Sarkozy veut faire entrer dans la Constitution l’interdiction des déficits publics

mardi 8 février 2011.
 

Cette mesure est une attaque d’une extrême gravité contre le salariat (93 % de la population) mais n’aura aucune incidence sur les banques qui portent pourtant l’entière responsabilité de l’augmentation de la dette publique au cours des trois dernières années.

Qui peut imaginer un seul instant, en effet, que si les banques nous replongeaient dans la même galère qu’il y a trois ans, Sarkozy ne serait pas le premier à leur offrir les centaines de milliards d’euros dont elles auraient besoins pour financer leurs créances toxiques, garantir les dépôts de leurs clients et leur éviter la faillite ? Qui peut penser qu’il n’augmenterait pas aussitôt le déficit public pour satisfaire les besoins des banques ?

Le même argument qu’en 2008 nous serait alors resservi : « elles sont trop grandes pour faire faillite » ! Alors que, si elles n’étaient pas immédiatement nationalisées, elles pourraient immédiatement faire faillite et s’ensuivrait une crise économique catastrophique. On peut donc être certain que, dans un tel cas de figure, le Conseil constitutionnel s’assiérait sur l’amendement de Sarkozy et se retrancherait derrière des « circonstances exceptionnelles » pour les sauver sans les nationaliser.

Pourtant, ces « circonstances exceptionnelles » ne sont rien d’autre que le fruit de l’inaction du gouvernement Sarkozy et de son inépuisable complaisance envers les banques. Car rien, depuis 2008, n’a été fait pour interdire aux banques de spéculer avec les dépôts de leurs clients. Aucune séparation n’a été instaurée entre banques d’investissement et banques de dépôts. Des dizaines de milliards d’actifs toxiques plombent encore leurs bilans. Loin de revenir à des tailles plus modestes et donc moins dangereuses pour l’économie et la société, les établissements bancaires les plus importants ont profité des fonds mis à leur disposition par l’Etat pour racheter des établissements plus petits ou plus vulnérables. Elles sont encore plus « grandes » aujourd’hui qu’en 2008 et leurs faillites seraient donc encore plus dangereuses.

C’est uniquement contre le salariat qu’est dirigée cette modification de la Constitution Et cela à double titre.

D’abord en adossant directement à la Constitution le plan d’austérité destiné à rétablir l’équilibre budgétaire, un plan payé par les seuls salariés.

La dette publique sert, en effet, de bélier à Sarkozy et à son gouvernement pour imposer les « réformes » néolibérales qu’ils n’avaient pas encore pu nous infliger. Avec la retraite à 62 ans, les deux ans de travaux forcés qu’il essaie de nous imposer ne sont qu’un avant-goût de ce qu’il nous concocte. La privatisation de pans entiers de l’assurance-maladie, du secteur hospitalier, de la dépendance, des retraites est au menu de son plan d’austérité. La diminution des emplois publics, la destruction de l’Éducation nationale s’accentueront. Les collectivités locales pourront toujours moins financer les prestations sociales qu’il leur incombe de prendre en charge. Sans même parler de la TVA antisociale à laquelle Copé commence déjà à nous préparer.

Ensuite, en rendant très difficile, pour un gouvernement de gauche, la possibilité de faire une autre politique qu’une politique néolibérale. La dette publique actuelle a deux origines.

La première est la baisse des impôts des riches qui obligent l’État à emprunter aux rentiers et à leur verser des intérêts qui accroissent encore le montant de la dette publique.

La seconde est la crise économique (conséquence directe de la crise bancaire) qui s’est traduite par une augmentation des dépenses (financement du plan d’aide aux banques, primes à la casse pour préserver les profits de l’industrie automobile …) et par une diminution des recettes liées au recul de l’activité économique.

Cette dette publique est illégitime, elle n’a jamais profité à l’ensemble de la population, uniquement à ceux qui ont vu leurs impôts baisser, leurs rentes augmentées, leurs profits bancaires restaurés.

Mais une politique de gauche pourrait très bien prendre appui sur un déficit d’une tout autre nature : un déficit finançant l’investissement productif et l’augmentation du pouvoir d’achat. Ce déficit serait rapidement comblé par un surplus de croissance. Utilisé, non pour augmenter les dividendes des actionnaires, but ultime de la politique de Sarkozy, mais pour faire reculer le chômage, sauvegarder la Sécurité sociale, augmenter les salaires du secteur public, ce déficit serait parfaitement légitime. L’amendement voulu par Sarkozy l’interdirait et rendrait anticonstitutionnelle toute politique d’inspiration keynésienne.

La gauche ne doit pas aider Sarkozy à se relever du discrédit politique qui le frappe actuellement Sarkozy n’osera pas avoir recours à la procédure référendaire pour entériner cette modification de la Constitution. Il sait fort bien que, quel qu’en soit l’objet, il ne peut gagner aucun référendum, tant il est détesté.

Il ne lui restera donc plus que la voie du Congrès (réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat) et la nécessité de réunir une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par les députés et les sénateurs.

Sarkozy ne pourra donc imposer sa réforme qu’avec une partie des voix des élus de gauche. S’il arrivait à imposer son amendement, ce serait non seulement imposer de très sévères entraves à toute future politique de gauche mais ce serait, aussi, lui permettre de se remettre politiquement en selle, après le profond discrédit que lui a infligé la gigantesque mobilisation en défense de nos retraites.

Il aurait, en effet, une nouvelle fois réussi à diviser la gauche. Il en récolterait les fruits en 2012. A l’inverse, un camouflet infligé à Sarkozy accentuerait encore son discrédit et aiderait à une victoire de la gauche.

Le Parti Communiste a annoncé que ses élus ne voteraient pas l’amendement Sarkozy. La direction du Parti Socialiste semble s’orienter dans le même sens. La gauche doit être unanime dans son refus : exigeons donc, dès maintenant, de chacun de nos élus de gauche qu’il ne vote à aucun prix une telle modification de la Constitution.

Jean-Jacques Chavigné


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