Jean-François Mariot « Rajar de contunh »

mercredi 24 novembre 2010.
 

J.-F. Mariot, la force d’un torrent poétique

Des langues et des mots, avec son poème épique en treize repères, « Rajar de contunh », Jean-François Mariot mêle l’oc et le français, l’écrit et le dire.

Des langues et des mots. Pour dire et pour parler. Parce que d’abord c’est fait pour ça. Parce que l’expression ne s’enferme dans aucun carcan. Jean-François Mariot en tritureur de verbes, par l’écrit et par le dit, le sait. Il le couche aussi sur le papier. L’accouche aussi dans son dernier opus : « Rajar de contunh ». Une « coulée continue », juste un clin d’œil à Decazeville, pour un long poème épique, syncopé en treize fragments inséparables. L’occitan, sa langue première. Celle de la création. Elle vient naturellement. À 18 ans, il l’utilisait déjà. Sans jamais rien donner à lire à l’autre. Jusqu’à ce que le livret atterrisse entre les doigts curieux du boulegaïre René Duran. « Une modestie mal placée », tranche le poète. Depuis, il défend le plaisir d’écrire, de montrer, de dire sur scène. Dans la lignée de la poésie d’action de Serge Pey. Et ce « rajar » coule presque de source. Avec une impression de flot. Torrent et gave pour laisser s’échapper les mots. Car Mariot en superpose deux versions, celle en oc, celle en français. Un face-à-face, non un pont servi par autant de traits d’union, entre deux langues pour une écriture bilingue. « Une version en langue d’oc qui est première dans l’ordre des naissances, et une version française qui a été écrite en essayant de ne pas laisser refroidir le texte initial, si on peut le dire ainsi… », prévient le poète. Si ce travail s’est déroulé sur le cheminement de trois années, « chaque fois que je l’ai modifié, retravaillé, chaque fois que j’y suis revenu dessus pour faire mes petits réglages, cela s’est passé d’abord en occitan et immédiatement après en français, avec juste le temps qu’il faut pour laisser poser le texte initial, juste le temps nécessaire au passage du monde d’une langue à celui de l’autre ».

Il y a du trobar dans ce « Rajar de contunh ». D’abord en faufilant les vers entre les lignes du « fin amor », avec cette omniprésence du « tu » apostrophant la femme. « Un tu par lequel l’identité du poème se fonde, un tu féminin, parce que, peut-être, le féminin est bien la plus irréductible altérité qui soit offerte à un homme », lance Jean-François Mariot. Un homme qui parle à la femme. La femme ou la ville. Toulouse et Decazeville. Il tranche : « Decazeville est présente dans les textes, mais ce n’est pas un poème sur Decazeville. Je l’ai écrit entre Toulouse et ici ». Avec ce « rajar », on ressent au loin comme une pointe de Kerouac dans son « Mexico city blues », qui ne peut faire oublier que la poésie reste une arme chargée de futur. Pas poète d’oc, poète tout court, Jean-François Mariot se souvient de « ce grand shoot, avec Roergue si de Rouquette ». Ses mots à lui pourraient rouler longtemps au fil du Viaur, là où Boudou l’enfarinat cherche encore le Drac…

Clin d’œil à la Sainte-Barbe

Le 4 décembre, jour de Sainte-Barbe à Decazeville, « Rajar de contunh » sera baptisé à la maison, avec les collègues et le public de Mescladis. Une mise en voix live du poème, une présentation scénarisée et drivée par René Duran, le complice d’il y a longtemps… « Le tout arrosé comme il se doit par la musique, les textes, les œuvres des copains avec le public de Mescladis dans un esprit de fête où on mange, on boit, on parle, on vit… »

« Rajar de contunh », édicions Letras d’oc (Jean Eygun). Vendu au prix de 16 €.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message