Emploi : le danger de la réforme des retraites pour l’insertion des jeunes (chômage et déqualification)

mercredi 17 novembre 2010.
 

par Mathieu Plane économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste des questions de l’emploi.

Le slogan symbole 
de la mobilisation des lycéens et des étudiants contre 
le projet de réforme des retraites, est  : « Un million d’emplois en moins pour les jeunes 
en 2016 ». Confirmez-vous 
ce chiffre  ?

Mathieu Plane. Le chiffrage est délicat, mais la logique est juste. L’impact sur l’emploi de la réforme des retraites est réel, en créant un choc sur la population active qui incite les gens à travailler plus longtemps. Pour qu’elle n’ait pas d’effet, il faut une situation économique qui crée beaucoup d’emplois. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et ne le sera pas à court terme. L’économie est dans une situation où le marché du travail est très dégradé avec une croissance faible et un chômage de masse. Dans cet environnement économique, les entreprises ont des perspectives d’activité réduites et ne vont pas embaucher. Si les salariés sont incités à travailler plus longtemps, elles vont devoir faire un arbitrage. Elles vont regarder ce qui est le plus rentable pour elles. Elles pourront tout aussi bien licencier les seniors dont le coût de formation est élevé, et ne pas embaucher les jeunes qu’elles devront aussi former. Cela se répercutera à la fois sur le chômage des jeunes et sur celui des seniors. En résumé, il y a un effet de vases communiquants  : si on ne crée pas plus d’emploi, le chômage des jeunes ou des seniors augmentera.

Vos dernières prévisions estiment une croissance très faible et non créatrice d’emploi en 2011. Vous parlez même d’une possible entrée en déflation en Europe.

Mathieu Plane. Nous sommes dans une situation de croissance molle avec un chômage de masse. Avec les politiques économiques annoncées, ce scénario va se poursuivre à moyen terme. Mais nous pouvons espérer qu’à un moment donné les politiques vont se réveiller et modifier les choses. La vraie question est comment on fait pour augmenter le volume d’emploi d’ici à 2020.

On dit que l’impact de la réforme sur l’emploi des jeunes dans le secteur public serait très fort…

Mathieu Plane. Le secteur public est en partie indépendant de la situation conjoncturelle. L’emploi dépend donc des objectifs pris par les pouvoirs publics. Le calcul est quasiment immédiat, car nous connaissons le volume d’emplois. Il correspond au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux soit 30 000 postes en moins par an. Des postes qui devraient revenir aux jeunes.

Peut-on parler de génération sacrifiée  ?

Mathieu Plane. Si nous restons longtemps avec un chômage élevé, il y aura une destruction de capital humain, c’est-à-dire qu’il y aura une déqualification dans le sens où les jeunes mettront de plus en plus de temps à s’insérer dans le marché du travail, et, aussi, où des « bac plus 5 » vont occuper des postes à bac plus 3, et ainsi de suite. Mais cette destruction peut être liée aussi au fait que les salariés peuvent avoir des périodes de chômage longues et perdre de l’expérience, ce qui a des conséquences sur leur salaire et donc sur le calcul de leur retraite.

Clotilde Mathieu, L’Humanité


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