Sarko : le Robin des bois qui prend aux pauvres pour donner aux riches (suppression de l’ISF)

vendredi 3 décembre 2010.
 

1) La droite veut imposer la fin de l’ISF

Plus que jamais au service 
des riches, 
le gouvernement conditionne 
la suppression du bouclier fiscal, perçu comme 
une injustice, 
à celle de l’impôt de solidarité sur la fortune. Un nouveau cadeau, doublé de nouvelles mesures 
pour faire payer les classes 
moins aisées.

À la différence de Robin des Bois, la droite pille le tronc des pauvres pour donner aux riches. C’est encore plus flagrant depuis que Nicolas Sarkozy, auto-intronisé « président du pouvoir d’achat », a été démasqué : il n’est que le « président des riches ». Même lorsqu’elle maquille son forfait sous couvert de « justice sociale », en prétendant taxer davantage le capital. Ainsi en va-t-il de la réforme de la fiscalité en cours.

La droite annonce la disparition du bouclier fiscal, justement désigné comme un cadeau aux plus riches. Liliane Bettencourt, troisième fortune de France, n’a-t-elle pas bénéficié en 2008 d’un remboursement de trente millions d’euros à ce titre ? Au sortir d’un mouvement social, la droite fait mine d’entendre le peuple criant à l’injustice. Mais dans le même temps, elle en profite pour remettre sur le tapis une vieille idée conservatrice : la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), comme si les deux idées se valaient. Comme si bouclier fiscal et l’ISF participaient de la même injustice. Tant pis si, d’après un sondage BVA publié le 20 novembre par les Échos, 45% des Français sont opposés à ces suppressions.

Dix millions de Français ciblés

Avec la suppression du bouclier fiscal, l’État ferait l’économie de 679 millions d’euros (distribués à 18 764 contribuables en 2009). Or, celle de l’ISF est censée rapporter 3,9 milliards d’euros en 2011. La surtaxation des revenus et plus-values du patrimoine « ne pourra compenser le manque de rentrées fiscales dû à la suppression de l’ISF », souligne l’UMP Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat. Selon lui, « il est possible » de « reformuler » l’imposition du patrimoine et de « créer des compensations qui alourdiront la fiscalité de ceux qui engrangent le plus de revenus ». Aménagement qui ne sera pas retenu, car ne cadrant pas exactement avec le dogme formulé par Nicolas Sarkozy : « Il vaut mieux taxer les revenus du patrimoine et les plus-values du patrimoine. »

Pour justifier la disparition de l’ISF, un nouvel impôt sur le patrimoine, destiné à le remplacer, serait levé. « Au lieu de se fixer sur la détention du patrimoine », il prendrait pour cible « les revenus, les dividendes, les plus-values sur ce que rapporte un patrimoine », expliquait difficilement la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, sur France Inter, le 18novembre. La mesure aurait pu se doubler de la création d’une nouvelle tranche d’impôt sur les hauts revenus, mais le chef de l’État en a refusé l’idée, sur laquelle planchaient pourtant des experts de Bercy.

Avec la fin de l’ISF, « les contribuables pourraient perdre d’un côté ce qu’ils gagnent de l’autre », même le Figaro l’écrit. La suppression qui « profitera à ses 560 000 redevables actuels, risque en effet d’être « payée » par une classe moins aisée ». Soit dix millions de Français bénéficiaires de revenus d’actions, de Sicav, etc., selon le Syndicat national unifié des impôts.

Grégory Marin

2) Jean-Claude Sandrier « Le peuple paiera l’impôt des riches »

Jean-Claude Sandrier, député PCF, donne son opinion sur la suppression de l’ISF 
et évoque la proposition de loi défendue par son groupe à l’Assemblée nationale.

Nicolas Sarkozy vient d’annoncer la fin du bouclier fiscal et de l’impôt sur les grandes fortunes (ISF). Quelle est votre réaction  ?

Jean-Claude Sandrier. C’est une véritable provocation et un hold-up au profit des plus riches. Il recule sur le bouclier fiscal car la majorité des Français le considèrent comme injuste. Mais il le fait en offrant un cadeau aux grandes fortunes, la suppression de l’ISF. Avec le bouclier fiscal, les riches payaient 700 millions d’euros  ; avec la fin de l’ISF, ils vont économiser 4 milliards. Différence au profit des riches : 3,3 milliards d’euros. Pour combler ce trou, il veut taxer, non plus comme avec l’ISF, le patrimoine, mais les revenus du patrimoine. Ainsi, ce qui était payé, hier, par les riches, le sera demain par un grand nombre de Français. En effet, les revenus du patrimoine commencent avec le livret A, que le gouvernement affirme aujourd’hui ne pas vouloir toucher, mais aussi les différents plans d’épargne (logement, retraite…). De plus, taxer les revenus du patrimoine, plutôt que le patrimoine, va encourager les plus fortuné à placer leur argent dans des biens (résidences secondaires, œuvres d’art…) qui échapperont à l’impôt.

Le gouvernement veut réformer notre système fiscal, quelle est votre appréciation ?

