1938 1940 L’union nationale munichoise est synonyme d’écrasement de la classe ouvrière

dimanche 18 août 2013.
 

L’union nationale est une politique qui a triomphé quand la classe ouvrière était vaincue et ses mandants les plus combatifs marginalisés ou écrasés, dans la phase des crises systémiques du capitalisme débouchant sur la guerre générale.

La première étape, celle de l’Union sacrée, fut mise en œuvre à l’été 1914. Le courant révolutionnaire de la jeune SFIO (1905) était alors assez amoindri pour que son chef, Jules Guesde, acceptât un strapontin ministériel, conservé jusqu’en 1916. Les héritiers du parti «  collectiviste  » ayant capitulé, le ministère de l’Intérieur se dispensa d’appliquer la répression prévue contre les militants révolutionnaires par son «  carnet B  ». L’Union sacrée seconda la boucherie impérialiste et renforça l’exploitation de la classe ouvrière, réalisée avec l’aval de ses délégués politiques et syndicaux  : y œuvrèrent la droite de la SFIO et les chefs de la CGT, tel Léon Jouhaux, son secrétaire général depuis 1909, qui contracta alors l’habitude des prébendes octroyées par l’État et le patronat aux délégués de «  l’aristocratie ouvrière  ».

La seconde étape, à l’ère «  munichoise  » (1938-1940), longtemps familière aux lecteurs du témoignage des survivants du chemin de l’honneur, tel Florimond Bonte (Paris, Éditions sociales, 1949 et 1970), a été oubliée depuis l’affaiblissement du communisme.

En pleine crise, le courant révolutionnaire incarné par le PCF et la CGTU n’avait pas cédé. Il avait même grandi, depuis 1934, devenant l’épine dorsale du Front populaire et animant les luttes sociales de 1936-1937 sous l’égide de la CGT, apparemment réunifiée en mars 1936. Le grand capital, aussi admiratif du «  modèle  » sociopolitique allemand que dans la présente crise, clamait que tout irait mieux quand «  Hitler viendra(it) mettre de l’ordre en France  ». Aussi efficacement qu’avant 1914, il séduisit la gauche réformiste, d’autant plus gagnée à la chasse aux rouges que la poussée «  collectiviste  » avait réduit son influence électorale et syndicale. Daladier, chef radical qui avait, après son fiasco de février 1934, assuré son «  retour  » de 1936 par un discours de «  gauche  » très «  anti-finance  » et anti-Comités des forges et des houillères, dirigea d’avril 1938 à mars 1940 un cabinet tout acquis à l’écrasement des salaires. Le grand capital et la droite régnèrent sous couvert du Parti radical, soutenu ouvertement par la droite de la SFIO de Paul Faure, officieusement par le reste du parti. Un régime de «  décrets-lois  » assimila la Chambre des députés française au Reichstag paralytique de Brüning (1930-1932).

Pour neutraliser les combatifs, isolés par l’échec de la «  grève générale  » de novembre 1938, il fallut réprimer  : communistes et «  unitaires  » (ex-CGTU) furent pourchassés et mis sous les verrous en vertu du décret d’interdiction du PCF du 26 septembre 1939, qui prit pour prétexte leur refus de condamner le pacte de non-agression germano-soviétique (23 août) – et fut formellement appliqué jusqu’à la Libération. En fait, Georges Bonnet, ministre radical des Affaires étrangères, avait le 1er juillet promis à Berlin au nom de Daladier que «  les communistes  » seraient bientôt «  mis à la raison  » et les élections générales, prévues pour mai 1940, suspendues, décision que Daladier rendit publique le 31 juillet 1939. La «  gauche de gouvernement  » nomma en mars 1939 Pétain ambassadeur auprès de Franco, laissa les factieux préparer leur putsch, réussi grâce à l’invasion allemande, et y apporta son soutien passif ou actif. La droite de la SFIO fut associée d’emblée à Vichy, CGT incluse  : le «  ministre  » potiche de la Production industrielle et du Travail, René Belin, successeur désigné de Jouhaux, signa le décret d’interdiction de la CGT en novembre 1940. L’opération ne lésa jamais, jusqu’à la fin du régime de Vichy, les prébendiers syndicaux, remplaçants autoproclamés des emprisonnés ou clandestins, auxquels le tandem patronat-État avait offert, dès octobre 1939, la suppression des élections syndicales qu’ils étaient incapables de remporter.

«  L’union nationale  » munichoise fut indissociable du sabotage de la guerre et du succès de l’invasion, donc de l’Occupation qui, entre autres, aggrava le sort des ouvriers et des employés français  : de 1940 à 1944, ils perdirent en moyenne 11 kg et 50 % de salaire réel.

Annie Lacroix-Riz


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