HLM : une inacceptable ponction de 340 millions d’Euro

vendredi 12 novembre 2010.
 

Jacques Desalangre, député du Parti de Gauche est intervenu à l’assemblée nationale dans le cadre de la discusion sur la loi de finance 2011. Il en a notamment profité pour interpeller le secrétaire d’Etat au logement, Benoît Apparu, sur la ponction de 340 millions d’Euros réalisée au dépens des organismes HLM au titre d’une douteuse "péréquation", ainsi que sur les modalités de versements de APL. Vous trouverez ci-dessous l’intégralité de cette intervention.

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857). La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le secrétaire d’État, vous allez ponctionner 340 millions d’euros sur les organismes HLM, dans une opération perverse consistant à prendre à l’un ce que vous donnerez à l’autre, à faire financer le logement social par les locataires des HLM eux-mêmes.

M. Marcel Rogemont. Par les plus modestes !

M. Jacques Desallangre. Vous appelez cette ponction supplémentaire « péréquation », alors qu’elle ne fera que compenser partiellement la baisse des crédits d’État. Le produit de cette contribution va permettre à l’ANRU, pour 260 millions d’euros, de faire face à ses engagements de paiement, et alimenter, pour 80 millions d’euros, l’aide à la pierre. Mais ce sera avec l’argent pris aux organismes HLM. Vous pompez leurs ressources et faites financer à votre place des engagements que vous n’honorez plus. Vous vous abritez derrière la trouvaille des « potentiels financiers » pour désigner des contributeurs, mais cela ne change rien à la nocivité de la mesure : en matière de gestion des organismes HLM, le potentiel financier n’est pas une preuve irréfutable de richesse, et, surtout, vous allez faire jouer la solidarité entre les pauvres et les modestes, vous allez mettre fin à la solidarité nationale en matière de logement.

Est-il utile d’ajouter que l’État prévoit de réduire son soutien à la construction de logements HLM de 630 millions d’euros en 2010 à 60 en 2013 ?

En réalité, cette mesure entre dans la batterie de toutes celles qui sont destinées à soutenir votre choix politique : aider, aux dépens du logement social, le logement privé qui, pour vous, à terme, doit prendre sa place.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous vraiment me dire que la contribution de péréquation est une mesure juste, efficace et d’aide effective au secteur HLM, et non une mesure socialement injuste et économiquement nocive ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Oui, monsieur le député, c’est une mesure juste. Lorsque les bailleurs sociaux ont un potentiel financier par logement qui, selon les cas, va de zéro euro - quand il n’est pas négatif - à plus de 8 000 euros, quand la moyenne est de 1 800 euros, c’est bien que certains d’entre eux ont une richesse accumulée. Ils n’ont pas thésaurisé pour le principe : ils ont un patrimoine ancien, donc amorti, dans des zones où il n’est pas besoin de construire. N’est-il pas juste que, à partir de ces données, on organise une péréquation entre ceux qui dégagent un potentiel financier très important et ceux qui dégagent un potentiel financier moins important.

La marge d’autofinancement moyenne est de 12,5 %, avec des écarts qui vont de moins 5 % à plus de 22 %. Je vous rappelle que le groupe La Poste fait 5 % de marge d’autofinancement, que le groupe Accor en fait 15 %, que le groupe privé Nexity en fait 18 %, quand certains bailleurs sociaux font 22 %. Oui, monsieur le député, cette péréquation est juste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n’y a pas de répartition des bénéfices ! Il n’y a pas d’actionnaires !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour une seconde question.

M. Jacques Desallangre. Sans doute me dira-t-on que cette question est hors sujet. Je crois au contraire qu’elle a bel et bien trait au logement et aux problèmes des locataires et des organismes HLM.

Le Gouvernement vient de faire adopter par une majorité aux ordres une mesure d’une injustice scandaleuse et lourde de graves conséquences sociales. Désormais, lorsqu’un aspirant locataire déposera un dossier de demande d’APL, il ne sera bénéficiaire de l’APL qu’à la date de la décision lui en accordant le bénéfice, et non à la date de dépôt du dossier.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Rétroactivité : trois mois !

M. Jacques Desallangre. Ainsi donc, toutes les familles, et parmi elles les plus modestes, vont perdre le bénéfice de l’APL pendant le temps d’instruction du dossier. Elles pourront payer leur loyer plein pot pendant un mois, deux mois, voire plus, en fonction de la diligence de l’instructeur. Ce sont des ménages qui vont entrer endettés dans leur appartement, ou qui risquent de le devenir dans les premiers mois de l’occupation de leur logement. Les impayés de loyer, qui ont déjà augmenté de 10 % depuis un an, vont encore croître. Qui va gagner à ce jeu, monsieur le secrétaire d’État ? Personne, car l’économie budgétaire conséquente ainsi réalisée entraînera un surcroît de dépenses sociales. La mesure est donc socialement injuste et économiquement inefficace.

Monsieur le secrétaire d’État, peut-on compter sur votre autorité et votre influence pour qu’elle soit rapportée dans les meilleurs délais ? (« Très bien ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Monsieur le député, ce sera d’autant plus facile que ce que vous venez de dire est totalement faux. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Les APL seront toujours versées à leur bénéficiaire en fonction de la date de dépôt du dossier, que ce dossier soit incomplet ou pas. Le délai d’instruction n’entre absolument pas en ligne de compte en la matière.

Lisez le projet de budget ou, plutôt, le PLFSS, et vous verrez que la mesure que nous prenons est d’une autre nature. Quelle est aujourd’hui la situation ? Lorsque vous déposez votre dossier, vous pouvez bénéficier d’une rétroactivité de trois mois, mais savoir si l’éligibilité est liée à la date de dépôt du dossier ou à celle de l’accord donné est une tout autre question.

Par conséquent, non, monsieur le député, rien ne change en matière de date de dépôt du dossier. Ce qui change, c’est la rétroactivité : nous avons souhaité aligner, de ce point de vue, le régime des APL sur celui de l’ensemble des autres prestations, et nous verrons bien, au cours des prochaines années - c’est d’ailleurs prévu ainsi sur le plan budgétaire - que la population éligible aux APL s’adaptera à cette évolution. C’est pourquoi l’économie prévue est décroissante dans le temps.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est un alignement par le bas !


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