Que s’est-il passé Place Bellecour au centre de Lyon le 21 octobre (Pierre Hémon et 4 témoignages)

mardi 26 octobre 2010.
 

1) Article de L’Humanité Á Lyon, « on a été parqués comme des animaux »

2) Témoignage d’une jeune femme blanche (excusez la précision mais ce fait a été décisif)

3) TEMOIGNAGE D’UN PASSANT

4) TROISIEME TEMOIGNAGE : En allant chercher mon enfant à l’école

5) Collectif du 21 octobre « Faire reconnaître l’illégalité de cet acte »

"Pierre Hemon, était l’élu d’astreinte durant toute cette semaine troublée de Lyon. Adjoint au maire de Lyon, président du groupe Europe Ecologie/Verts, il était tous les jours sur les lieux des manifestations, au QG de la préfecture, en lien avec les forces de police, les leaders syndicaux et le cabinet du maire.

Pour lui, le préfet et la police ont géré intelligemment et le plus pacifiquement possible ces folles journées."

Devant une telle prise de position citée par Rue 89, nous ne pouvions que signaler quelques témoignages décrivant une réalité bien différente.

LA RAFLE DE LA PLACE BELLECOUR LYON

1) Article de L’Humanité Á Lyon, « on a été parqués comme des animaux »

Le 21 octobre, le préfet du Rhône bouclait la place Bellecour, à Lyon, plaçant en garde à vue à ciel ouvert plusieurs centaines de personnes. Un collectif de 39 organisations s’est constitué « pour ne pas laisser passer ça ».

Le jeudi 21 octobre, il fait beau, place Bellecour, à Lyon. En plein centre-ville, une place où l’on baguenaude, où l’on se donne rendez-vous, où l’on achète des fleurs, où l’on boit un café… Mais ce jour-là, à partir de 13 h 30, plusieurs centaines de personnes, lycéens, étudiants, collégiens, passants et touristes, vont être encerclées par un cordon de quelque huit cents gendarmes mobiles, CRS, membres du GIPN, équipés de Flash Ball, de grenades lacrymogènes, de boucliers, bref de tout l’attirail antiémeute, accompagnés de deux camions à eau et d’un hélicoptère. «  Nous étions parqués comme des animaux, plus personne n’avait le droit de sortir  », témoigne Lou Andréa, une étudiante. Comme cette dernière, les jeunes manifestants espéraient ensuite rejoindre le cortège officiel contre les retraites qui avait, lui, rendez-vous place Antonin-Poncet, c’est-à-dire de l’autre côté de la rue. Ils n’ont bien sûr jamais pu le rejoindre.

Les policiers laisseront entrer les jeunes sur la place jusqu’à 14 heures puis interdiront toute sortie, sauf celles des adultes et « des Blancs ». Les syndicalistes ont tenté de négocier pour que les jeunes puissent rejoindre le cortège officiel de la manifestation, qui avait reçu l’autorisation préfectorale. « Arrivée place Antonin-Poncet, c’est le choc, raconte Delphine. La manifestation est coupée en deux par les CRS, jeunes d’un côté, syndicalistes de l’autre, un cordon de CRS au milieu. L’ambiance est bon enfant, les drapeaux Peace de chaque côté. Mais les cris et les slogans “liberté, égalité, fraternité”, “libérez nos camarades”, n’y font rien. Six camions de CRS affluent en renfort, et les deux côtés sont séparés un peu plus physiquement à grand renfort de bombes lacrymogènes et de matraques… Mon ami met BFM, qui retransmet l’événement en direct et annonce  : “Quatre cents casseurs sur la place Bellecour.” Mais où sont les casseurs  ? »

Les films, vidéos et photos qui ont été pris par les témoins montrent tous la violence des charges policières (visibles sur le site Rebellyon.info). La police s’est livrée à un véritable filtrage des personnes présentes sur la place, mais on ignore le nombre de blessés. Enfin, à 19 heures, au terme de cinq heures de garde à vue à ciel ouvert, la place est finalement « libérée ». Plus d’une centaine de jeunes gens, majoritairement victimes d’une sélection au faciès, seront toutefois photographiés, fouillés, fichés et trente-cinq placés en garde à vue « légalement ».

