Militants socialistes ! Demandez l’asile politique au Front de Gauche. Assez côtoyé de tireurs dans le dos !

lundi 10 janvier 2011.
 

Quelle honte que ce propos de Manuel Valls lorsqu’il propose de remettre en cause les trente-cinq heures ! Honte quant au fond du sujet, bien sûr.

Mais aussi par sa désinvolte ignorance du sujet ! Le fond d’abord, bien sûr. La diminution du temps de travail est le fil conducteur de la lutte qui a constitué le salariat en classe sociale revendiquant des droits collectifs. Rien de moins. Valls n’est plus dans cette histoire.

La diminution du temps de travail est pour les travailleurs le retour sur effort des gains de productivité réalisés grâce à l’intensification du travail et l’élévation technique des procès de production. Quand cette diminution se fait sans perte de salaires cela correspond à une forme de répartition de la richesse entre capital et travail. Entre le début et la fin du vingtième siècle le temps de travail annuel des sociétés européennes a diminué de moitié tout en produisant une prodigieuse augmentation des biens produits. On travaillait trois mille heures par an au début du 20ème siècle, puis autour de deux mille deux cents heures par an dans les années 1950. On en est à mille six cents ou sept cents par an aujourd’hui. La même tendance est observée dans l’ensemble des pays développés. A qui doit revenir ce temps gagné ? C’est la première fois qu’une personne se réclamant de la gauche, je n’ose pas dire du socialisme ni de son parti officiel, ose proposer que ce soit au capital au détriment du travail. C’est une nouveauté qu’un dirigeant socialiste propose d’annuler une conquête sociale d’un gouvernement socialiste au sein duquel il a travaillé. C’est inouï que ce soit sur un tel thème fondateur de la pensée socialiste. Mais le pire peut-être, compte tenu de l’outrage et de la provocation, c’est que tout cela soit fait sous une forme aussi désinvolte sans le minimum de connaissance technique sur le sujet pour argumenter. J’ai été parlementaire pendant le débat de ces lois sur les trente-cinq heures et j’y ai participé intensément. A l’époque le courant « la gauche socialiste » avait bataillé des années durant au sein du PS pour obtenir l’inscription de cette réforme dans le programme. Notre expert était Gérard Filoche. J’avais déposé avec son aide soixante quinze amendements au texte lors de son passage devant le Sénat. Je mentionne ce fait pour dire qu’une heure de révision de mes fiches m’ont replacé dans l’ambiance du débat d’alors. Comment se fait-il que Valls qui était à l’époque chargé de la communication du gouvernement Jospin ne se souvienne de rien et n’ait pas consacré dix minutes à s’informer du dossier si son intention était de remettre en cause une réforme aussi emblématique ? D’où vient cette désinvolture ?

Je demande que l’on examine attentivement ce qu’il dit ce dimanche 2 janvier 2011 : "Oui, nous devrons déverrouiller les 35 heures qui n’existent déjà plus réellement puisqu’elles ont été mises en cause progressivement depuis 2002" "Cela doit permettre aux Français, pour ceux qui ont la chance d’avoir un emploi, de travailler davantage -deux heures, trois heures…- sans avoir recours forcément aux heures supplémentaires qui ont beaucoup coûté à l’Etat". Tissu de sottises. Il n’existe aucun verrou aux trente-cinq heures. Trente-cinq heures c’est une durée légale. Au-delà on est payé en heures supplémentaires. La possibilité de travailler en heures supplémentaire n’a pas cessé d’être augmentée par la droite depuis le vote de la loi. Le contingent d’heures supplémentaires auquel peut être contraint un travailleur est passé de 130 heures à 220 ! Donc personne n’est jamais empêché de « faire deux ou trois heures de plus » comme l’insinue Valls ! Les français travaillent déjà plus de trente cinq heures en réalité. En moyenne ils travaillent quarante et une heures. C’est donc la rémunération de ces heures supplémentaires qui est en cause d’abord.