Jean-Claude Sandrier. La Déclaration des droits de l’homme stipule que l’impôt est une contribution commune également répartie entre les citoyens en fonction de leurs facultés. La justice fiscale, c’est quand l’impôt est proportionnel à ce que l’on gagne. Au fil des décennies, la part de l’impôt sur les revenus dans les recettes de l’État a baissé jusqu’à ne plus représenter que 16,8 %. La TVA, que chacun, riche ou pauvre, paie de la même façon sur tout bien de consommation, l’a remplacé. Première injustice. Le taux de l’impôt sur les sociétés était, il y a quelques années, de 33 %. Aujourd’hui, pour les PME, il oscille entre 25 et 30 % ; pour les grandes entreprises du CAC 40, il est de 8 %. Nouvelle injustice.

Les partisans de la suppression 
de l’ISF avancent souvent l’argument 
de l’emploi. Qu’en est-il ?

Jean-Claude Sandrier. L’ensemble des niches fiscales et sociales accordées aux entreprises représente 172 milliards d’euros. Comparé aux recettes fiscales de l’État, 272 milliards d’euros, c’est colossal. Un rapport de la Cour des comptes révèle que les trois quarts de ces exonérations n’ont, en aucun cas, servi au développement de l’emploi.

Quels sont les objectifs de votre proposition de loi pour une nouvelle fiscalité que vous défendrez le 2 décembre à l’Assemblée nationale  ?

Jean-Claude Sandrier. Le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, affirme que la montée des inégalités est à la source des crises. Aller vers plus de justice sociale et fiscale, c’est donc mettre un peu plus d’humanité et s’attaquer aux causes de la crise. Parmi nos propositions, celle que l’impôt sur les sociétés soit modulé. Plus fort pour celles qui versent des dividendes aux actionnaires, moins fort pour celles qui réinvestissent dans l’emploi. Nous proposons également que notre pays lutte véritablement contre les paradis fiscaux grâce à des mesures contraignantes concrètes. Par ailleurs, aujourd’hui, il existe cinq tranches d’impôt sur les revenus avec des différences importantes entre elles. Nous proposons d’en créer neuf et, pour la plus haute, de revenir à son niveau antérieur, soit 54,8 % et non 40 % comme c’est le cas actuellement. Il faut revaloriser l’impôt sur les revenus, non en faisant payer d’avantage les ménages, mais en mettant sérieusement à contribution les hauts revenus, dont une étude montre qu’ils ne paient d’impôts, grâce aux différentes exonérations, que sur 20 % de leurs revenus.

Entretien réalisé par 
Max Staat

3) Les trois gros mensonges de la droite 
sur l’impôt sur la fortune

L’ISF est-il « confiscatoire » ?

À en croire la droite, l’ISF s’apparente presque à une confiscation orchestrée par l’État. Sauf qu’entre 1988 et 1991, déjà, les gouvernements socialistes l’avaient plafonné à 70 % puis à 85 % des revenus annuels, limitant ainsi son montant. À tel point qu’en 1996, Alain Juppé instaura « un plafonnement du plafonnement », en clair : la remise d’impôt consentie au-delà des 85 % de revenus ne pouvait plus excéder une somme forfaitaire. Par la suite, la droite fera sauter tous les cadres législatifs en instaurant le bouclier fiscal à 60 %, puis 50 % des revenus.

L’ISF favorise-t-il l’exil fiscal ?

Première décision du président Sarkozy élu en mai 2007, l’abaissement du bouclier fiscal de 60 % à 50 % des revenus annuels était censé prémunir la France contre l’exil de ses fortunes. La suite des événements a montré que les plus riches sont aussi les plus ingrats  : les cadeaux fiscaux n’ont eu aucun effet sur le placement des fortunes à l’étranger, au contraire  ; en 2008, on comptait 821 nouveaux exilés fiscaux, contre seulement 312 retours, contre « seulement » 350 départs en moyenne entre 2000 et 2005, selon le ministère du Budget.

L’Allemagne sans ISF, un modèle ?

L’argument est asséné avec la force de l’évidence. Puisque les « Allemands ont supprimé il y a quelques années l’impôt sur la fortune », déclarait Nicolas Sarkozy à la télévision le 16 novembre, il faudrait donc imiter le pragmatisme germanique et faire converger les systèmes fiscaux pour profiter des vertus du « modèle allemand ». Sauf que… la suppression de l’équivalent de l’ISF en Allemagne n’a en rien fait décoller l’économie allemande. En 2008-2009, elle ne lui a pas évité la plus grave récession de son histoire (- 4,6 %). Et cette année, après un premier trimestre euphorique, la croissance stagne à nouveau, à 0,7 %, contre 0,4 % pour la France.

Passage en revue des principales contrevérités de l’UMP pour justifier la suppression de l’ISF, cet impôt payé par les ménages déclarant au moins 760 000 euros de patrimoine.

Sébastien Crépel et Lina Sankari

4) L’éternelle bataille de la droite contre l’ISF

Créé en 1989, cet impôt succède à l’impôt 
sur les grandes fortunes (IGF) initié 
en 1982 par le gouvernement Mauroy 
et dont la loi de finances modifiait également 
le régime des droits de succession. 
Signe du clivage idéologique qui caractérise cet impôt  : l’IGF est supprimé en 1987 
par le gouvernement Chirac. 
Deux ans plus tard, l’ISF trouve son inspiration dans le texte précédent en réinstaurant un impôt progressif sur le capital des personnes physiques. Sans surprise, parmi les dix villes françaises qui comptent le plus de foyers assujettis à l’ISF en 2008  : Paris (84 451), Neuilly-sur-Seine (7 607), Lyon (7 088), 
Nice (5 519) et Bordeaux (3 480).


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