Lettre de Gauche Unitaire au Parti communiste français et au Parti de Gauche

lundi 6 décembre 2010.
 

Le bureau national de Gauche Unitaire

Au comité exécutif national du Parti communiste français

Au secrétariat national du Parti de Gauche

Chers Camarades,

Les dernières semaines ont vu l’irruption du mouvement social le plus puissant et le plus porteur de renouveau que la France ait connu depuis Mai 68. Au cœur de cette lame de fond, se seront exprimés l’exigence d’une autre politique et, portant jusqu’au bout le front syndical exceptionnel que l’on sait, le désir d’unité du salariat.

Non seulement, la mobilisation populaire n’a pas été défaite, même si elle n’est pas parvenue à imposer le retrait de la loi Sarkozy-Woerth, mais elle a ouvert une crise politique majeure à la tête du pays. Le sarkozysme se retrouve en pleines turbulences, comme en atteste la pantalonnade du dernier remaniement ministériel. Nous nous trouvons, par conséquent, devant la perspective d’accélérations inopinées, de tournants brusques, de grands moments de tension.

Ainsi que nos trois formations l’ont indiqué à l’unisson, la réponse politique à une telle situation ne saurait attendre 2012. L’illégitimité de la majorité parlementaire et du gouvernement est un appel à battre la droite par la rue et dans les urnes. Elle pose à gauche la question d’une majorité et d’un gouvernement tournés vers la satisfaction des aspirations et besoins populaires, en rupture avec les dogmes libéraux et capitalistes. Le décalage apparu entre l’exigence d’un changement de politique, portée par la rue ou la grève, et l’absence d’alternative politique à la hauteur des questions posées n’en est que plus préoccupant.

Le Front de gauche lui-même n’a pas suffisamment su faire preuve d’initiatives depuis les premières journées syndicales de septembre.

Le lancement du processus d’élaboration de notre « plate-forme partagée » est demeuré bien trop déconnecté des urgences mises à l’ordre du jour par la tourmente sociale et politique à présent ouverte. Quoique très largement convergentes, et en dépit d’apparitions généralement communes à l’occasion des manifestations, nos expressions sont demeurées par trop parallèles. Nous ne sommes parvenus ni à tenir les initiatives marquantes qui auraient été nécessaires à la visibilité du Front de gauche, ni à proposer au reste de la gauche les prises de position ponctuelles qui auraient pu aider à la dynamisation politique de l’affrontement avec la droite. De même, notre réponse est restée, du moins à nos yeux, largement en deçà de ce qu’appelait l’illégitimité devenue patente du pouvoir. Nous vous avons plusieurs fois sollicité, sur ces points, au sein du comité de liaison.

C’est la raison pour laquelle il nous apparaît aujourd’hui indispensable de passer à la vitesse supérieure. Sans nous paralyser nous-mêmes par une polarisation sur la seule question de notre candidature à l’élection présidentielle, mais en ayant prioritairement le souci de faire preuve de réactivité.

Selon nous, le Front de gauche doit d’abord s’identifier par sa volonté de se hisser au niveau des attentes que les classes populaires et la majorité des citoyens viennent de manifester. De se montrer à la hauteur de l’aspiration unitaire que vient d’exprimer la mobilisation populaire. De situer son ambition, non à la gauche de la gauche ou à sa marge, mais en son cœur même. De se tourner sans frilosité, vers le peuple de gauche tout entier. De travailler à faire bouger les lignes au sein de la gauche, afin qu’y prévale enfin une logique résolument déterminée à affronter les intérêts dominants. De devenir, en quelque sorte, l’aile marchante d’une gauche digne de ce nom.

