % des salaires des fonctionnaires civils et militaires.

La révolution, en effet, nourrissait les attentes de forces sociales dont les droits avaient été pendant si longtemps bafoués.

Une armée dont l’unité est ébranlée

Si l’armée n’a pu être utilisée par Moubarak pour réprimer la révolution égyptienne c’est, avant tout, parce qu’il s’agit d’une armée de conscrits dont beaucoup ont fraternisé avec les manifestants et qui n’étaient pas du tout prêts à tirer sur leurs parents, leurs voisins, leur femme ou leurs enfants qui participaient au mouvement.

Cette armée est partagée selon un axe horizontal : en bas, la troupe et les officiers subalternes qui penchent du côté de la révolution ; en haut, les officiers supérieurs et généraux dont la volonté est de maintenir la dictature militaire. Le peuple égyptien, le 10 février, s’est adressé directement à l’armée en scandant : « Armée égyptienne, le choix est maintenant le régime ou le peuple ! ». Plusieurs dizaines d’officiers subalternes en uniformes ont, ce jour là, rejoint les manifestants.

Pour que la démocratie politique puisse vraiment être instaurée en Egypte, de nombreuses conditions doivent encore être remplies : la levée de l’état de siège en place depuis 30 ans, l’élection d’une Assemblée constituante, la mise en place d’un gouvernement de transition composé uniquement de membres de l’opposition, la liberté des médias, la liberté d’organisation pour les partis politiques et les syndicats, la libération de tous les prisonniers politiques, le jugement des criminels de la dictature, l’organisation d’élections véritablement libres et transparentes…

La puissante mobilisation du peuple égyptienne, l’ampleur du mouvement gréviste et du rejet de la dictature par les habitants des zones rurales constituent un solide point d’appui pour atteindre ces objectifs.

Pour y parvenir, il faudra cependant, d’une façon ou d’une autre, que la grande majorité de l’armée bascule du côté de la révolution et permette au peuple égyptien de se débarrasser du pouvoir du Conseil supérieur des forces armées.

Dans le cas contraire, le risque existe que l’Egypte puisse se retrouver dans une situation comparable à celle de la Turquie, avec une façade démocratique et civile plus substantielle que sous Moubarak mais où la hiérarchie militaire continuerait à détenir la réalité du pouvoir.

Mais, aujourd’hui, tout est ouvert au peuple Egyptien, même le meilleur !

MAJESTY !

C’est l’acronyme utilisé par la presse anglo-saxonne pour désigner les pays dont les dictatures passent ou pourraient bien passer à la trappe : Maroc – Algérie – Jordanie – Egypte – Syrie – Tunisie –Yémen.

La résistance de Moubarak avait bloqué la diffusion de l’onde de choc partie de Tunisie. La chute de Moubarak pourrait bien permettre aux manifestations de masse de reprendre leur essor en Algérie, en Jordanie, au Yémen et les étendre au Maroc et à la Syrie.

Certes, les dictatures s’exercent de façon différente dans chacun de ces pays. Les marges de manœuvre sont différentes pour les dictatures qui disposent comme en Algérie de la manne pétrolière, de celles qui ont laissé un petit espace de « liberté culturelle » à leur peuple comme au Maroc ou qui ont noyauté la société dans ses moindres recoins, comme en Syrie.

Mais dans tous ces pays existent une même colère, énorme, provoquée par l’horreur de devoir vivre sous un régime tyrannique et dans des conditions économiques qui s’aggravent quotidiennement. Des conditions économiques marquées par l’augmentation rapide des prix des biens de première nécessité : alimentation, énergie. Marquées par une inflation qui rogne chaque année une partie de salaires déjà très bas. Marquées par un chômage épouvantable qui, comme en Egypte touche 90 % des moins de 30 ans alors que ces moins de 30 ans représentent les deux tiers de la population. Marquées, enfin, par le luxe ostentatoire et haïssable d’une petite couche de parasites arrogants, corrompus et corrupteurs.