Ce sont ces cinq heures d’interpellation en plein air, en totale violation des droits fondamentaux, qui fâchent encore aujourd’hui, d’autant qu’aucun incident n’était intervenu avant le bouclage de la place. « On a l’impression d’un ballon d’essai, d’une garde à vue géante, avec un fichage généralisé, sans constatation d’infraction », décrypte Marie Lacroix, du Syndicat de la magistrature. Franck Heurtray, responsable du Syndicat des avocats de France dans le Rhône, dénonce de son côté une « technique de souricière » pour empêcher les gens d’aller et venir  : « On n’est jamais allé aussi loin dans les atteintes aux libertés fondamentales, dit-il, au point qu’on ne sait même pas par où commencer. La participation à une manifestation autorisée serait potentiellement dangereuse  ? C’est excessivement grave d’en arriver là, même si cela peut sembler dans la logique sécuritaire du gouvernement. Il n’y aurait plus besoin de délit pour enfermer les gens  ? », s’emporte l’avocat. Lequel va demander à la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) de lancer une enquête. « Car le fichage semble avoir été fait sur un public ethniquement ciblé et nous voudrions savoir s’il a été autorisé par un arrêté ministériel. »

Pour aller plus loin judiciairement, le Collectif du 21octobre lance un appel à témoignages (lire encadré). On ignore en effet si, dans les quatre-vingts personnes déférées au parquet à la mi-octobre, figurent des jeunes gens arrêtés dans le piège de la place Bellecour. En tout cas, le préfet du Rhône, qui avait déclaré le jour même que « les forces de l’ordre (avaient) isolé les casseurs afin de procéder à des contrôles d’identité » a, lui, gagné son bâton de maréchal  : il vient d’être nommé directeur du cabinet du numéro deux du gouvernement, le ministre de la Défense, Alain Juppé.

Émilie Rive

2) Témoignage d’une jeune femme blanche (excusez la précision mais ce fait a été décisif)

Il est deux heures du matin, et je ne peux toujours pas dormir, après ce que j’ai vu et entendu aujourd’hui place Bellecour.

Je suis restée bloquée d’environ 13 h 30 à 17 h 30, et j’en suis sortie saine et sauve, et sans contrôle, uniquement parce que je suis une jeune femme blanche, sans dreads ni piercing...

J’ai vu un CRS faire le signe de décapitation en ricanant, à l’attention de mon ami. C’était après nous avoir dit qu’on pou vait sortir du côté de la Saône, en ajoutant « Merci qui ? ». Mon ami lui avait alors envoyé un baiser avec la main... Et voilà, comme ça, c’est beau : un représentant du pouvoir en place faire ce signe de mort en ricanant !

J’ai vu un type se faire prendre et tabasser lors d’une charge de CRS alors qu’il ne faisait rien, qu’il était juste là, à fuir, à tenter de se protéger, à être là, comme nous, sauf qu’il était un jeune homme d’origine magh ré bine, évidemment.

Au fait, se faire char ger quand on sait qu’il n’y a aucune issue, c’est une sacrée expé rience ! On a véri ta ble ment essayé de se pré pa rer psy cho lo gi que ment à se faire matra quer. C’est dur (hohoho).

Plus tôt, après une charge, des coups de feu (lacrymo ? fla sh ball ?), je me retourne et je vois une fille à terre, incons ciente, de l’écume aux lèvres, der­rière un kios que à l’est de la place. Que doit-on faire ? Est-elle sim ple ment évanouie ? A-t-elle reçu quel que chose dans la tête ? A-t-elle une crise quel­conque ? A-t-elle besoin de secours d’urgence ?

