La Convention Nationale du Parti Socialiste sur « la Nouvelle donne internationale et européenne » a intériorisé la soumission aux marchés financiers

vendredi 5 novembre 2010.
 

Quand le PS refait le monde…

La Convention Nationale du Parti Socialiste sur « la Nouvelle donne internationale et européenne » est passée presqu’inaperçue. La lecture du document adopté à cette occasion permet pourtant de mieux saisir les contradictions et les positionnements de ce parti face aux grands enjeux du moment. Dès l’introduction, la ligne générale du document est explicite : « Il ne s’agit pas de brandir en politique extérieure des ambitions déraisonnables et unilatérales ». C’est une « démarche nécessairement réaliste » qui doit s’imposer. A quelles conclusions, ce « réalisme raisonnable » conduit nos camarades socialistes ? Cela vaut la peine de s’arrêter en détail, sur trois questions importantes qui traversent le document : quelles réponses face à la crise économique ? Quelle conception de la mondialisation ? Quelle politique pour défendre la paix ?

La gauche face à la crise : yes you can ?

Sur ce sujet le document s’inscrit dans la droite ligne de la déclaration commune élaborée en juillet dernier par le Parti Socialiste et le SPD allemand. Or les propositions mise en avant ont bien du mal à se démarquer des grandes généralités qui rappellent les communiqués insipides issus des réunions du G20 : « renforcer les règles prudentielles applicables aux banques, encadrer strictement les produits dérivés, améliorer l’indépendance et la transparence de la notation financière, notamment par la création d’une agence européenne. » Pas de quoi terroriser les puissances financières…

Le PS propose certes « une taxe sur les transactions financières des banques et des établissements financiers qui permettrait d’abonder les budgets publics ». Mais il est difficile de ne pas mettre en avant aujourd’hui cette mesure à laquelle une partie des conservateurs européens et des milieux financiers se sont ralliés pour permettre de renforcer les capacités des Etats à soutenir les marchés en cas de nouvelle crise. Enfin l’idée d’imposer en Europe « l’harmonisation fiscale » est certes généreuse (encore faudrait il préciser sur quelle référence s’il s’agit « d’harmoniser »). Mais les dirigeants socialistes ne sont pas sans savoir que le Traité de Lisbonne qu’ils ont défendu, tout comme son prédécesseur le défunt TCE, rend impossible toute harmonisation fiscale et sociale, qui ne peut être mises en œuvre qu’à l’unanimité du Conseil.

Le protectionnisme sans avoir l’air d’y toucher…

L’autre élément important, qui constitue le cœur du document, est l’approfondissement de la notion de « juste échange ». Cela mérite de s’y attarder d’autant plus que cette notion avait été mise en débat par les camarades du courant « Un Monde d’avance » lors du congrès de Reims en 2008. Elle est maintenant au cœur du projet du Parti Socialiste. L’argumentation pour la défense de mesures protectionnistes, « d’écluses tarifaires », des barrières douanières ciblées, de « normes commerciales et environnementales » est longuement développée même si c’est avec de nombreuses précautions. C’est écrit sur l’air de « je n’ai rien contre les produits étrangers mais quand même il y en a certains qui abusent… la France ne peut pas accueillir toutes les exportations asiatiques du monde… ». Même rebaptisé en « juste échange », il est palpable qu’il y a un léger malaise dans l’argumentation.

Or si le document indique à juste titre qu’aucune politique étrangère n’est jamais « 100% libérale » ni « 100% protectionniste », le problème est que la mise en œuvre d’un véritable « juste échange » par l’Etat Français, et à fortiori à l’échelle européenne ne pourrait être crédible qu’avec une rupture politique bien plus ambitieuse. Le « juste échange » n’a aucun sens s’il ne commence pas par la remise en cause des politiques commerciales néo coloniales mises en œuvre par les entreprises françaises, que ce soit Total en Afrique ou en Asie, Areva au Niger ou encore Vivendi en Amérique Latine. Sans une remise en cause des objectifs, des choix d’investissements et des prises de décision de la puissance économique française, tous les discours sur « normes commerciales et environnementales » aux frontières de l’Union européenne ne seront que l’emballage pseudo progressiste d’un protectionnisme capitaliste classique, c’est à dire de la défense des parts de marché des entreprises françaises. De ce point de vue, il ne faut pas sous estimer ce positionnement.

Du « réalisme raisonnable » aux prochains conflits mondiaux

Dans une interview donné au journal L’Humanité le sociologue Rémi Lefevre résumait la faiblesse de la vision politique du PS : « la culture technocratique y est tellement ancrée qu’on pense souvent l’idéologie sous le seul angle programmatique. Les responsables sont en quelque sorte des techniciens de l’action publique, mais il n’y a plus de culture de confrontation idéologique. Ainsi, les conventions tombent très vite dans le catalogue technique de propositions. » Cette approche déteint également dans la vision du monde du PS. La résignation au monde tel qu’il est, à ses crises et à ses désordres, se retrouve dans ce document sans saveur qui résume tous les poncifs de « bonne gouvernance ». La guerre en Afghanistan : elle doit être soumise à un débat au Parlement (pourquoi ? pour lui donner une nouvelle légitimité ?) et l’hypothèse d’un retrait est courageusement conditionnée à un accord avec les forces européennes et américaines. Ce qui est une façon de reconnaître sa propre soumission à ses maîtres. C’est somme toute logique, puisque l’intégration à l’OTAN n’est pas remise en cause. La décision d’intégrer le commandement militaire devant seulement être réexaminée, sans qu’on sache si le PS est pour le quitter. Et sur le risque croissant aujourd’hui de guerre contre l’Iran, le document ne se prononce pas, sauf pour mentionner que la « dissémination nucléaire est un danger majeur ».

Plus grave, la remise en cause de la distinction entre « sécurité extérieure » et « sécurité intérieure » peut se justifier en cas de « situation exceptionnelle » qui amènerait un « engagement temporaire des moyens de service public de nos armées dans une crise intérieure ». Les liens entre l’armée et la nation – et notamment la jeunesse – doit être renforcée. L’urgence est affirmée à plusieurs reprises de relancer « L’Europe de la Défense »…

Le Parti Socialiste n’a pas seulement intériorisé comme une contrainte insurmontable la soumission aux marchés financiers et aux politiques de rigueur. Il s’inscrit pleinement dans le cadre de la concurrence dangereuse qui se développe entre puissances. Cette confrontation alimentée par la crise économique, les tensions monétaires mais également par les rivalités géopolitiques entre puissances et la question de plus en plus prégnante de l’accès aux matières premières, aux sources d’énergie, peut provoquer des crises internationales majeures dans les prochaines années. C’est également pour cette raison que la reconstruction d‘une véritable gauche est une question vitale, en France, en Europe et dans le monde.


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