5) Le Comité de coordination au coeur des luttes ouvrières

Egypte. « Les grèves font boule de neige »

Le syndicaliste Hamdi Hussein, longtemps actif dans l’industrie textile dans son pays et investi dans la formation syndicale, répond aux questions de l’Humanité. Envoyé spécial.

Pourquoi ces mouvements de grève n’éclatent-ils que maintenant  ?

Hamdi Hussein. Dans les entreprises où nous avons pu nous organiser, il y avait un désaccord entre les salariés qui voulaient rejoindre le mouvement et ceux qui voulaient privilégier les revendications purement sociales. De plus, les patrons des entreprises publiques, comme dans le textile, ont manié la carotte et le bâton, n’hésitant pas à promettre un mois de salaire de prime si les travailleurs ne participaient pas au mouvement anti-Moubarak. Ces promesses salariales ont beaucoup joué, car il y avait une crainte de perdre ses acquis sociaux. Et beaucoup pensaient que cette révolution s’arrêterait au bout de quelques jours. Un autre élément est à prendre en compte  : la répression des mouvements sociaux par le régime, en 2008, s’est traduite par l’arrestation de nombreux dirigeants syndicaux, et l’émergence de nouveaux leaders n’est pas simple. Paradoxalement, ce sont les plus anciens qui ont dû convaincre les plus jeunes du bien-fondé de l’action  !

Existe-t-il une coordination de tous ces mouvements au niveau national  ?

Hamdi Hussein. Formellement, il existe un comité de coordination pour le droit et les libertés syndicales et ouvrières, que nous avions créé en 1991. Aujourd’hui, il est utilisé comme lieu de regroupement de toutes les informations qui nous parviennent des gouvernorats où les luttes se déclenchent. Mais il n’y a, pour l’instant, pas de structure capable de fédérer tout ça parce que la direction nationale de l’actuelle Union des syndicats est entre les mains de partisans du régime corrompus. Mais nous voulons créer une confédération syndicale indépendante du pouvoir.

Ce mouvement social peut-il faire basculer le pouvoir  ?

Hamdi Hussein. Il est clair que si le mouvement s’étend, le gouvernement aura du mal à rester en place. Les grèves font boule de neige, de plus en plus de salariés entrent dans l’action. La révolution va grandir jusqu’à la paralysie totale.

Entretien réalisé par P. B.

4) Moubarak : fin de partie

Ce n’est sans doute pas un hasard si les rumeurs de la démission d’Hosni Moubarak se sont faites plus pressantes, hier, alors que des milliers de travailleurs, notamment dans l’industrie textile, la métallurgie et le secteur des télécommunications, participaient à des arrêts de travail, à des sit-in ou à des défilés de rue pour réclamer de meilleurs salaires et conditions de travail. Le président égyptien pourrait « répondre aux revendications du peuple » d’ici à vendredi, prévient le secrétaire général du parti au pouvoir, Hossam Badrawi. Place al-Tahrir, un officier supérieur, Hassan El Roweny, a déclaré aux manifestants que tout ce qu’ils souhaitaient allait « se réaliser ». Il a été acclamé au cri de  : « Le régime est tombé  ! » Le premier ministre égyptien, Ahmed Chafik, a estimé pour sa part que Moubarak pourrait démissionner. Certains disaient qu’il le ferait dans la soirée…

Le matin, les fonctionnaires manifestaient devant leurs ministères, exigeant des augmentations de salaires avant de se diriger vers la place al-Tahrir, signifiant ainsi leur volonté de rejoindre le mouvement. « Moubarak a dit qu’il voulait augmenter les salaires de 15%, pourquoi ne l’a-t-il pas fait avant  ? » questionnait ainsi Ali, la cinquantaine, qui avouait participer pour la première fois à une manifestation.

La rue menant au Parlement est bloquée

Près de 3 000 travailleurs de sociétés travaillant pour l’Autorité du canal de Suez sont en grève. À Suez et à Ismaïlia, des milliers d’ouvriers se sont également croisé les bras. Dans le Sud, notamment à Assiout et Sohag, des sit-in ont été organisés dans plusieurs entreprises publiques et privées, y compris pharmaceutiques. L’agitation touche aussi les secteurs de l’alimentation, de l’électricité et du pétrole, notamment à Alexandrie. À l’aéroport du Caire, 150 travailleurs intérimaires ont manifesté pour obtenir un statut de permanents. Les travailleurs égyptiens se plaignent notamment que l’inflation, dont le taux annuel dépasse 10%, rogne leur pouvoir d’achat et de la flambée des prix des aliments.