Je cours vers un mur de CRS, en hur lant, hys té ri que, d’appe ler le SAMU (« IL Y A UNE FILLE A TERRE INCONSCIENTE ET C’EST A CAUSE DE VOUS ! » je hurle de toutes mes forces), JE VOIS ALORS UN CRS SOURIRE !!!

Avec mon ami, on a dis cuté avec beau coup de ces « cas seurs des cités » : tous étaient froi de ment cons cients de la situa tion poli ti que, et SURTOUT DU RACISME OMNIPRÉSENT. Les blancs eux, s’en sor ti ront, PAS EUX, ni aujourd’hui, ni demain, ni dans la vie ! On a dis cuté avec des jeunes qui cor­res pon daient par fai te ment aux cli chés relayés par les médias : jeunes d’ori­gine afri caine à fou lard, bas kets, capu che... On a briè ve ment dis cuté de la réforme (“et on ne va pas tra vailler jusqu’à 70 ans !” me dit un jeune avec un petit sou rire au lèvres : il le sait, il est sur tout là pour se battre contre une société raciste et pour rie, dont la réforme est un élément qui fina le ment ne le concerne que de loin), on a appris que cer tains lycéens se bat taient également contre la sup pres sion des BEP, on a parlé du racisme, de la pro pa gande... Tous sem blaient rési gnés ; il n’y avait AUCUNE VIOLENCE.

Après l’ultime charge, le piège tendu contre nous vers 17 heures 20, des tirs, on se plaque contre une vitrine avec d’autres jeunes, puis on se réfu gie, mon ami et moi, pani qués, dans la pre mière cour inté rieure, pour se pro té ger des tirs (là encore, pas eu le temps de voir, ou de sentir ce que les repré sen tants de l’État fran çais tiraient). Il y a là, dans l’esca lier de cet immeu ble, un jeune d’ori gine magh ré bine, un lycéen tout gentil, un peu enrobé, à la voix douce, bref tout sauf quelqu’un de mena çant et d’effrayant, qui s’est retrouvé bloqué vers 11 heures place Bellecour alors qu’il ne fai sait que passer. Il nous a raconté, sans haus ser la voix, comme si c’était là quel que chose de banal, qu’un CRS, en le blo quant, lui a dit d’un air mépri sant qu’il l’avait reconnu, lui, un « cas seur » de ce matin 9 heures. Le garçon nous a alors dit : « à 9 heures, je fai sais une interro ! ». « Ils m’ont dit que les Blancs pas saient mais pas les autres ». Je lui ai alors fait répé ter la chose, ne pou vant en croire mes oreilles. Oui, oui, le CRS lui a dit ça comme ça. Oui, oui. D’autres jeunes stig ma ti sés depuis leur plus jeune âge par les flics nous ont adressé plus tôt la parole, d’un air rési gné : « eh pour quoi vous partez pas vous ? Vous êtes blancs, essayez, ils vous lais se ront passer, vous... ». Nous n’avons pas essayé. Trop fiers pour tenter de partir, trop effrayés pour faire face à une charge de CRS. Dans cette cour, trois filles sont ensuite venues non pas se réfu gier, mais faire pipi. Elles sont ensuite res sor ties ; nous n’avons pas osé.

Finalement, pas de contrôle d’iden tité pour nous : « coup de chance » : dans la cour où nous nous sommes « réfu giés » (on atten dait les flics, prêts à mettre les mains sur la tête), on voit arri ver des jeunes de droite à mèche ! Surréaliste ! Les che veux de droite se reconnais sent de loin ; enfants de bour­geois habi tant place Bellecour, et leurs copains riches de droite. Une dis cus­sion suit en bas des esca liers avec deux d’entre eux, pen dant que des jeunes pau vres se font matra quer sur la place : non, tous les gens qui ont voté Sarko ne sont pas pour ça, nous dit l’un des jeunes à la coupe Sarko fils pré-tonte ; ça....

