Aujourd’hui, élection présidentielle au Vénézuéla : les maldéveloppés, c’est nous !

dimanche 3 décembre 2006.
 

La publication des sondages est interdite depuis dimanche dernier. La propagande télévisée l’est depuis ce matin. La commission électorale nationale, institution constitutionnelle autonome et indépendante surveille et sanctionne à tour de bras ceux qui ne respectent pas à la lettre les règles qu’elle énonce, si je comprends correctement ce que je lis et que je crois ce que m’ont dit ses représentants ce matin. De plus 214 tribunaux pénaux sur les 782 que compte le pays seront ouverts toute la journée du vote pour trancher les litiges et plaintes qui pourraient surgir dans la journée du vote.

De son côté le directeur général de Globovision a proclamé qu’il n’avait pas du tout l’intention d’annoncer le résultat du vote avant la commission électorale nationale et à son tour il a demandé la présence d’observateurs dans ses murs pour vérifier l’éthique de son comportement. En fait, les élections au Vénézuéla sont parmi les plus surveillées du monde avec plus de 300 observateurs internationaux et ceci du fait du gouvernement qui n’y est nullement obligé. Car aucune institution internationale n’a dénoncé quoi que ce soit concernant la démocratie dans ce pays.

Le président de la commission des affaires étrangères du parlement espagnol avait donc tort dans ses reproches hier à la présidente de la Commission électorale nationale, Lucena Tibisay. Il regrettait qu’une délégation d’observateurs parlementaires espagnols n’ait pas été acceptée. Elle lui répondit qu’aucun parlement en tant que tel n’avait été invité et qu’au demeurant aucun n’avait demandé à l’être, pas même l’espagnol.... Un ange est passé.

Ce matin les autorités concernées installaient les trente deux mille deux bureaux de vote du pays. Ce sera le vote le plus automatisé de l’histoire électorale du Venezuela. Nous, les observateurs avons passé la matinée en conférence à ce sujet. La commission nationale électorale nous présentait le système de vote électronique actuel. Il se trouve que je suis très sceptique à propos des machines à voter. En France chaque fois qu’il en a été question j’ai toujours été très froid. J’ai donc écouté avec une attention particulière tout ce qui nous a été exposé ce matin et les réponses aux questions qui ont été posées ensuite avec une certaine pugnacité de la part de nombre des observateurs rassemblés. Puis je suis allé faire une Démonstration et test des machines à voter

Et même deux, car il m’est venu des idées en faisant la première démonstration. J’ai donc joué un rôle sur mesure : celui du maladroit qui se trompe à toute les étapes en n’appuyant pas sur le bon bouton ou sur la bonne case. La machine est préparée à ça... Le gars qui me faisait la seconde démonstration beaucoup moins. J’ai bien vu qu’il se demandait où on avait pu dénicher un type pareil...

En fait il s’agit d’un système de vote avec double comptage. On vote électroniquement. A chaque étape un écran projette en format géant ce que vous avez fait et vous demande si c’est bien ça que vous voulez. Puis une fois tout confirmé, la machine vous donne un reçu anonyme de votre vote mentionnant pour qui vous venez de voter. Ce reçu vous le déposez dans l’urne qui est là, exactement comme un bulletin de vote. Une fois le vote achevé et la centralisation électronique opérée automatiquement des vérifications par comparaison sont faites.

Cette fois ci 54 % des machines seront vérifiées après le vote par l’audit de contrôle. Ces machines seront choisies aléatoirement. Je passe tous les détails innombrables de contrôle. A cette heure c’est moins la fiabilité du système électronique qui me laisse perplexe que son utilité. Pourquoi faire tout ça ? Mais je reconnais que cette question peut-être posée à propos de la plupart des mécanisations de processus hier réalisés sans technologie. De toute façon, en général, s’agissant de votes on peut poser comme règle que moins il y a d’intervention de tierce personne entre l’électeur et son bulletin de vote, plus sûr est le décompte. Si la machine est absolument fiable alors la méthode appliquée ici est fascinante.

Franchement chaque étape ayant été décortiquée, je dois reconnaître que je suis moins sûr de ma méfiance à cette heure. Mais on aura compris que dans tout cela je pense davantage à mon pays qu’à celui-ci. Je suis dans mon mandat cependant. J’estime en effet que c’est la bonne façon d’être vigilant et bien dans la fonction d’un observateur sans complaisance. Je ne supporterai rien ici que je ne supporterai pas aussi chez nous. Et l’inverse.

Bonne façon de dire que nous aurons sans doute pas mal à apprendre de ce qui se fait ici, en matière d’organisation de la démocratie. Depuis l’idée d’une commission nationale électorale autonome et indépendante du ministère de l’intérieur, organisatrice et garante des élections jusqu’aux diverses disposition de la Constitution favorisant l’intervention des citoyens dans les processus de décisions politiques... Je rappelle que nous sommes ici dans la Caraïbe mal developée et non dans un canton suisse. Et pourtant, dans ce cas, les maldéveloppés, c’est nous !


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message