Les raisons de l’aide chinoise à l’Europe

jeudi 27 janvier 2011.
 

Pékin, qui vient d’acheter des titres de dettes de pays européens en difficulté, veut éviter coûte que coûte le face-à-face avec Washington que provoquerait un écroulement de la zone euro.

La Chine diversifie les placements que lui procurent ses formidables réserves de devises – elles sont estimées à environ 2 000 milliards d’euros – en achetant des titres de dettes européennes. Pékin vient ainsi de passer un accord avec Madrid pour prendre le contrôle d’environ 6 milliards d’euros d’emprunts d’État espagnols, après avoir conclu des accords similaires avec Athènes et Lisbonne. La démarche répond à plusieurs préoccupations. La Chine, qui utilisait, ces dernières années, ses excédents à l’achat quasiment exclusifs de bons du Trésor des États-Unis, craint une détérioration de la valeur du dollar, Washington se montrant de plus en plus enclin à « laisser filer » le billet vert pour réduire sa dette. Pékin entend donc ne plus placer tous ses œufs dans le même panier. D’autant que les taux d’intérêt des emprunts des pays européens en difficulté sont particulièrement attrayants.

La démarche recouvre aussi une dimension géostratégique majeure. Dans un contexte de sortie de récession très incertain, propre à favoriser une montée des antagonismes, Pékin ne veut pas d’un face-à-face avec Washington, que pourrait provoquer un écroulement de la zone euro. Dans l’immédiat, il espère, de l’achat de titres de dettes européennes, qu’il puisse lui offrir en contrepartie le moyen de réduire la pression états-unienne pour une réévaluation du yuan. En incitant les Européens à se montrer moins suivistes de Washington sur ce dossier.

En fait, le défi d’un rapprochement sino-européen pour battre en brèche l’hégémonisme américain n’a jamais été aussi prégnant. Pékin y répond de façon très ambivalente. D’un côté, il fait un geste car il sait combien il aurait tout à perdre de l’émergence d’un monde bipolaire (États-Unis – Chine) dans lequel il resterait très dépendant de l’Oncle Sam. Même contraint à un minimum d’égards pour son principal créancier, celui-ci dispose en effet de beaucoup de poids sur le terrain chinois, où ses multinationales sont de très loin les mieux implantées. De l’autre côté, la Chine défend ses intérêts de grande puissance émergente selon une approche « banalisée ». Elle ne conçoit pas, pour l’instant, la coopération avec l’Europe hors du cadre du système financier en crise et de ses exigences. Elle demande explicitement de l’Espagne qu’elle respecte à la lettre le superplan d’austérité engagé par le gouvernement socialiste. Une démarche lourde de contradictions avec l’objectif d’aide recherché. Tant l’austérité va plomber la croissance outre-Pyrénées, et risque donc de replonger l’euro, avec l’Espagne, dans les pires turbulences…

Bruno Odent


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