Georges Frèche, aujourd’hui décédé, a ridiculisé l’idéal et l’étiquette socialiste

dimanche 2 janvier 2011.
 

Georges Frèche est décédé. Un film paraît dont il est le héros. Mais ce n’est pas Frèche, ce film. Ce n’est pas son fantôme. C’est une construction narrative. Pour me faire comprendre je dirai qu’il était possible de faire deux ou trois films différents sur cet homme. Le proverbe africain dit « il y a bien des personnes dans une personne. » Je le crois. Je le sais d’expérience, comme chacun de vous le sait aussi, à son propre sujet. Il aurait pu donc y avoir autant de films différents que de Georges Frèche… Aucun d’entre nous ne peut dire qui il était. Ses proches qui le pleurent en avaient une présence chère. Mais nous ne sommes pas ses proches. Nous sommes ceux qui ont subi sa poigne. Je l’ai combattu et je ne suis pas le seul à gauche. Mes amis les plus proches l’ont défié devant les urnes. A la loyale, mais avec l’objectif clair et net de l’envoyer au tapis politiquement. Nous n’avons pas changé d’avis à son sujet.

Ce film est une continuation du fréchisme par d’autres moyens. Il suinte un venin de cynisme assez écœurant. Prétendument mis à distance, l’auteur colle aux aspects les plus décadents du fréchisme. Dès lors, ce film nuira à l’engagement politique davantage que des centaines de discours sur ce thème. Filmé sans recul, multipliant les gros plans qui forcent l’empathie reptilienne du spectateur, Georges Frèche est la vedette évidemment consentante d’un conte filmé en forme de remugle. Frèche ce n’est pas « le président ». Frèche, paix à ses cendres, c’est un voyou politique sans foi ni loi, une brute vulgaire qui ridiculise l’idéal et l’étiquette socialiste, un machiste bovin, un tyranneau féodal clownesque. Sa dernière campagne, la plus insupportable, est mise en scène comme dans un reportage exotique qui montrerait la vie des iguanes aux Galápagos. Sauf qu’il s’agit d’une région, de citoyens, de politique et même de socialisme.

Derrière la boursouflure fellinienne du féodal finissant il y a un espace public saccagé par le clientélisme et les coups tordus. Derrière le soi disant socialiste des centaines de gens honnêtes, dégoûtés de l’action politique, des milliers de fausses cartes, des votes truqués. La dernière profession de foi de Georges Frèche est un concentré de mépris pour la dignité du suffrage universel. Sur fond marron caca, huit mots creux d’un côté de la feuille et son portrait de l’autre. Une honte ! D’ailleurs le film se garde bien de présenter une seule des idées du programme fréchiste.

En ce sens ce film est bien dans la veine sensationnaliste qui a déjà vulcanisé le sens de la politique. La stratégie minable des dirigeants socialistes nationaux, face à lui, l’a aidé au-delà de tout ce qu’il pouvait espérer. Et dans cette dernière campagne peut s’en fallut que toute la gauche soit réduite à « l’hubris » fréchiste. Une transe délirante affrontant la pantalonnade des laissés pour compte du PS maintenu ! Le seul « président » qui était digne de cette élection c’est René Revol, maire de Grabels, le premier de la liste du Front de Gauche et du NPA. N’empêche : caresser un homme tel que Georges Frèche du bout d’une caméra frivole, c’est l’équivalent moderne, c’est-à-dire glauque et voyeuriste, des « dieux du stade » de Leni Riefenstahl. Vous savez ? C’est la cinéaste capable de passer des ostentations nazies aux jeux olympiques de 1936 dans sa jeunesse aux luttes des Dogons au soir de sa vie, qu’elle filma avec la même obscène indifférence idéologique et la même fascination esthétique.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message