Rousseau, un penseur incontournable

dimanche 16 janvier 2011.
 

Toujours commenté, parfois instrumentalisé par la dynamique républicaine, le rousseauisme reste une référence essentielle de la tradition d’émancipation politique et sociale.

Modernités de Rousseau, revue Lumières n°15. Éditions Presses universitaires de Bordeaux, 2010, 232 pages, 22 euros.

Stéphanie Roza, philosophe

Le dernier numéro de la revue Lumières de l’université bordelaise Michel-de-Montaigne propose une série d’articles présentant les étapes les plus décisives, d’un point de vue à la fois historique et philosophique, de la discussion des principales thèses de Rousseau. Placées dans un ordre chronologique, les contributions permettent dans un premier temps d’aborder le problème de la réappropriation du rousseauisme sous la Révolution française par ses protagonistes, puis du rapport de la tradition républicaine française avec cet auteur. Les textes suivants étudient les lectures marxistes de Jean-Jacques au sein du Parti communiste italien dans les années 1950-1960, ainsi que chez Althusser et, enfin, l’usage de Rousseau dans d’importants débats philosophiques contemporains  : la critique des thèses rawlsiennes sur l’estime de soi par Walzer, la position, puis la reformulation du projet critique de l’école de Francfort, le débat nord-américain sur les «  frontières de la justice  », ou encore les théories de la démocratie délibérative.

Cette réflexion, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, mais qui s’inscrit dans différentes époques et différents ancrages géographiques, permet de mesurer l’importance de la philosophie de Rousseau dans la pensée politique occidentale depuis plus de deux siècles, à travers ses réactualisations les plus marquantes. On constate alors combien certaines idées reçues, notamment concernant la place du rousseauisme dans le républicanisme français, doivent être nuancées  : Serge Audier et Philippe Raynaud, notamment, montrent que les pères fondateurs de la IIIe République, intellectuels, juristes, politiques, ne sont pas de simples épigones de Jean-Jacques, mais ont mené une véritable discussion de ses thèses, concernant la liberté ou la souveraineté du peuple, prenant notamment leurs distances avec ce que beaucoup d’entre eux considéraient comme les ferments du jacobinisme. On réalise ainsi que l’utilisation du Contrat social ou du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité comme arme dans la lutte politique n’est pas un procédé réservé aux acteurs de la Révolution française  : pour Gabrielle Radica, Rousseau a servi de levier aux théoriciens de la « voie italienne vers le socialisme » pour prendre leurs distances vis-à-vis du modèle soviétique, au prix de certaines distorsions de la pensée du philosophe.

Enfin, les articles relatifs à la philosophie politique contemporaine attestent de la fécondité des concepts rousseauistes fondamentaux tels que l’amour de soi, la pitié, la volonté générale, et quelques autres, dans les débats cherchant à définir une société juste, ou à établir les conditions d’un débat public digne de ce nom. Rousseau reste bien, encore aujourd’hui, une référence incontournable pour qui veut penser la démocratie.

Stéphanie Roza, philosophe


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