Domaine et limites du savoir biologique

lundi 17 janvier 2011.
 

Histoire et philosophie,

de Denis Buican.

CNRS Éditions, 2010, 230 pages, 25 euros.

histoire des sciences

Présentant son projet, le biologiste Denis Buican dit vouloir « mettre en évidence, en suivant ses méandres, le cheminement parallèle de l’histoire naturelle de la vie et des idées la concernant ». Néanmoins, l’introduction, d’une dizaine de pages, est tout entière consacrée aux théories personnelles de l’auteur  : « théorie synergique » de l’évolution, stipulant la « présélection génotypique » et la « sélection multipolaire », c’est-à-dire s’exerçant à tous les niveaux d’organisation des êtres vivants  : moléculaire, cellulaire, au niveau des organismes ou des populations, voire des sociétés.

Ces conceptions sont loin d’être acceptées par toute la communauté scientifique  ; en théorie darwinienne, la sélection s’exerce au niveau des organismes. Faire de la « théorie synergique » le cadre explicatif d’une histoire de la biologie est pour le moins hardi. L’auteur présente aussi sa théorie de la connaissance  : la biognoséologie « qui part de l’évolution du comportement animal et humain… dans l’optique d’une sélection multipolaire des idées ». Faire de la succession des civilisations et des philosophies, le prolongement de l’évolution biologique, en ignorant les bouleversements décisifs apportés par le langage et la division du travail dans l’analyse de l’organisation et du fonctionnement des sociétés humaines est malheureusement une banalité d’une certaine idéologie biologique.

La première partie du livre, « De la philosophie naturelle antique à la biologie contemporaine », dévoile, de façon pertinente, les prémisses du transformisme moderne chez tous les grands penseurs des siècles passés  : Aristote, Empédocle, Lucrèce, puis Maupertuis, Buffon, Lamarck et bien sûr Darwin. Les fixistes eux-mêmes (Linné, Cuvier) montrent dans leurs œuvres des ébauches de transformisme. La deuxième partie, « Du développement de la génétique à l’explosion biologique actuelle », contient un chapitre intéressant sur le travail expérimental et les lois de Mendel. En revanche, la biologie moléculaire de l’hérédité est traitée trop vite. La troisième partie est entièrement consacrée à la « biognoséologie ». Selon l’auteur, la racine de la connaissance se trouverait dans la sensibilité instinctive des organismes vivants les plus simples. Plus on monte dans l’échelle évolutive, plus le programme génétique reste ouvert, capable d’intégrer des situations nouvelles. L’auteur évoque un « inné biognoséologique » mais accepte le « darwinisme neuronal » (sélection par l’environnement de certains circuits neuronaux du cerveau préadaptés à une utilisation intense), selon les travaux d’Edelman ou de Changeux. C’est d’ailleurs à ces auteurs que Denis Buican reprend l’idée d’une épistémologie fondée sur la biologie.

Paul Mazliak, historien des sciences


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