"Je propose ma candidature au Front de gauche, au NPA, aux associations, aux citoyens" (interview de Jean Luc Mélenchon)

dimanche 30 janvier 2011.
 

Votre candidature à la présidentielle ne réjouit pas tous les communistes. Est-elle irrévocable ?

Le Front de gauche est récent ! On a tout à construire. On n’a pas de patrimoine électoral. Le Parti communiste a fait appel à candidatures. Je propose donc ma candidature au Front de gauche, au NPA, aux associations, aux citoyens de métropole et d’outre-mer. Elle est sur la table. Notre projet n’est pas une alternance à la papa, un repatouillage du système pour le rendre moins pénible. Il faut bâtir une implication populaire, ça prend du temps.

Pourquoi ne pas vous inscrire dans le cadre des primaires de la gauche ?

Les primaires socialistes ne sont pas celles de la gauche. Sauf le PS, aucun autre parti n’y participe. Le système des primaires correspond au modèle des Etats-Unis : une élection à un seul tour. En France, le premier tour de la présidentielle est la primaire. Là, vous donnez 1 euro, vous signez, vous choisissez la ligne et le candidat, et vous acceptez de vous incliner devant le héros des sondages du moment. Pourquoi le ferais-je ? Je me sens le vent en poupe. Les événements me donnent raison. Je n’ai donc pas envie de renoncer. Voyez : je disais "la révolution citoyenne d’Amérique latine viendra en Europe", on me riait au nez. Maintenant elle est au Maghreb. Il faudra attendre combien de temps pour qu’ils comprennent que ça va se passer dans tous les pays. Partout les peuples rejettent les oligarchies.

Vous n’êtes pas candidat à la révolution mais à la présidentielle….

En effet, je ne connais pas d’autres maîtres que le suffrage universel. La révolution doit passer par les urnes. Moi élu, il y aura une constituante, il y aura un changement du régime de la propriété dans plusieurs grands secteurs, la banque, l’énergie, la santé, l’éducation. Moi élu, il y aura la planification écologique. Moi élu, on sortira d’Afghanistan et de l’Otan. Si les gens m’élisent président de la République, nous mettrons fin à la Ve République. Je suis le candidat de la révolution citoyenne.

Vous voulez collectiviser les biens, mettre fin à la propriété privée comme à Cuba ?

Je veux la fin de la concurrence libre et non faussée, la fin du règne des marchés, la collectivisation sous la forme d’une socialisation ou nationalisation ou entrée en coopératives de grands secteurs de l’économie du pays. C’est, par exemple, la fin du profit privé sur le savoir, dans l’éducation. Le système de santé sera refondu de A jusqu’à Z pour échapper à la logique du profit. L’énergie : collectivisée et réorientée. C’est pour ça que je parle de révolution, mais citoyenne. Personne ne doit se dire comme en 1981 : "Les gars, on vous a élus, maintenant faites-nous le socialisme." Il n’y a pas de changement possible sans implication populaire.

Plutôt la révolution façon 1917 que 1981, donc ?

Ce ne sera ni l’une ni l’autre. Mon modèle, c’est un mélange de 1789 et de la Commune de Paris. Les oligarques sont des têtes de pioche, rien ne les fait bouger de leur place. Il faut les contraindre.

Allez-vous porter plainte contre Plantu qui vous dessine au côté de Marine Le Pen ?

Non, ce dessin est infâme, mais c’est le débat. Je porterai plainte chaque fois qu’on entrera dans ma vie privée ou qu’on portera atteinte à mes convictions religieuses ou philosophiques.

Dany Cohn-Bendit disait dans nos colonnes la semaine dernière que vous ne foutiez rien au Parlement européen et que vous apparteniez aux élites politiques…

Je suis un bon parlementaire et depuis plus longtemps que lui. Mon taux de présence au Parlement européen est de 60 %, mais je suis le deuxième Français en termes d’intervention. J’en ai assez des donneurs de leçons d’un décomposé comme Cohn-Bendit. Oui, j’appartiens à l’élite du pays ! L’élite c’est nous, les ouvriers hautement qualifiés, et moi, je suis un intellectuel. Bien sûr que je suis dans le haut des revenus avec mes 6.000 euros par mois, mais je refuse de me plier à ce "profite et tais toi, t’es des nôtres, donc dis rien".

Vos excès nuisent-ils à votre message ?

Merci du conseil ! Ce qui est insupportable dans cette vie publique ce sont les leçons de bienséance. Il va falloir vous faire à mes manières. Elles font partie du programme. Vous ne pouvez pas croire un type qui vous dit qu’il va tenir tête à tous les grands du monde s’il ne tient pas tête à un journaliste. Il faut qu’on sache que je ne veux pas céder. Chacun essaie de me réintégrer dans le système, les uns par les leçons de politesse, les autres par l’appât des beaux postes.

Ça, c’est pour vos amis socialistes…

Ce ne sont pas mes bons amis. J’espère prendre la tête du processus et j’enragerai d’être contraint à suivre le convoi. Je les mets en garde, le PS va créer une situation de défaite assurée s’il désigne Dominique Strauss-Kahn. Si c’est pour faire le programme du FMI, il ne faut pas compter sur nous. Nous ne pouvons pas faire campagne contre les suppressions de fonctionnaires ou la destruction du système de santé et choisir DSK, car c’est très exactement ce que fait, en pire, le FMI.

Faites-vous une différence entre DSK et Sarkozy ?

Ils ne viennent pas de la même tradition. Dominique Strauss-Kahn appartient à la mouvance de la gauche et Sarkozy appartient à une droite très dure. Son programme, c’est tondre, tondre et tondre. La politique que pratique DSK comme directeur général du FMI est une politique radicalement libérale. Pouvez-vous me citer un seul pays où le FMI a appliqué une politique bienveillante ? Et qui ait réussi ? L’argument selon lequel il est allé dans cette institution pour en changer le sens, c’est du pipeau. Je redis que le FMI est une organisation internationale vouée à organiser la famine, le désordre et le démantèlement de l’Etat. Avec DSK, le PS s’enfonce dans l’impasse.

Vous avez été traumatisé par le 21 avril 2002, Marine Le Pen est à 18% aujourd’hui, on risque un nouveau 21 avril ?

Et alors ? Je dois m’en aller ? Pourquoi pas eux ? Je ne crois pas qu’on s’en sortira par des combines politiciennes. Mme Le Pen doit être décrochée du terrain bouton de veste par bouton de veste. J’ai accepté un débat avec elle, je ne vais pas seulement lui dire "vous sentez le souffre". Elle a commis une erreur, elle est venue sur notre terrain lexical, mais elle ne peut pas être républicaine ou laïque jusqu’au bout, elle est contre les seuls musulmans. Elle ne peut pas être sociale, elle est libérale.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message