La diminution du prix de ces heures supplémentaires est l’obsession de la droite depuis 2003. Quatre lois y ont pourvu ! Jusqu’à l’abjecte loi de Xavier Bertrand en 2008. Je l’ai combattue au Sénat à l’époque et je vous jure que ce Bertrand s’est comporté comme le roi des tartuffes dans ce débat ! Elle a permis de passer tous les salariés aux « forfaits jours » (et non plus seulement les cadres). Elle a surtout ouvert la possibilité de fixer « par accord d’entreprise » le niveau du contingent d’heures supplémentaires et le prix de ces heures supplémentaires à tout juste 10 %, là où le taux légal par défaut est de 25 % pour les 8 premières heures et 50 % au-delà sans oublier les repos compensateurs. On imagine le genre « d’accord d’entreprise » qui permet aux travailleurs d’être d’accord pour être payé moins qu’avant. C’est ce qui s’est fait chez Continental avant que le patron ne ferme quand même la boite après avoir fait suer le burnous.

L’action de gauche ne peut-être de demander qu’on cesse de payer plus cher ces heures supplémentaires au-delà de la durée légale. C’est tout le contraire ! Il faut les renchérir pour que le salarié qui les fait soit mieux payé et que le recours aux heures supplémentaires soit dissuasif pour l’employeur. La phrase de Valls qui dit que les heures supplémentaires « ont beaucoup coûté à l’Etat » oublie de dire pourquoi il en est ainsi. Elle avalise donc la manœuvre de son auteur. Car si ces heures coûtent à l’Etat c’est parce que Nicolas Sarkozy a décidé de faire cadeau des cotisations sociales sur ces heures supplémentaires et de défiscaliser le revenu des travailleurs sur ces heures-là ! Enfin notre rôle à gauche est de lutter pour que la durée maximale de travail hebdomadaire soit raccourcie. Elle est aujourd’hui de 48 heures en France. « L’Europe qui protège » autorise 72 heures si un pays le décide ! Décision prise grâce à l’appui de Nicolas Sarkozy alors que tous ses prédécesseurs l’avaient refusé aux demandeurs, les… « socialistes » anglais ! Plus cette durée maximale légale est proche de la durée hebdomadaire légale plus il est difficile de recourir aux heures supplémentaires plutôt qu’à l’embauche. Voila la ligne constante de la gauche syndicale et politique depuis plus d’un siècle de luttes sociales. Manuel Valls a le droit de ne rien savoir sur le sujet. On ne peut pas tout savoir. Mais s’il décide d’entrer dans cette matière, il n’a pas le droit d’arriver, les mains dans les poches, pour proposer de faire du mal à des millions de travailleurs sans s’être même soucié des faits dont il traite !

En fait Manuel Vals est un symptôme révélateur de l’état du PS. Le parti s’est soit disant remis au travail. Et bien pas Valls et combien de dirigeants qui ne connaissent rien à la condition sociale du peuple réel. Ce parti est déserté par ses adhérents. Il n’en reste que 65 000 à jour de cotisations. Moins du tiers d’entre eux se déplace pour aller voter les textes d’un programme dont ils viennent de constater encore une fois qu’il n’engagera aucun de ceux qui sont candidats à être leur représentant dans l’élection présidentielle. A peine un tiers de ses dirigeants se déplace pour aller voter ce programme au conseil national du parti. La semaine de la rentrée, alors qu’un de ses dirigeants candidat déclenche une polémique inouïe, il n’y a pas de bureau national. Mais qu’est-ce que ça change ? Quand il y en a un la première secrétaire elle-même n’y vient pas toujours !

Manuel Valls montre que la décomposition politique de la direction socialiste continue. On pouvait penser qu’après avoir fourni 20 % du gouvernement Sarkozy le contingent des retourneurs de veste était épuisé. Non. Il y a pire. Pire que les opportunistes carriéristes, il y a ceux qui font leur la ligne dominante de la social-démocratie européenne. Elle détruit l’Etat providence qu’elle a créée en endossant les habits de la modernité et du « réformisme ». Papandréou, Strauss-Kahn, Valls, ce sont les faces d’une même réalité. Ce que j’ai démontré dans le livre « Enquête de gauche », réalisé en 2007 avec le journaliste Michel Soudais, est confirmé et amplifié. Le PS est un astre mort. Sans le chantage de ses dirigeants au « vote utile » et leur utilisation cynique du diable lepéniste, les militants et les électeurs viendraient par milliers demander l’asile politique au Front de gauche ! J’annonce à tous ceux qui en ont assez de vivre dans la honte de se demander chaque jour quelle horreur réactionnaire va débiter un de ses dirigeants qu’ils seront accueillis avec amitié au Parti de gauche où ils seraient bien plus utiles qu’à porter les sacoches de cette équipe de tireur dans le dos des travailleurs.


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