Mon ami s’énerve, lui dit que si, que si on a voté Sarko, on a voté pour le racisme, pour l’État poli cier, pour l’ORDRE, pour ça, CA... Les gens savaient, ils savaient pour quoi ils votaient : pour ça !

Le jeune d’ori gine magh ré bine lui se tait, c’est juste un gamin qui veut ren trer chez lui. Ces deux jeunes de droite avaient l’air si sym pa thi ques, si inno cents, et pour tant c’est eux aussi la France qui pue.

Au final, c’est « grâce » à un groupe de blancs riches que nous sommes sortis sans contrôle, la rage et la peur au ventre. Un flic à blou son en cuir et bras­sard entre dans la cour, nous dit de sortir, qu’on peut partir main te nant. On ne le croit pas ; je lui dis :« et tout à l’heure ? Vous nous avez dit qu’on pou vait partir ! ». Il m’ignore, et va parler aux riches. Le gamin se dirige vers la porte, on le retient en lui disant d’atten dre pour sortir avec les blancs. Il refuse. On insiste, on le met en garde, mais il a son hon neur, lui. Il garde la tête haute, et s’en va. Puis nous sor tons, nous, effrayés, avec ces gens, un bon Français aux che veux gris et à lunet tes, une dame à talons, et des autres Blancs. Nous pas­sons devant les autres jeunes restés sur la place, qui sont main te nant contrô­lés par les flics, un à un, vers le pont Bonaparte. Je n’ai pas pu rete nir mes larmes en criant aux badauds, une fois le bar rage de flics passé sans encom­bres, sans même un arrêt : « Nous sommes passés parce que nous sommes blancs ! Elle est belle la France, hein ? ! »

Plus tard dans les rues tou ris ti ques du cinquième arrondissement, je vois une télé vi sion dans un bou chon. Je m’avance, une com mer çante me dit bon soir, pen sant que je suis une cliente. Je ne fais pas atten tion, je tente d’aper ce voir des images de ce que je viens de vivre. La bonne Arbeiter me redit bon soir, cette fois fer me ment, comme si je lui avais manqué de res pect, comme à une gamine. Je la regarde dans les yeux et lui répond « Bonsoir. ». Je me retourne vers l’écran. J’entends la femme me lancer :« ah, la télé » comme si j’étais une mouche atti rée par la lumière. Je réponds : « oui, je veux voir la pro pa gande ». « La pro pa gande ? » me lance-t-elle, d’un air à la fois moqueur et cho quée. J’ai alors eu envie, pen dant une frac tion de seconde, de lui défon cer la gueule. Mon fiancé m’a prise et m’a enle vée de là, et je ne suis même pas arri vée à pro non cer un mot intel li gi ble. Nous sommes partis.

QUE DOIVENT RESSENTIR CES JEUNES CONSTAMMENT STIGMATISÉS SI MOI-MÊME JE PEUX RESSENTIR UNE TELLE HAINE APRÈS UNE APRÈS-MIDI ???? !!!! RÉSISTANCE FACE A LA FRANCE QUI PUE !

3) TEMOIGNAGE D’UN PASSANT

Je suis un étudiant en philosophie et je vis à Lyon. Aujourd’hui, jeudi 21 octo­bre, alors que je me diri geais de l’hôtel de ville en direc tion de ma faculté, j’ai du emprunter la place Bellecour ; à savoir le chemin logique et normal.

En arrivant à l’entrée de la place Bellecour à 14 heures 30, je vis de nombreux CRS pré sents tout autours de la place, néanmoins aucun réel barrage n’était en place et les forces de l’ordre ne m’ont absolument rien dit en me voyant arriver et se sont même séparées doucement pour me laisser passer. Je m’engage donc tranquillement sur la place. Cependant, à l’autre extrémité, je fais face à une ordre de CRS en posi tion de blo cage. Je décide de faire demi-tours, cons ta tant que l’ensem ble des sor ties de la place sont blo quées de la même façon. Arrivant par là où j’étais entré sur la place, je cons tate qu’un bar­rage de CRS vient d’être mis en place. Ceux-ci me refu sent le pas sage sous pré texte des ordres du préfet alors même que quel ques minu tes avant ils venaient de me faire péné trer sur la place.

