Le cas d’Audrey Pulvar et la tentation permanente des médias à empiéter sur la vie privée

samedi 4 décembre 2010.
 

Je ne suis pas d’accord avec la décision prise à propos d’Audrey Pulvar.

J’estime qu’une jurisprudence insupportable s’installe : une personne serait inapte à faire son métier correctement du fait de l’activité de son conjoint. Le cas est spécialement lamentable ici. Je lis dans le journal « Le Parisien » que la décision ne signifierait aucune suspicion ni prévention à l’égard de madame Pulvar. Ce serait seulement le risque qu’un invité vienne lui reprocher sa vie privée qui serait la cause de la décision. Le directeur de la rédaction, Albert Ripamonti aurait déclaré selon « Le Parisien » : « « imaginez qu’en direct un élu vienne lui balancer dans les gencives ses relations avec un candidat à la présidentielle… Ce serait destructeur ! » Je pense que ce directeur se trompe. Il attribue aux élus et aux débatteurs d’une façon générale les mœurs désastreuses de sa profession qui a en effet beaucoup de mal à respecter vie privée des personnalités politiques. Ce ne sont pas les élus qui achètent les photos des paparazzis, ni eux qui publient des informations sur les journalistes qui les interrogent. Sauf moi, bien sur, qu’on se le dise, car je suis près à publier en représailles jusqu’au prix du repas de communion du premier journaliste qui se mêlerait de près ou de loin de ma vie privée. En attendant, au cas précis, l’idée qu’une femme soit inapte à faire son métier du fait de l’activité de son compagnon est une affreuse régression intellectuelle et un recul lamentable pour la cause de l’égalité. Que les êtres humains soient influencés par leurs engagements affectifs et même par leur environnement est vrai, cela va de soi. Mais précisément, leur personnalité, et même surtout leur citoyenneté, se construit dans la capacité à se mettre intellectuellement à distance de leurs conditionnements et de leurs préjugés. Affirmer que quelqu’un en serait incapable c’est le traiter comme un enfant. Car les enfants, en effet, se distinguent notamment des adultes sur ce point du fait qu’ils sont des personnes en construction sur les aspects essentiels de leur personnalité.

Je crois que madame Pulvar ne doit pas être traitée comme une enfant mais comme une adulte. Si bien qu’elle seule est qualifiée pour dire si l’exercice de son métier est empêché ou rendu plus difficile dans le contexte matrimonial qui est le sien. Parmi tous les conditionnements qui s’exercent sur elle comme sur tout être humain pourquoi avoir décrété que ses sentiments à l’égard de son compagnon annuleraient la perception que les autres ont de son autonomie de pensée ? Parce qu’elle est une femme. Il n’y a pas d’autres réponses suggérées par cette décision. Cela rappelle cette déclaration de Jean-Marie Le Pen qui avait déclaré, à l’occasion d’une rupture politique avec l’une de ses filles, qu’il était normal qu’entre père et mari une femme choisisse toujours son mari. Alors qu’il s’agissait de choix idéologiques et comme si les femmes étaient incapables de choix personnels autonomes. Si je cite Le Pen, ce n’est pas pour rendre infâme son jugement du seul fait de ses idées dans d’autres domaines. Je veux juste souligner que cette façon de voir est très typique du vieux conservatisme qui s’appuie sur une vision de la vie où les êtres ne peuvent jamais être davantage que ce que leur supposée condition naturelle est censé leur assigner : noir, blanc, homme, femme, fort, faible. Je ne dis pas que ceux qui ont pris la décision à propos d’Audrey Pulvar l’aient fait au nom de considérations consciemment sexistes. Non. Je crois au contraire qu’ils ne s’en sont même pas rendu compte. Dès lors ils ont eux-mêmes prouvé que les conditionnements les plus puissants sont ceux dont on ignore qu’ils sont à l’œuvre en soi.