Alors que la place al-Tahrir, haut lieu de la contestation, ne désemplit pas, les manifestants tentent d’occuper ou de paralyser plusieurs autres institutions. La rue menant au Parlement est bloquée et des milliers de personnes campent devant les grilles. Des dizaines d’avocats et de journalistes ont également organisé un rassemblement symbolique devant l’un des palais présidentiels, inoccupés, devant le centre-ville. Le parti Tagammou (gauche marxiste) a annoncé son retrait des discussions pour protester contre « le refus du régime de faire face aux revendications les plus minimales du peuple ». Le vice-président, Omar Souleimane, a mis en garde contre les appels à une désobéissance civile de nature à paralyser le pays

Pierre Barbancey

3) Une grève ouvrière en train de se généraliser

Toutes les informations concordent sur l’ampleur du mouvement social qui se développe très vite dans les entreprises depuis deux jours dans tout le pays

- salariés de l’assurance maladie dénonçant la faiblesse des salaires et l’évasion continue des fonds destinés à la santé.


- Rassemblement de protestation contre la compagnie d’électricité dans le Sud du Caire.


- Manifestation des travailleurs des télécommunications dans le quartier d’Ataba, au coeur du Caire. Cela s’ajoute à ceux d’hier et aux travailleurs de la communication qui sont aussi en grève à Banha, dans le Delta.

- Des mécaniciens du secteur ferroviaire sont eux aussi en grève.


- Les travailleurs de l’usine Maspero dénoncent la corruption de la direction


- Les travailleurs de l’entreprise pharmaceutique de Masheya el Bakr ont coupé le pont sur le canal de Suez


- Plus de 2000 travailleurs de l’entreprise de filature et de textile Misr ont appelé à une grève à Helwan.


- Les travailleurs temporaires de l’Université du Caire sont aussi en grève.


- Des travailleurs du secteur du fer et de l’acier ont également fait un appel à la grève (National Steel Company, Misr National Steel Company).


- Des entreprises de sous-traitance de l’Etat sont en grève à Kafr el Dawar, Helwan et Kafr el Diat.


- Plus de 4.000 travailleurs en grève à l’usine de charbon de Helwan (Helwan Coke Company).


- Protestation à Gharbeya, à l’entreprise Sianco. 
- Les travailleurs toujours actifs de El Mahalla ont annoncé que, demain, va commencer une grève.


- Un grand nombre de travailleurs du secteur pétrolier est en grève et se rassemblera demain à Nasr City, district se trouvant en dehors du Caire, où se trouve le ministère du Pétrole.


- D’autres techniciens du secteur ferroviaire sont en grève à Beni Suef.


- Plusieurs entreprises sont fermées à Suez, où il y a un important secteur pétrolier et où les batailles de rue ont été plus dures que partout ailleurs.


- Le Service des transports publics en grève dans trois dépôts.

- Les employés des transports publics du Caire ont appelé à une grève générale demain. Au moins les dépôts de Nasr, Fateh, Ter’a, Amiriya, Mezzalat et Sawwah Station, paralysant la ville. Il semble que demain ils vont se réunir au siège, à Nasr City, pour former un syndicat libre. Ils ont fait un communiqué demandant la chute du régime (en précisant le Parti national) et la levée de l’état d’urgence. 


- Des travailleurs des télécommunications d’Alexandrie ont également manifesté devant le central de Mansheya.


- Des informations disent également que quatre entreprises d’armement à Helwan sont parties en grève. 


- L’entreprise Portland, qui produit du ciment à Alexandrie, a également connu des manifestations. Il s’agit de la plus grande usine de ciment dans le monde arabe et l’une des premières dans le monde.


- 1500 personnes sont en grève dans l’usine de coton et de lin de Mahala. 
- 2000 sont sorti de l’usine de médicaments de Sigma.


