Comment l’ Australie tourne le dos aux demandeurs d’asile

dimanche 12 décembre 2010.
 

En Australie l’immigration clandestine fait depuis plusieurs mois la une des journaux. En septembre le débat avait été relancé par la campagne électorale de la Coalition, principal parti de droite du pays. Il s’est focalisé sur les demandeurs d’asile venus par bateaux de la zone pacifique, suggérant que ceux ci arriveraient de plus en plus massivement pour profiter de l’aide généreuse accordée par le pays. "Stop the boats !", disait le slogan. Le Parti travailliste remporta de justesse les élections, et Julia Guillard devint Premier Ministre. En annonçant alors la création de nouveaux centres de rétention sur le territoire australien, elle a provoqué la colère de riverains, furieux de n’avoir pas été consultés. Pourquoi aider des étrangers arrivés illégalement alors que des australiens dorment dans la rue.. Pourquoi ces personnes dépendraient elles de la responsabilité du pays.. Mais tout simplement parce que l’Australie est, comme la France, signataire de la Convention pour les réfugiés !

Contrairement aux idées reçues, les réfugiés ne forment qu’un faible pourcentage de l’immigration totale, et parmi ceux-ci la majorité a été sélectionnée par l’ONU (Haut Commissariat aux Réfugiés) directement dans leur pays d’origine. Les demandeurs d’asile clandestins représentent donc une minorité. Parmi ceux ci, certains sont arrivés par avion, parfois avec un visa temporaire arrivé à expiration (visa d’étude..). Difficile alors de juger honnête la stigmatisation des seuls "boat people", ces demandeurs d’asile arrivés par bateaux, dont le nombre fluctue plus qu’il n’augmente et dont les demandes sont plus souvent jugées légitimes que celles des candidats arrivés par avion. Le problème serait-il alors seulement politique ?

La volonté australienne de repousser loin de son sol la mauvaise conscience de "l’Occident" s’était traduite il y a quelques années par la "Pacific solution", la détention des immigrés clandestins dans des centres de rétention construits sur des îles du Pacifique comme la République de Nauru, en échange d’une aide financière au développement. Ce procédé, qui se rapproche des "accords de réadmission" que nous connaissons en Europe, a également pour intérêt de limiter les droits des détenus (impossibilité d’intenter un procès à l’État australien,..). Lancé par la droite en 2001, puis abandonné par la gauche en 2007, il ressurgit lors de la campagne électorale, lorsqu’en réponse au débat sur les "boat people" Julia Guillard assurait à ses électeurs la construction d’un centre de rétention au Timor oriental dans des dispositions similaires. Le Timor oriental refusa. Mais dans son discours, ce gouvernement de gauche ne renonce clairement pas à la "Pacific solution" : la réouverture du centre de Nauru serait subordonnée à la ratification par ce pays de la Convention pour les réfugiés, mais reste envisageable, et l’idée d’un centre au Timor oriental est encore défendue.

Aucune de ces politiques n’apporte de réponse cohérente et juste aux devoirs de l’Australie vis à vis des réfugiés et des demandeurs d’asile. Depuis 2002 l’Australie fait partie du processus de Bali, une organisation gérant les flux migratoires dans la zone Pacifique dans le but louable de répartir l’effort d’accueil et de lutter contre le trafic d’humains. Mais concrètement, ce pays se montre de plus en plus prudent dans l’octroi du statut de réfugié : récemment les demandes des Afghans et des Sri-Lankais ont été gelées pendant de longs mois le temps de réexaminer la situation dans leur pays d’origine. Pire, désormais les personnes arrivées illégalement sur certaines îles de l’Australie ne peuvent seulement prétendre à un visa de réfugié qu’après une enquête préliminaire, la décision finale étant à la discrétion du ministère. Ces précautions ont un coût logistique, puisqu’un plus grand délai d’examen augmente le nombre de détenus, et donc le nombre de centres de rétention nécessaires. Le prix de ces précautions est également humain. Ces détenus, principalement masculins (les enfants et leurs familles sont autant que possible détenus ailleurs), arrivent souvent déjà traumatisés. Ils patientent des mois en prison sans loisirs, sans travail, et avec plus ou moins d’espoirs. Mi-novembre, dix hommes détenus sur l’île Christmas (territoire australien) se sont cousus les lèvres à l’annonce du suicide d’un Irakien au centre de rétention de Villawood, près de Sydney. Sa demande d’asile avait été refusée deux fois cette année. Le cas n’est pas isolé : en septembre, un citoyen des îles Fidji (une dictature militaire) s’est donné la mort du toit de ce même centre, déclenchant une vague de manifestations et de grèves de la faim dans les centres du pays. Il est parfois supposé que l’État australien ferait du chantage aux "demandeurs" osant demander plus : pas de silence, pas de visa. Quoi qu’il en soit, les manifestations finissent généralement par cesser sans résultat, relayées par une certaine presse comme des tentatives d’obtenir un traitement de faveur. Cette interprétation n’est pourtant pas cohérente avec le contexte d’émergence de ces protestations.

Ce que disent ces détenus est pourtant simple : "Nous sommes venus ici chercher la liberté ! Pourquoi nous traitez-vous ainsi ?". Et là bas comme en France, si certains citoyens perçoivent les devoirs de leur État envers les réfugiés et demandeurs d’asile comme une trahison, cela ne révèle-t-il pas leur soif de justice, plus que leur rejet véritable et définitif de ceux qui pourraient, demain, devenir légalement leurs voisins ?

Le Parti de Gauche condamne cette aspect de la politique migratoire de l’Australie et considère que garantir un accueil digne et responsable à chacun de ses demandeurs d’asile est un devoir d’État que les batailles politiques ne devraient jamais occulter. Plus radicalement, il prône entre autres, la création par l’ONU d’un tribunal international permettant de´faire respecter partout les droits des réfugiés et migrants, ainsi que la reconnaissance du statut de réfugié climatique.

L. B.


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