Encore à l’état d’ébauche, les idées sociales du FN piochent plutôt à gauche (article de Libération)

dimanche 13 février 2011.
 

Après l’insécurité, l’insécurité sociale ? Marine Le Pen le serine : le Front national a des idées « visionnaires » sur l’économie et le social. Et entend les mettre en avant ; avant les attaques contre l’immigration ou l’insécurité. « Le FN a toujours été antimondialiste et antieuropéen, note Christophe Aguiton d’Attac, mais la nouveauté depuis 2005, avec la campagne contre le non et avec la crise, c’est le recentrage sur les questions sociales. » Pour l’instant, cela ressemble à des ballons d’essai.

- Des slogans guère étayés comme son appel « gaulliste » de décembre 2010 au « retour de l’étalon or ».

- Des éléments de langage piochés dans ses 12 points pour « sortir de l’euro, cette monnaie d’occupation ».

- Des appels à l’abrogation de la loi de 1973 « qui interdit à l’Etat d’emprunter directement à la banque de France ».

Plus sûrement, Marine Le Pen laboure large le champ du social et de la rhétorique anticapitaliste. « Elle renoue avec le FN des années 90 et ses affiches sur le social, le côté ni droite ni gauche », dit Sylvain Crépon, sociologue et auteur de la Nouvelle extrême droite (1). Il est question, pêle-mêle, de « protection » ou de « protectionnisme social » ; de « repli national » et de « patriotisme économique ». Le péril ? Le « torrent de la mondialisation », responsable du « chômage de masse », des « délocalisations » et de « l’effondrement du pouvoir d’achat ». Avec, désormais, des bémols sur le rôle, tant honni par le passé, de l’Etat providence, clé de voûte de la résistance basée sur des « services publics forts », dont la santé ou l’éducation.

Virage ? « Non, c’est surtout un virage de communication. On a toujours été partisan d’un capitalisme social, se défend Thibault de la Tocnaye, maître d’oeuvre du programme du FN aux présidentielles 2002 et 2007. Disons que Marine Le Pen met davatange le social en exergue, qui reste la clé d’une droite nationale, populaire et sociale. » Fini pourtant les sorties libérales contre les prélèvements obligatoires assommants ou la fiscalité assommoir. La proposition d’abaisser le taux d’imposition à 20%, interrogeait David Pujadas mardi sur France 2.La nouvelle présidente répond : « Vous avez pris ça il y a deux jours sur le site, c’est caduc. »

« Pauvreté ». Inutile de chercher le programme économique et social frontiste : il est dans les limbes. Un clic sur le site du FN au rayon « Economie et budget » ou « Acteurs économiques et emploi » suffit. « Cette partie du programme du Front National est en cours de réactualisation. Merci de revenir dans quelques jours. » « Le drame du FN, c’est sa pauvreté programmatique, note Sylvain Crépon. Les technocrates partis lors de la scission avec Bruno Mégret commencent juste à être remplacés. Du coup, le FN reste dans une logique protestataire qui le handicape dans son rêve de conquête du pouvoir. »

Reste, pour l’instant, des bribes qui remontent à septembre 2009. Le FN maintiendra ainsi les droits à la retraite « à 40 annuités maximum » quand elles sont déjà à 40,5. Financés via la contribution française au budget de l’Union européenne, 19 milliards d’euros (21 milliards en fait) et... « l’immigration », dont le FN estime le coût à 60 milliards d’euros. « On n’est pas tous d’accord avec cela, dit Thibault de la Tocnaye, notre programme n’est pas figé, on est en train de l’alimenter. »

Opportunisme. A coups de copier-coller à gauche sur « l’austérité sociale » ; « les injustices qui prospèrent avec le recul de l’Etat » ; le « remboursement des aides lorsqu’une firme délocalise » ; les attaques contre « les marchés tout puissants » ou les fonds de pension. « Son discours, c’est limite du Chevènement mâtiné de Mélenchon, assure Sylvain Crépon. Quand son père parlait de mondialisation, c’était pour mettre en exergue la menace des valeurs spirituelles chères à l’extrême droite. Marine Le Pen est davantage dans un souci social, une paupérisation de la société basée sur de réelles convictions. » Et un opportunisme électoral pour regagner les voix ouvrières et s’implanter dans les classes moyennes ? « Le pari de Marine Le Pen, c’est de récupérer une partie de l’électorat passé chez Sarkozy, au risque de se couper de son électorat hardcore, les personnes âgées et les indépendants », résume Bruno Amable, professeur d’économie.

(1) Editions L’Harmattan, 2006, 25,50 ?


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