- 250 journalistes se sont réunis afin d’obtenir le quorum pour l’assemblée générale extraordinaire qui permettra de démettre l’actuel président du syndicat, l’officialiste Mohammed Makram, élu l’an dernier lors d’une élection dénoncée comme frauduleuse.


- 3000 travailleurs du secteur ferroviaire demandent une augmentation des salaires, entre autres demandes.


- 6000 travailleurs de l’Autorité du canal de Suez ont manifesté dans les villes de Port-Saïd, Suez et Ismaïlia exigeant de meilleurs salaires et rappelant que c’est l’une des plus importantes sources de revenu du pays. Revenus destinés exclusivement aux dépenses présidentielles


- Omar Effendi, une sorte Galeries Lafayette locale, a aussi connu des grèves et des mobilisations. Il existe des informations sur celles qui ont eu lieu à Alexandrie.


- Plusieurs centaines de travailleurs de la soie et des filatures à Kafr el Dawar ont fait des débrayages au changement d’équipe pour réclamer le paiement des salaires impayés et des indemnités accrues.


- Les postiers à Sharqeya sont également de grève. 


- 3000 habitants du quartier de Zarzara ont brûlé bâtiment du gouverneur de Port-Saïd en découvrant qu’en raison de la corruption, il avait été prévu de transformer leur quartier en décharge.

- 4000 travailleurs du nettoyage ont manifesté aujourd’hui à Alexandrie.


- 800 travailleurs des compagnies pétrolières ont manifesté à Behera, près d’Alexandrie. 


En relation à ceci, un millier de personnes du quartier du Max, à Alexandrie, ont manifesté pour demander que les compagnies pétrolières qui travaillent là, les prennent en considération pour l’indemnisation accordée dans les situations de risque écologique et de santé dans lesquelles ils vivent. 


- 500 personnes se sont rassemblées dans un hôpital d’Alexandrie exigeant des augmentations de salaire.


- Les travailleurs des centres d’information, sorte de collecteurs d’informations pour les enquêtes et les statistiques, ont repris la lutte pour des améliorations concernant leur travail. Leur lutte a été l’une des plus importantes et les plus longues l’an dernier de l’année passée.


- 500 centres de santé de soins primaires du Croissant-Rouge étaient en grève contre les dirigeants corrompus de cet organisme. 


Selon Al-Jazira qui l’a annoncé, les postiers au Caire ont rejoint les mobilisations. 




Info sur les grèves égyptiennes : http://oclibertaire.free.fr/spip.ph...

2) Récit d’une journée révolutionnaire victorieuse

Jeudi 10 février en soirée : Hosni Moubarak annonce des réformes, son maintien comme président de la république jusqu’en septembre. Il délègue temporairement ses prérogatives à son vice-président.

Vendredi 11 février :

9h05 : Des dizaines de milliers de manifestants se rassemblent depuis l’aube sur la place Tahrir, prêts pour une nouvelle mobilisation massive contre le président égyptien Hosni Moubarak, qui s’accroche au pouvoir.

- tentative de la pop star Tamer Hosny d’entrer sur la place Tahrir. Au début de l’insurrection, il a exprimé son soutien pour le régime. Comme il a vu que celui-ci vacillait, il a tenté de se rapprocher des rebelles dans un acte d’opportunisme absurde. Les gens, évidemment, l’ont sifflé et il a dû quitter la place en pleurant, comme on a pu le voir à la télévision.

10h55 : L’armée met en garde contre toute atteinte à la sécurité de la nation

10h54 : L’armée égyptienne appelle à « un retour à la vie normale », alors que des dizaines de milliers de personnes continuent à manifester au Caire contre le régime du président Hosni Moubarak.

11h19 : Trois soldats de l’armée égyptienne abandonnent leurs armes et leurs uniformes pour se joindre aux manifestants anti-régime dans le centre du Caire.

12h39. Des tensions sont signalées par la télévision Al Jazeera entre manifestants et soldats à proximité du palais présidentiel. Rassemblés devant l’édifice, les manifestants espéraient obtenir le ralliement de l’armée et ont laissé éclater leur colère en apprenant la position des militaires.

