Certes, il y a là beaucoup d’encartés, au PCF, au Parti de gauche (PG), dans des syndicats, des associations. Certes, il n’y a pas que des novices de la politique parmi les quelque 200 personnes qui participent, ce soir-là, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), à l’assemblée du Front de gauche pour coélaborer avec les citoyens le programme législatif et présidentiel de 2012.

Il n’empêche, il y a bien longtemps que ce monde de gauche ne s’est pas retrouvé dans ce type de rencontre, où l’on « pense ensemble la perspective politique », précise Mimouna Hadjam, porte-parole d’Africa, l’association située au cœur de l’emblématique cité des 4 000 . Il y a bien longtemps que le visage tel qu’il existe dans les quartiers populaires n’est pas aussi visible dans une réunion politique. Un public si bigarré qui saute aux yeux de Jean-Luc Mélenchon, pourtant ancien élu de banlieue, dans l’Essonne  : « C’est le coup de thermomètre, car la nouvelle France est là. Si on rate ici, on raterait tout le reste », affirme le président du PG.

Un public curieux, participatif et, surtout, très sévère envers la gauche. Très enthousiaste à l’issue de la rencontre, Marie-George Buffet, députée de Seine-Saint-Denis, estime  : « Les exigences populaires montent pour que la gauche soit audacieuse, qu’elle soit vraiment à gauche. » Auparavant, un syndicaliste d’Alstom s’est indigné que « les politiques aient tourné la page du dossier retraites. Ils passent à autre chose. Or, la retraite à soixante ans, à taux plein, est toujours d’actualité pour nous qui faisons un travail pénible ». Un autre s’est ému que « des politiques se laissent dominer par la finance ».

« Marre de cette politique. On ne mendie pas »

Une militante associative s’est insurgée contre l’existence d’un ministère de la Ville  : « J’en ai marre de cette politique spécifique dès qu’il s’agit d’une population d’origine ouvrière et, de surcroît, étrangère. Nous sommes des citoyens à part entière, on ne mendie pas, on demande que l’on intègre la politique de la ville dans le droit commun. »

« les grincheux ne sont pas dans la salle »

Jaillissent de la rencontre des coups de gueule, des propositions, des réflexions, émanant aussi bien du public que des responsables du Front de gauche et de Gilles Poux, maire de La Courneuve, qui rappelle avoir porté plainte pour discrimination à l’égard de sa commune. La discussion part dans tous les sens, mais se dégage « une forte envie de construire ensemble », note Marie-George Buffet. « Les grincheux ne sont pas ici », sourit-elle. « Sans doute faut-il structurer davantage ces réunions, les concentrer sur un thème, de manière à pouvoir être dans une radicalité concrète », s’interroge Jean-Luc Mélenchon.

En attendant, ils sont nombreux dans la salle à évoquer « l’importance » de la démultiplication des réunions publiques et l’organisation des rendez-vous d’appartements pour « inciter les gens à partager le programme, à se prendre en main ». D’autres se proposent d’initier des forums nationaux, comme ceux qui ont déjà eu lieu sur les retraites ou la VIe République. « Nous pouvons en faire un sur la culture, à La Courneuve », lance un adhérent communiste. « Nous sommes en train d’en monter un sur les droits des femmes », indique une militante du PG. Jean-Luc Mélenchon n’espérait-il pas que le Front de gauche « donne envie d’y aller »  ?

Mina Kaci