Un salarié sur quatre gagne moins de 0,7 smic !

samedi 20 novembre 2010.
 

C’est le résultat édifiant d’une étude réalisée par l’Insee en 2008 sur les inégalités salariales, qui révèle les conséquences redoutables de la précarité de l’emploi sur les rémunérations. De quoi alimenter la colère déjà vive dans les entreprises, à l’heure où s’ouvrent les négociations sur les salaires de 2011.

Sur une heure trente de prestation télévisée mercredi, pas un mot dans la bouche du chef de l’État sur le sujet -il est bien mort et enterré le « président du pouvoir d’achat ». Du côté de Laurence Parisot et de ses amis du Medef, même silence radio, pendant que, face aux revendications montantes, on s’emploie à ériger un mur. Problème : dans le monde du travail, troisième acteur clé de la pièce, la tendance n’est pas spécialement, aujourd’hui, à céder aux sirènes du fatalisme...Le décor est planté pour le grand rendez-vous des Négociations annuelles obligatoires (NAO) dans les entreprises sur les rémunérations en 2011. Les échos de premiers rounds d’observation dans les grands groupes laissent augurer de fortes tensions. Les patrons, sans surprise, se réfugient en règle générale derrière la crise et invoquent un manque de marges de manœuvre pour repousser des revendications visant, au minimum, à maintenir le pouvoir d’achat. Plus réalistes, les directeurs des ressources humaines envisagent cependant de devoir lâcher un peu plus de lest que les années précédentes (lire page 3). Au demeurant, les raisons ne manquent pas de faire sauter les verrous de la rigueur.

Si la crise n’est pas encore vraiment derrière nous, les grands groupes, eux, affichent une santé financière insolente. En 2010, selon les prévisions établies par le cabinet d’audit et de conseil PricewaterhouseCoopers, les seigneurs du CAC 40 devraient réaliser plus de 84 milliards d’euros de résultat net. Un chiffre en hausse, excusez du peu, de...90% sur 2009, ce qui les ramène vers le niveau record historique atteint en 2007 avec 101,4 milliards d’euros de profits. Une autre étude nous révèle que les mêmes entreprises disposent d’un matelas de quelque 146 milliards d’euros de trésorerie (plus 5% sur l’an passé). Largement de quoi aiguiser l’appétit revendicatif des salariés.

Un sentiment d’injustice sur le partage des richesses

La deuxième raison tient à l’état du mouvement social. Au sortir de la bataille sur les retraites, les salariés ne donnent pas de signe d’abattement. Au cours de l’affrontement, on a vu se cristalliser un puissant sentiment d’injustice sur le partage des richesses. A défaut d’avoir pu mettre en échec la réforme des retraites, la combativité pourrait s’exprimer dans les entreprises, sur les nombreuses doléances consignées dans les cahiers de revendications, à commencer par celles touchant aux salaires.

En la matière, le contentieux est lourd, beaucoup plus, même, qu’on ne l’imagine généralement. De nombreux éléments se sont conjugués ces dernières décennies pour écraser le niveau des salaires. Chacun a à l’esprit la diète imposée, année après année, par le patronat pour servir aux marchés financiers et aux actionnaires les rendements exigés. On sait aussi le rôle très actif joué par les gouvernements pour accompagner cette politique patronale de baisse des « coûts du travail », en multipliant les exonérations de cotisations sociales sur les bas revenus au nom de l’emploi. Ce qui a eu pour effet de tirer les rémunérations vers le bas. Mais ce n’est pas tout.

Le niveau des salaires écrasé depuis des décennies

Il faut ajouter à cela les conséquences de la dégradation de l’emploi. Dans son « portrait social de la France » publié mardi, l’Insee révèle ainsi, à partir d’une étude réalisée en 2008, que, désormais, à peine plus de la moitié de la population salariée travaille à temps plein toute l’année. Les autres subissent, entre autres, le temps partiel, l’alternance entre CDD et périodes de chômage...Résultat : en 2008, un quart des 25 millions de salariés ont perçu, sur l’année, un revenu salarial inférieur à 9.000 euros nets (moins de 0,73 smic) ; en moyenne, ils ont touché 3710 euros... « Ce sont soit des personnes qui ont un emploi stable mais à temps partiel, soit des personnes qui n’ont été en emploi qu’une partie de l’année », précise l’institut de la statistique. Pour un deuxième quart, le revenu annuel a été compris entre 9.000 et 16.000 euros (entre 0,73 et 1,36 smic),- et la moyenne était de 1,1 smic. C’est dire l’importance cruciale, pour la revalorisation des salaires, -au-delà de l’exigence générale d’un rééquilibrage du partage des richesses, ou d’un relèvement du smic- de la bataille pour faire reculer la précarité, la flexibilité de l’emploi, et gagner un véritable statut du salarié. Des revendications qui pourraient donner du sens aux discussions promises par le gouvernement sur l’emploi.

de Yves Housson


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