A bas le dictateur Ben Ali et ses complices occidentaux ! Gloire à ceux qui sont tombés sous les balles de ce régime assassin !

samedi 15 janvier 2011.
 

C’est ce que le Président Sarkozy ne dira pas. Pourtant, il le disait à propos de l’Iran, avec raison. D’ailleurs, beaucoup de peuples méritent mieux que leurs dirigeants… peut-être même nous ! Il ne le dira pas, et pourtant la situation est assez comparable : les Tunisiens se révoltent contre un régime autoritaire et corrompu, il y a des morts, la liberté de la presse est piétinée, les universités sont bouclées. Alors, les ténors habituels de la Liberté vont-ils donner de la voix ? Probablement pas, car la Tunisie, c’est leurs vacances. Mme Alliot-Marie y a passé les fêtes, paraît-il. Le « camarade » Delanoë y a une villa. Bernard Henri-Lévy serait plutôt branché Maroc. Bref, si les peuples maghrébins se soulèvent, c’est par exemple leur jardinier, leur portier, leur femme de ménage, qui vont demander des augmentations ! Au-delà de l’anecdote, la Tunisie est une terre assez fructueuse pour quelques entreprises européennes, notamment françaises et italiennes, qui y jouissent de bonnes conditions1. Alors, qu’un homme à poigne soit sensible aux pots-de-vin et tienne la population en respect2, voilà qui fait les affaires de certains.

On ne sait pas encore où peut mener cette révolte. La chute de Ben Ali, peut-être ? Ce serait une délivrance, mais encore faut-il que quelque force populaire se structure, qu’elle porte un projet crédible, pour une Tunisie nouvelle, égalitaire et démocratique. L’historique UGTT (Union générale tunisienne du Travail), qui s’est tant illustrée dans le combat anticolonial, et a souvent regimbé contre le régime autoritaire par la suite, pourrait jouer un grand rôle si elle recouvrait son indépendance. Quelle que soit la fin de l’histoire, cette révolte a déjà administré quelques preuves.

Primo, l’argument habituel, répété ad nauseam, selon lequel « chez ces gens-là, c’est la dictature ou les islamistes », est fallacieux. D’abord, c’est en partie parce qu’il y a des dictatures, qu’il y a des islamistes. Dans les pays « arabo-musulmans », il y a les mêmes aspirations démocratiques et sociales que partout, même si elles peinent à s’exprimer, coincées qu’elles sont entre despotes, barbus et envahisseurs. Dans le cas d’espèce, on voit bien que les Tunisiens et Tunisiennes ne sont pas emmenés par des Imams, ne hurlent pas que Mahomet est Son prophète et qu’il faut occire les infidèles, même si M. Ben Ali ressort la « menace terroriste » et la « main de l’étranger » pour mieux envoyer ses nervis tirer dans le tas.

Secundo, l’approche culturaliste des choses, celle qui nous explique le monde à grands coups de « valeurs occidentales » d’« Islam modéré contre Islam radical », est inopérante. Ce qui fait descendre spontanément les gens dans les rues, ce qui fera peut-être avancer l’Histoire, ce sont des questions objectives laissées en suspens : chômage, inégalités, népotisme, manque de liberté, sentiment d’enfermement (auquel les refus de visas contribuent). Ces choses-là sont universelles. Le jeune déclassé tunisien n’est pas « culturellement » différent de son homologue français ou grec.

Tertio, le refrain « enseignons la démocratie à ces sauvages », entonné pour envahir l’Irak ou l’Afghanistan, est une survivance coloniale à laquelle plus grand monde ne croit, tant le double langage devient grotesque. La démocratie, ce ne sont pas les armées d’occupation, les intrigues de chancellerie qui la feront. Ce sont les peuples, par définition. Et ils ont intérêt à ne pas trop compter sur les donneurs de leçons occidentaux, qui chapitrent opportunément les pays récalcitrants, tout en restant de marbre quand il s’agit de leurs petits copains dictateurs.

Revenons un peu à l’économie. Que des Français (et d’autres) s’installent en Tunisie, qu’ils y travaillent, rien n’est plus naturel. S’installer où l’on veut pour y exercer ses compétences, à égalité avec les gens du cru, voilà un droit bien naturel, bien qu’on le rabote peu à peu chez nous. Mais que Groupama ou les Caisses d’Epargne aillent jouer au Monopoly3 là-bas, c’est tout autre chose. Après avoir mis en coupe réglée le marché français, ces groupes s’apprêtent à aller faire de même au détriment des Tunisiens ! Nous, nous militons pour que les activités de banque et d’assurance soient des services publics sous contrôle des usagers. Ici comme là-bas. Ne nous méprenons pas : ce que l’Etat français défend en Tunisie, dans ce cas, ce n’est pas l’intérêt « de la France », mais celui de certains Français : ceux qui possèdent ces entreprises. Pas de quoi chanter la Marseillaise !

La révolution tunisienne, si elle advient, sera l’œuvre des Tunisiens. Ceci posé, que pouvons-nous faire qui soit de nature à les aider ? D’abord, l’Etat n’a pas le monopole de la politique étrangère. Rien n’empêche les partis, les syndicats, les associations de droits de l’Homme, etc., de dénoncer la répression de M. Ben Ali, et de prendre contact avec les organisations, les militants tunisiens. Les manifestants voient ainsi que, si la classe dirigeante française tend à pactiser avec leurs oppresseurs, tel n’est pas le cas des Français ordinaires. Au-delà des déclarations, c’est la classique solidarité syndicale qui doit jouer, notamment par des caisses de solidarité aidant les salariés tunisiens à tenir bon. Et symboliquement, c’est la participation aux rassemblements de soutien qui commencent à s’organiser en France. Cette solidarité est ancienne. Déjà dans les années 70, quand M. Bourguiba envoyait la « BOP » tabasser les étudiants, de modestes professeurs français protestaient. De même déjà, nos autorités s’en accommodaient fort bien. Soit dit en passant, ces contacts directs, de peuple à peuple, seraient évidemment plus faciles si la libre circulation des personnes entre les deux rives de la Méditerranée, était moins entravée…

Vive le peuple tunisien en lutte ! A bas le dictateur Ben Ali et ses complices occidentaux ! Gloire à ceux qui sont tombés sous les balles de ce régime assassin !

Par Robert Tourcoing (75)

1 « La France est historiquement l’un des tout premiers investisseurs étrangers en Tunisie. (…) L’implantation de nouvelles entreprises se poursuit à un rythme élevé (…) Ce résultat s’explique notamment par le succès d’entreprises françaises dans le cadre des privatisations. ». (http://www.ambassadefrance-tn.org/f...)

2 Le site officiel tunisien dédié aux investissements étrangers vante « la stabilité politique et sociale » et les « procédures administratives simplifiées » pour les entreprises à participation étrangère (http://www.tunisie.com/economie/inv...).

3 « 150 millions de dinars tunisiens à l’occasion de la privatisation de la BTK, avec l’acquisition par le Groupe Caisse d’épargne de la part du capital qui appartenait à la Tunisie ; 130 millions pour l’augmentation de capital de la STAR, 1er assureur tunisien, dont Groupama détient désormais 35% du capital. » (http://www.ambassadefrance-tn.org/f...)


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