Pour un front postcapitaliste qui fasse cause commune dès 2012 (Autain, Chaibi, Braouezec)

lundi 29 novembre 2010.
 

Le mouvement social contre les retraites a emprunté à toutes les précédentes mobilisations. Il évoque 1968, l’hiver 1995, l’opposition au traité constitutionnel européen, le CPE. Sur fond d’exaspération devant une droite inflexible, il a tenu grâce à l’unité syndicale et au soutien de l’opinion publique. Ce mouvement a su déjouer les tentatives d’opposition entre les générations, entre le public et le privé. Il a réuni, dans les manifestations et les grèves, la diversité du monde du travail, la jeunesse, les chômeurs et les retraités. Cette alchimie ne pouvait être le résultat d’un plan préétabli. Elle dit l’état réel du pays, ses préoccupations et ses attentes.

Cette mobilisation s’est cristallisée sur des enjeux qui dépassent la stricte question des retraites. De quoi a-t-on parlé  ? Du travail, du partage des richesses, des temps de la vie. Une part considérable de salariés, bien au-delà de ceux qui ont les métiers objectivement les plus pénibles, a exprimé son insatisfaction à l’égard de son travail. Stress, perte de sens, difficulté à remplir les objectifs ne sont pas le lot des seuls salariés de France Télécom. La précarité est devenue une réalité pour une part de plus en plus importante d’entre nous. Le refus d’une société injuste et inégalitaire s’est clairement exprimé. Le slogan «  je lutte des classes  », massivement adopté dans la rue, a dit la recherche d’une nouvelle articulation entre l’épanouissement individuel et l’émancipation collective.

La parole des manifestants et des grévistes constitue de claires indications pour définir les priorités d’une politique de gauche qui ne passent pas à côté de son sujet  : desserrer la contrainte de la finance hors-sol et relocaliser les productions  ; inventer un nouveau statut salarié qui s’oppose à la précarité de la vie et assure de nouvelles ambitions pour la protection sociale  ; faire marche arrière sur l’insupportable intensification du travail et réaffecter une part des gains de productivité à l’enrichissement du travail humain  ; lutter contre les inégalités par une redistribution des richesses, notamment en faveur des services publics et des banlieues  ; inventer une nouvelle approche des temps de la vie, de la petite enfance, de la jeunesse, de la retraite et du grand âge, etc. La crise de légitimité des pouvoirs en place indique également l’urgence à changer les règles du jeu. Un processus constituant doit permettre une refonte de notre fonctionnement démocratique.

L’expérience de l’exploitation séparait souvent le monde des ouvriers, des employés, de celui des cadres et de celui des travailleurs manuels, celui des salariés à statut de celui des chômeurs. L’extrême diversité des conditions de vie et de travail a fait obstacle, depuis trente ans, à la construction d’un projet émancipateur partagé. La gauche a perdu le contact avec la partie la plus précarisée du monde du travail. Dans cette crise, nous voyons émerger une nouvelle alliance entre les différentes composantes du peuple, réunies par l’expérience de la précarité et du chômage, par des exigences à l’égard du travail et de l’allongement de la vie.

Cette nouvelle unité en construction ouvre de nouveaux horizons politiques. Si l’on entend à gauche ce que viennent d’exprimer des millions de manifestants, l’espoir est permis. Mais pour cela, il faut définitivement se défaire de nos oripeaux et oser un nouvel âge démocratique. Si la gauche de la gauche s’en saisit, alors elle peut avoir l’audace attendue  : l’audace d’un projet de rupture avec l’ordre existant, qui parle du et au monde contemporain  ; l’audace d’une rénovation de ses formes d’action, seul moyen d’engager une dynamique de changement. À partir de l’expérience du Front de gauche, qui rassemble trois organisations aux identités et aux histoires politiques différentes (PCF, Parti de gauche, Gauche unitaire) et en renouant avec les espoirs suscités avec la naissance du NPA et de la Fase, peut-on bâtir une force nouvelle, associant sans exclusive tous les engagements, comme au temps du Front populaire ou lors de la bataille contre le traité constitutionnel européen  ? Il le faut. C’est vital, donc ce doit être possible. Sans exclusive, l’arc des forces décidées à affronter la logique capitaliste et à donner corps à la transformation sociale et écologique doit faire cause commune, et ce, dès 2012, pour l’élection présidentielle et les législatives. Une grande partie des gens qui descendent dans la rue attend de nous cette convergence ainsi qu’une refondation idéologique, stratégique et organisationnelle.


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