Les soubresauts de la zone euro

jeudi 9 décembre 2010.
 

Il n’a pas fallu longtemps pour que le sauvetage de l’Irlande (ou plus exactement de ses banques) se transforme en tout autre chose. Dimanche dernier, l’Union Européenne a annoncé la création d’un fonds européen de stabilité financière, outil permanent et tout azimut. Car c’est maintenant la solidité de la zone euro tout entière qui est « testée » par les marchés. Le scénario qui guide les acteurs financiers qui ont besoin d’anticiper les mouvements que réaliseront leurs voisins est celui d’une spéculation contre l’Espagne suivie sans doute de la défaillance du pays. Face à ce panurgisme, les récents chiffres faisant état d’une baisse de 50 % du déficit public espagnol ne comptent guère. D’autant que Zapatero est toujours prêt à se mettre à genoux devant la finance, ce qui en fait une proie facile. L’Espagne pèse 10 % du PIB européen. La facture d’une intervention concertée serait supérieure à celle de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal réunis. De quoi mettre la zone euro à rude épreuve. Dans ce cadre, nul ne peut ignorer l’hypothèse de son éclatement. Il sera à son tour prévu, donc encouragé. Car, dès lors que la finance a les mains libres, on sait que ses prévisions sont souvent « autoréalisatrices » : du fait du mimétisme des acteurs financiers et des conséquences de leurs décisions sur l’économie réelle, le simple fait de parier sur un événement le fait advenir. Ajoutons au tableau qu’elle pourrait aussi avoir intérêt au naufrage de l’euro. Ce serait en effet un moyen efficace de rétablir par défaut la crédibilité du dollar sans que les Etats-Unis aient à remettre en cause les injections massives auxquelles ils procèdent pour tenter vainement de relancer leur économie.

Cette subite accélération de la crise de financement des États a fait éclater en quelques heures le décor en carton pâte du traité de Lisbonne. Le président de l’Union Européenne, parlant-enfin-d’une-seule-voix, est invisible, inaudible, insignifiant. Le point de vue hier incontournable des États d’Europe centrale et orientale, et plus généralement des « petits pays », compte pour du beurre : chacun scrute les décisions des poids lourds de la zone euro, France et Allemagne, garants en dernier ressort de la solidité financière de toute la zone. Ce ne sont donc pas les règles impersonnelles du marché qui lui permettent d’encaisser les chocs, mais bien les réalités étatiques auxquelles il s’adosse. Les logiques propres à chaque nation, que l’on avait pris coutume de ne plus analyser, jouent un rôle déterminant. La thèse de l’autonomie du marché où règne la concurrence libre et non faussée, qui forme la colonne vertébrale du traité de Lisbonne, est totalement invalidée. Dès lors, la politique est fondée à faire son retour. Le soutien public accordé aux banques et au secteur financier leur interdit de s’exonérer de tout respect de toute considération d’intérêt général. Or, passés les moulinets verbaux sur la limitation des bonus et la moralisation du capitalisme, rien de concret n’a été entrepris. Au contraire, avec la prise en charge quasi inconditionnelle de leur dette envers les États, la preuve a été faite de la primauté des banques sur les gouvernements à l’ère du capitalisme financier transnational. C’est donc ce cadre qu’il faut remettre aujourd’hui en cause, si l’on tient un tant soit peu à la primauté de l’intérêt général et à la souveraineté populaire. La définanciarisation est une exigence absolue sur tous les plans, économique, social et politique.


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