Nous nous permettons d’insister sur ces points : le contexte actuel diffère substantiellement de celui des élections européennes ou régionales de 2009 et 2010. La volonté d’en finir avec le sarkozysme ne cesse de grandir dans le pays. Elle nous fixe pour devoir de porter une offre politique cohérente, destinée tout à la fois à permettre le rassemblement nécessaire pour battre la droite et à ouvrir le chemin d’une authentique alternative de pouvoir. Dit autrement, notre Front de gauche se doit de faire la démonstration que la gauche ne peut répondre au désir d’unité qu’a manifesté le mouvement social et conquérir une majorité populaire que sur une ligne de rupture avec le libéralisme et le productivisme. C’est avec cette préoccupation qu’il lui faut engager publiquement le débat, sur la base de ses propositions, avec l’ensemble des forces de la gauche. Non pour servir d’aiguillon de celle-ci, mais pour en devenir le moteur et y changer la donne. Nous devons affirmer avec force que la seule manière pour la gauche de gagner est de se tourner vers les classes populaires et donc de se libérer des politiques de rigueur qui font payer la crise aux peuples, comme en Grèce ou en Espagne et dont le Front de gauche n’entend pas être le supplétif, Pierre Laurent, Jean-Luc Mélenchon ou Christian Picquet l’ont tous les trois répété au Mans, le 21 novembre dernier.

Pratiquement, dans le cadre du travail engagé en vue de la « plate-forme partagée », le Front de gauche doit s’enraciner sur le terrain, en suscitant un processus d’appropriation populaire de sa démarche. Il lui faut concrétiser sa volonté d’élaboration commune d’une véritable alternative avec toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans sa démarche. Cela concerne particulièrement ces forces issues du mouvement social, syndicalistes et acteurs associatifs, qui se sont battus ces dernières semaines contre la politique de Nicolas Sarkozy. De même, la manière la plus efficiente d’intégrer de nouvelles composantes politiques au Front de Gauche consiste à finaliser le document-cadre que nous avons mis en chantier depuis plusieurs semaines. Celui-ci doit définir les bases politiques du Front de gauche, afin que les élargissements que nous appelons de nos voeux s’opèrent réellement sur la base d’une cohérence programmatique et stratégique partagée.

En cohérence avec une démarche que nous vous proposons d’affiner ensemble, il nous apparaît indispensable que le Front de gauche se fasse porteur des propositions phares que devraient immédiatement engager un gouvernement et une majorité de rupture sociale et démocratique.

Ces propositions, nous les avons déjà formulées les uns et les autres : rétablissement de la retraite à 60 ans et à taux plein ; redistribution des richesses grâce à une politique fiscale taxant lourdement les profits et les revenus financiers ; réappropriation publique du système bancaire et des secteurs d’activité correspondant à des besoins vitaux de la population ; instauration d’une grande politique de planification écologique, pour lutter efficacement contre les dégâts du productivisme ; processus constituant visant à en finir avec la monarchie présidentielle et à jeter les bases d’une VI° République, démocratique et sociale ; sortie du traité de Lisbonne, pour desserrer l’étau de l’austérité qui saigne à blanc les peuples de toute l’Europe.

Les premiers forums nationaux que nous avons planifiés posent des jalons de ce travail. Il leur faut trouver leur prolongement dans un programme partagé et dans une stratégie partagée.

Une rencontre de nos directions respectives, d’ici la fin de l’année, avec leurs premiers dirigeants respectifs, pourrait traiter de ces questions et serait de nature à marquer symboliquement l’entrée du Front de gauche dans une nouvelle étape de sa construction. Elle nous permettrait de prendre une initiative politique forte marquant l’ouverture à grande échelle, dans le pays, du débat sur l’alternative politique indispensable.

Cette rencontre devrait être préparée par une très prochaine réunion élargie du comité de liaison.

Telles sont, au vu des problèmes constatés dans la dernière période, les réflexions dont nous voulions vous faire part.

En vous en souhaitant bonne réception et en l’attente de votre réponse, soyez assurés, Chers Camarades, de nos plus fraternelles salutations militantes.

Le bureau national de Gauche Unitaire

Saint-Ouen, le 25 novembre 2010


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