12h45. Des manifestants se dirigent vers la télévision d’Etat, au Caire.

12h56. Des dizaines de milliers de personnes manifestent partout dans le pays après la prière du vendredi, dans les villes de Mahala, Tanta, d’Alexandrie, d’Ismaïlia, mais aussi de Suez. A chaque fois le même slogan : « Moubarak doit partir ! ».

13h15. A Alexandrie la foule des manifestants est estimée à 100 000 personnes.

14h46. Selon une estimation de l’AFP, plus d’un million de personnes sont massées sur la place Tahrir.

14h55. A Alexandrie, les manifestants se dirigent vers le palais présidentiel, selon Al-Jazeera. Des marins-pêcheurs les ravitaillent. Même chose au Caire, où au moins 3 000 personnes se dirigent vers la principale résidence du président Hosni Moubarak, dans le quartier de Héliopolis. Leur nombre grossit à vue d’oeil.

15h10. Près de 2 000 manifestants se trouvent à l’extérieur du bâtiment de la télévision d’Etat, sur les rives du Nil, près de la place Tahrir, réclamant la démission de Moubarak.

15h20. Au Caire, les militaires bloquent les rues menant au palais présidentiel.

15h30. Des milliers de manifestants ont pris le contrôle de bâtiments administratifs dans la ville de Suez. Ils ne bougeront pas avant la démission de leur président, selon le journal Al-Arham.

16h25. A El-Arich, dans le Sinaï, des coups de feu ont été échangés entre manifestants et forces de l’ordre, faisant un mort et 20 blessés, selon Al-Jazeera. Un millier de personnes ont attaqué un commissariat, lançant des cocktails molotov et brûlant des voitures.

16h45. Al-Arabiya avance un bilan de 5 morts lors des affrontement à El-Arich, entre manifestants et forces de l’ordre.

16h50. Grâce au site Bambuser, des manifestants envoient des vidéos en direct, grâce à leur téléphone portable.

17h10. Hosni Moubarak démissionne, selon le vice-président Omar Souleimane. La foule agglutinée place Tahrir explose de joie, dans une indescriptible clameur.

17h15. Hosni Moubarak quitte la présidence de l’Egypte et remet le pouvoir à l’armée, selon la déclaration télévisée du vice-président Omar Souleimane. « Le peuple a fait chuter le régime ! », scandent les manifestants rassemblés place Tahrir.

17h20. Le raïs « a décidé de renoncer à ses fonctions de président de la République », proclame Omar Souleimane. Il a chargé le Conseil militaire suprême de prendre en charge les affaires publiques « dans les circonstances difficiles que traverse le pays ».

17h45. La démission de Moubarak ne laisse pas insensible le monde des affaires. Les cours du baril de pétrole ont chuté de plus d’un dollar en quelques minutes, après la démission d’Hosni Moubarak, avant de remonter et d’effacer la moitié des pertes essuyées.

18h10. Les centaines de milliers de manifestants réunis place Tahrir au Caire continuent de fêter le départ de Moubarak. « Le peuple a fait tomber le régime ! le peuple a fait tomber le régime ! », scande une foule en délire sur cette place devenue symbole du mouvement de contestation déclenché le 25 janvier. Les manifestants hurlent de joie et agitent des drapeaux égyptiens. Certaines personnes se sont évanouies sous le coup de l’émotion alors que d’autres serrent la main de soldats juchés sur des tanks postés autour de la place.

18h46. La Suisse gèle les avoirs que pourrait détenir le président déchu Hosni Moubarak dans la confédération helvétique.

19h20. Dans un communiqué, le conseil suprême des forces armées reconnaît « la gravité et le sérieux » de la situation actuelle. Ce dernier étudie les « mesures nécessaires pour réaliser les espoirs du peuple ».

19h37. A la télévision d’Etat, le Conseil suprême des forces armées, dans un bref communiqué, rend hommage à Hosni Moubarak « pour ses services rendus au pays » et salue « la mémoire de tous les martyrs qui sont tombés ». L’armée promet qu’elle ne se substituera pas à la légitimité voulue par le peuple.

