Je joue en rupture du système. J’ai un objectif et un plan de route. (interview de JL Mélenchon dans Les Inrockuptibles)

lundi 22 novembre 2010.
 

Interview publiée dans les Inrockuptibles. « Les Inrocks » :

Ces derniers temps on a beaucoup parlé de votre positionnement. Vous avez dit vous même que vous aviez choisi d’occuper un créneau. Pouvez-vous définir votre identité politique sur la scène actuelle française ?

JLM : Cette scène va s’écrouler. Je joue en rupture du système. J’ai un objectif et un plan de route. Mon objectif est de permettre à ce pays de faire une révolution citoyenne, d’éradiquer la finance et d’y substituer des normes de fonctionnement socialiste et écologique. C’est ça l’épure générale.

Avec des références quand même ?

JLM : Ma référence générale, elle est constante, je suis un jaurésien, donc un républicain socialiste. Je suis partisan d’une révolution de la société. La révolution, c’est trois choses. Premièrement un changement du régime de la propriété. Contre la dictature de l’actionnariat, je veux ramener des secteurs comme l’éducation, la santé, l’énergie, la banque dans la propriété sociale, celle de l’Etat, des collectivités, et des coopératives. Deuxièmement, la révolution, c’est un changement des institutions. Je veux une Constituante pour tourner la page de la Vème République et de sa monarchie aggravée par dix réformes au cours des dix dernières années. Et troisième élément, c’est le renversement des valeurs qui sont au pouvoir. Aujourd’hui, la valeur centrale, c’est le chacun pour soi, la concurrence libre et non faussée. Avec moi, les valeurs de solidarité, d’égalité, d’écologie et d’émancipation seront au pouvoir ! C’est ça une révolution. Et il y a l’adjectif « citoyenne » qui lui est accolé. Dans le système que j’imagine, on votera beaucoup. Je crois à la démocratie représentative !

Est-ce que cette révolution citoyenne c’est possible de la faire d’ici à 2012 ou est-ce qu’elle se fait sur un temps plus long ?

JLM : Elle a déjà commencé sous une forme chaotique, bringuebalante, depuis 2005 quand la totalité des superstructures et des élites ont appelé à voter oui et que le pays a voté non. C’est une révolution permanente. Elle s’arrête quand les électeurs n’en veulent plus. C’est la méthode appliquée au Venezuela, en Bolivie, en Equateur…

Si on vote constamment, comment pouvez-vous être sûr que la société qui résultera de ces votes sera celle que vous appelez de vos vœux ? JLM : Il faut convaincre. Et s’incliner devant le résultat des votes ! Pour moi le dernier mot revient à la souveraineté populaire. On ne va pas faire le changement si profond auquel j’aspire, de force, contre les gens. La révolution citoyenne, ce n’est pas une dictature. C’est une ligne politique pour révolutionner la société. C’est à la fois le moyen et la méthode.

Vous avez été sénateur, membre du gouvernement de Lionel Jospin. Comment peut-on être sûr que vous allez rester radical et ne pas devenir un notable à la solde du PS au sein du gouvernement ?

JLM : Ou nos idées gouvernent, ou on reste à l’extérieur ! Nous n’irons pas mendier des arrangements pour gouverner. C’est une vue de l’esprit ! 2005 a été une grande rupture, pour moi. A ce moment-là, j’ai ouvert les yeux. Je suis guéri. J’ai rompu avec le PS. Nous n’irons pas attendre, béret à la main, rue de Solférino, que les différentes factions se soient entendues sur le programme du plus petit dénominateur commun entre elles. Et ensuite l’avaler sagement au nom du vote utile ? L’élection n’a pas eu lieu mais il faudrait qu’on s’incline ! Rêve ! Le vote utile qu’exige le parti socialiste c’est un vote futile, sans contenu. Un chèque en blanc. Il n’en est pas question ! Au PS, ils croient qu’ils ont déjà gagné. Ils se font des illusions. Je fais le pari que certaines circonstances historiques, desquelles nous nous rapprochons, peuvent donner leur chance à un autre chemin à gauche, le notre. Et je leur pose cette question : si c’est moi qui suis en tête de la gauche au premier tour de la présidentielle, à supposer que ce soit moi le candidat, est ce qu’ils se désistent pour moi au second tour ?

Ça ne sert à rien de vous demander si vous préférer Martine Aubry ou DSK ?

JLM : Exact ! Choisir Strauss Kahn est une idée perdante à tout coup ! Appeler la gauche française à appliquer la politique du FMI ? Ce serait un désastre moral et politique total ! Je dis aux chefs socialistes et d’Europe Ecologie : si la gauche revient au pouvoir, elle devra trancher « qui va payer : le capital ou le travail ? ». Programme en main : si pour eux c’est le travail, ce sera sans nous et contre nous !

Au PS, on vous accuse d’être devenu « l’idiot utile » de Nicolas Sarkozy ?

JLM : C’est une injure de stalinien ! C’est le mot à la mode. Allons-y ! « Les idiots utiles » du système de l’Europe libérale ont un nom, les chefs socialistes et une adresse rue de Solférino. Moi je ne les injurie pas je critique leur programme. Eux, c’est l’horreur. Jean-Paul Huchon dit que je suis « pire que Le Pen », Manuel Valls que je suis un « danger pour la démocratie ». Quelle honte de parler comme ça à un homme comme moi. J’ai gagné mes galons dans la bataille contre les dictatures. Et eux ? Pour qui ils se prennent ? Ce sont les socialistes qui divisent la gauche aujourd’hui. Les seuls qui se soient prononcés, dans le débat sur les retraites, pour l’allongement de la durée de cotisation c’est eux ! Qui fait perdre la gauche depuis trois élections présidentielles ? Est-ce moi ? Non ! C’est le PS ! Sa ligne social libérale est incapable d’entraîner le peuple français derrière l’idée qu’une alternative est possible.

Est-ce qu’au cours de la primaire du PS vous direz aux militants de votre parti de participer ?

JLM : Par facétie ? Mais ce ne serait pas loyal. On s’invitera dans la primaire par nos thèmes.


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