Après le Mediator "Il est nécessaire de créer une unité nationale de pharmacologie clinique" (François Autain, sénateur du Parti de gauche).

dimanche 8 septembre 2019.
 

Lors de la remise du rapport de l’Igas sur le Mediator, le ministre de la Santé a fait un certain nombre de propositions qui ne font que reprendre celles contenues dans les nombreux rapports publiés depuis plus d’une décennie sans qu’à aucun moment elles n’aient été suivies d’effet. En 1995, le professeur Zarifian écrivait dans son livre, le Prix du bien-être  : «  Tout a été dit et rien n’a été fait. Dans ces conditions, nous n’avons sans doute que ce que nous méritons en matière de santé publique, de pathologies iatrogènes et de gaspillage économique.  » Quinze ans après, ce constat est malheureusement toujours d’actualité. Espérons que cette crise, la plus grave que nous ayons connue depuis le sang contaminé, va contraindre enfin le gouvernement à passer aux actes.

Parmi les nombreuses mesures que propose le ministre de la Santé, figure l’allégement des structures impliquées dans l’évaluation des médicaments. C’est effectivement une nécessité. Diviser par deux le nombre des membres siégeant dans les commissions et peut-être aussi le nombre de celles-ci constitue un premier pas. Toutefois, il faut aller plus loin et mettre aussi fin à la mascarade dont elles sont le théâtre  : les décisions ne résultent pas toujours de votes, la recherche systématique du consensus, en même temps qu’elle retarde la prise des décisions, occulte l’expression pourtant nécessaire des opinions minoritaires. De plus, on ignore si les experts ayant des liens d’intérêts quittent effectivement la salle lorsque vote il y a… Ce qu’il faut avoir le courage d’admettre, c’est que la transparence sur les liens d’intérêts n’affranchit pas les experts de leur dépendance à l’égard des firmes. Il faut tout simplement se passer du concours de ceux qui ont des liens d’intérêts.

S’agissant des essais cliniques 
nécessaires à l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament, ils sont actuellement réalisés sous la responsabilité exclusive du laboratoire. L’Agence du médicament n’est pas en mesure aujourd’hui de procéder à une contre-expertise lorsqu’il existe un doute sur la pertinence et la fiabilité des données. 
La création d’une unité nationale de pharmacologie clinique lui en donnera les moyens, pour peu qu’il existe une volonté politique d’aller dans ce sens. La politique du médicament que j’appelle de mes vœux doit élever un mur entre les structures d’évaluation et de contrôle, et l’industrie pharmaceutique. Comme le propose Xavier Bertrand, le financement des agences ne doit plus être assuré par l’industrie pharmaceutique et subordonné au nombre de dossiers déposés. De plus, le syndicat des industriels de la pharmacie doit être évincé de l’Agence du médicament, de son conseil d’administration et des commissions où il siège à ce titre. Il faut aussi couper le cordon ombilical qui relie les prescripteurs aux laboratoires pharmaceutiques, qu’il s’agisse de la formation initiale des étudiants – certaines firmes organisent des cours privés pour la préparation de l’internat, octroient des bourses, mettent en place des concours blancs –, de l’information – il n’existe qu’une seule revue médicale indépendante dans notre pays – et de la formation médicale continue des médecins – qui est financée à 98 % par l’industrie pharmaceutique. Et sans doute, demain, de l’éducation thérapeutique des malades. Pour l’heure, il est urgent de donner un signe tangible d’un changement profond de politique  ; dès qu’il y a pour un médicament à la présomption de balance bénéfice-risque défavorable, c’est aux malades que le doute doit profiter. Les 76 médicaments actuellement sous surveillance devraient ainsi être retirés de la vente, à tout le moins ceux qui n’apportent pas de plus-value thérapeutique et sont aisément substituables. Enfin, il faut arrêter de mettre sur le marché des médicaments qui ne présentent aucun intérêt thérapeutique mais qui ne sont pas pour autant exempts d’effets indésirables. Chaque année, 250 nouveaux médicaments de cette nature sont commercialisés. Il faut cesser de nous faire prendre des plans de santé industrielle pour des plans de santé publique.

François Autain

Dès novembre 2004, François Autain (aujourd’hui sénateur PG) est intervenu pour investiguer sur les autorisations de mise sur le marché des médicaments (5 articles)


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