19h55. Les altermondialistes achèvent leur Forum social mondial (FSM), à Dakar (Sénégal), par un hommage à « la révolution égyptienne », sitôt annoncée la démission du président Moubarak.

1) Déclaration des socialistes révolutionnaires d’Egypte 1er février 2011

Ce qui se passe aujourd’hui en Egypte est la plus ample révolution populaire dans l’histoire de notre pays… et dans celle de tout le monde arabe. Le sacrifice de nos martyres [l’ONU déclare, le 7 février, 300 morts] a construit notre révolution et nous avons brisé toutes les barrières de la peur. Nous ne reculerons pas jusqu’à ce que les « dirigeants » criminels et leur système soient détruits.(A l’encontre)

Aux travailleurs d’Egypte

Les manifestations et les diverses protestations ont joué un rôle clé dans le démarrage et la poursuite de notre révolution. Maintenant, nous avons besoin de l’engagement des travailleurs. Ils peuvent sceller le destin du régime. Non seulement en participant aux manifestations, mais en organisant une grève générale dans toutes les industries clé et les grands secteurs économiques.

Le régime peut se permettre d’attendre des jours et des semaines s’il n’y a que des sit-ins et des manifestations ; mais il ne peut pas résister durant longtemps si les travailleurs utilisent les grèves comme leur arme. La grève dans les chemins de fer, la grève dans les transports publics, la grève dans les aéroports et dans les grandes entreprises industrielles. Travailleurs d’Egypte, au nom du soutien à la jeunesse rebelle et pour honorer le sang de nos martyrs, rejoignez les rangs de la révolution, utilisez votre pouvoir et la victoire sera vôtre.

Formez des conseils révolutionnaires le plus vite possible. Cette révolution a dépassé nos espoirs les plus grands. Personne ne s’attendait à autant de manifestants. Personne ne s’attendait à ce que les Égyptiens et les Égyptiennes manifestent autant de bravoure face à la police. Personne ne peut dire que nous n’avons pas obligé le dictateur à se retirer. Personne ne peut dire qu’une véritable transformation ne s’est pas faite sur la place de El-Tahrir [place de la Libération].

Ce dont nous avons besoin, c’est de mettre en avant les revendications socio-économiques comme partie intégrante de nos revendications afin que ceux qui sont dans leurs maisons sachent que nous nous battons pour leurs droits…

Nous devons nous organiser nous-mêmes en comités populaires qui élisent des conseils démocratiques plus larges et cela depuis en bas. Ces conseils doivent donner naissance à un conseil général, supérieur, qui intègre des délégués de toutes les tendances. Nous devons élire un conseil suprême du peuple qui nous représente et dans lequel nous plaçons notre confiance. Nous appelons à la formation de conseils populaires depuis la place de la Libération au Caire jusque dans toutes les villes d’Egypte.

Voici notre position, en tant que socialistes révolutionnaires, sur le rôle de l’armée. Chacun nous demande l’armée est-elle avec le peuple ou contre lui ? L’armée n’est pas un bloc homogène. Les intérêts des soldats [conscrits] et des sous-officiers sont les mêmes que ceux des masses. Mais les officiers supérieurs sont des hommes de Moubarak choisit avec précaution afin de protéger son régime corrompu, sa richesse et sa tyrannie. Ce secteur fait partie intégrante du système.

L’armée n’est plus l’armée du peuple. Cette armée n’est plus celle qui a défait les sionistes en octobre 1973. Cette armée est étroitement associée aux Etats-Unis et à Israël. Son rôle est de protéger Israël et non pas le peuple… Oui, nous voulons gagner les soldats à la révolution, mais nous ne devons pas être trompés par des slogans tels que : « l’armée est de notre côté ». L’armée soit mettra fin directement aux manifestations ou elle restructura la police pour que cette dernière joue ce rôle.

(1er février 2011, traduit de l’arabe)

0) Liens vers nos articles précédents

Le peuple réclame la chute du régime (par Union des forces de gauche égyptienne)

Un million de manifestants à Mahallah, capitale de l’industrie textile égyptienne


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