Connaitre ses déterminismes permet de les maitriser ou de les mettre au service de ses choix de vie. Les ignorer c’est en être esclaves au sens littéral, c’est-à-dire ne pouvoir en être maitre d’aucune façon. Pour ma part, je suis davantage inquiet des raisonnements que suggèrent à un journaliste le niveau de sa paye que ses amours. Je crois que les médiacrates sont incapables de se mettre à distance de leur réflexes d’appartenance de classe comme l’a prouvé le comportement de David Pujadas en face de Xavier Mathieu, parce qu’ils sont persuadé que leur réaction sont libres et non faussées puisque leur origine est cachée à leur yeux. Je crois que la sympathie politique fausse la qualité du travail journalistique quand elle est cachée. Madame Myriam Lévy, quand elle était journaliste à L’AFP, ou au Parisien devait déjà être dans les idées qui lui ont permis ensuite de diriger depuis 2007 toute la communication du premier ministre. On pourrait citer d’autres noms. Cela compte davantage à mes yeux, pour soupçonner ce qu’elle faisait alors, que de savoir avec qui et comment elle vit ses sentiments amoureux. De même je récuse qu’une journaliste, femme de policier, soit inapte à parler de délinquance. Et que, si elle n’a pas d’enfant, elle ne puisse parler de puériculture. Et ainsi de suite, pour l’un et l’autre sexe. Raison pour laquelle je crois, pour finir, que la décision prise à propos d’Audrey Pulvar est une grande régression. D’autant plus grande que la scène est publique et qu’elle est donnée à voir comme l’expression d’un comportement éthique alors qu’il s’agit de l’exaltation d’un préjugé inconscient directement enracinée dans l’idéologie patriarcale. Car cette décision ne voit que la compagne en elle, là ou il ne faudrait voir que la professionnelle. Et ceux qui n’ont vu que cela ne se sont pas rendus compte qu’ils mettaient en œuvre la forme d’aveuglement qu’il craignait de lui voir reprocher à elle. Cela s’appelle un préjugé. Madame Pulvar est victime d’un préjugé…

Je dis ce que je dis sur la tentation permanente des médias à empiéter sur la vie privée des personnes engagées dans la vie publique. Je le dis, instruit que je suis par ce même journal « Le Parisien » à mon sujet. Ce journal en effet fit mon portrait d’une façon spécialement obviée sur deux pages à charge. Se régalant de pouvoir dire que « ma compagne » était « dans les coulisses » de l’émission « vivement dimanche », invention pure et simple, qui n’eut pour effet que d’embarrasser les femmes qui s’y trouvait en effet. Puis, se croyant bien inspiré, après avoir relevé mon refus de répondre à madame Lapix à propos de ma supposée appartenance à la franc maçonnerie, de « révéler » mes soi disant fonctions dans la dite association d’après d’impossible confidences d’un soit disant membre de cette respectable association. Les gens de presse franc maçons ont apprécié, j’en suis certain. C’est évidemment un viol manifeste de ma volonté sur ces sortes de sujets de ne jamais exposer le moindre signe d’appartenance religieuse ou philosophique aussi longtemps que je serai élu. En agissant de cette façon provocatrice, il s’agit de me pousser à démentir ou à confirmer c’est-à-dire dans les deux cas à me déjuger.

Je le répète ici et je mets en garde une fois de plus s’agissant de moi : il est interdit de parler d’une quelconque façon des miens ou de quoi que ce soit à mon sujet qui concerne si peu que ce soit ma vie privée. Non parce que j’aurai quelque chose d’indigne à cacher. Mais pour deux raisons. La première est que selon moi un élu en République est l’élu au nom de tous. Il est élu lui et non sa famille. De plus, il ne doit d’aucune façon marquer une appartenance autre que politique puisque c’est sur elle et elle seule que porte le vote de ses concitoyens. Il doit donc s’interdire scrupuleusement toute ostentation concernant sa vie privée dans tous les aspects de celle-ci. Et notamment pour celles qui pourraient induire qu’une décision est prise au nom d’autres considérations, que celles exposées en public. Seconde raison : les êtres qui m’entourent et me sont chers restent libres et ne doivent pas être assujettis à mes choix et activités. Ils ne m’imposent rien et je ne dois rien leur imposer de plus que ce qu’ils subissent déjà du fait de l’impudence ordinaire de la vie médiatique et publique.


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