C’est alors que commence un détention avec plusieurs centaines de personnes sur la place, sans aucune raison.

Pire encore, durant cette déten tion, je découvre que certaines per son nes sont enfermées depuis 13 heures 15, donc les forces de police m’ont laissé rentrer en sachant parfaitement qu’il s’agissait d’un piège.

Pendant ma déten tion, sachez que toutes les per son nes âgées, ou même non-jeunes pour être précis, ont pu partir sous pré texte qu’elles « habi taient la rue juste à côté ». Un véri ta ble fil trage a opéré pen dant cette période, afin que nous ne finis sions qu’entre « jeunes », favo ri sant ainsi l’amal game entre lycéens révol tés et cas seurs. Les forces de police ont été bru ta les, insul tan tes, face à des per son nes pro fon dé ment calmes, cher chant juste à com pren dre ce qu’il se pas sait. C’est fina le ment après 5 heures que je pu sortir par le « Check-Point » mis en place à l’une des sor ties. Là, sachez que je fus vic time d’un contrôle d’iden tité abusif, allant même jusqu’à pren dre une pho to gra phie de mon visage. Je sortis à 19 heures 30, sans aucune autre expli ca tion. Enfin, durant les 5 heures d’enfer me ment, seule une ving taine de per son nes ont osé se révolté, résul tant d’une répres sion aux gaz lacry mo gè nes et tirs de jets d’eau à haute pres sion. Qui, enfermé pen dant 5 heures sans raison, insulté et dégradé par des forces de police, ne devien drait pas fou ? L’état cher che à engen drer une haine chez les jeunes en les enfer mant volon tai re ment et en les pous sant à bout. Ainsi, les diri geants pour rons, preu ves à l’appui, dis cré di­ter au yeux de son peuple soumis et cré dule l’enga ge ment des jeunes dans cette réforme.

4) TROISIEME TEMOIGNAGE : En allant chercher mon enfant à l’école

Je suis écœuré. Difficile de trouver les mots. Pas l’habitude d’écrire. Mais je res­sens le besoin de témoi gner tout sim ple ment. Je ne parlerai que de cette jour­née du Jeudi ici à Lyon Bellecour.

Ce matin vers 10 heures 45, avant d’aller chercher mon enfant à l’école, quel­ques grou pes d’étudiants regrou pés, atten dant pour mani fes ter. Aucune agi­ta tion. Les forces de l’ordre encer claient, contrô laient déjà tous les accès.

Je suis revenu vers 13 heures 45, j’ai pu rentrer sur la place et me poser vers la rue Emile Zola sur un banc comme la plupart des lycéens. Quelques pas­sants... Et même une « baqueuse » avec brassard rouge, casque, bouclier qui tra ver sait en solo d’un bout à l’autre à grands pas... À côté de moi, un groupe d’adole cents. J’entends l’un d’eux dire : « J’ai envie de pisser ! J’en peux plus... ! » Un autre lui répondre ; « T’as essayé là-bas quai de Saône ? » Je regarde plus attentivement et je vois en effet que chaque ado était refoulé par les crs. Soleil, un gros pétard qu’explose tranquillement...calme plat.

Puis vers 14 heures, retentit un méga phone et cla meur... Comme beaucoup d’autres, je me lève et pars en direc tion de la place Antonin Poncet. Arrivé à l’angle, attrou pe ment de jeunes, qui comme moi vien nent voir ce qui se passe. Je vois des dra peaux : « Libérez nos cama ra des ! Libérez nos cama ra des ! » Je passe le contrôle...je sens un regard casqué se retour ner vers moi et... rien.. Jean, blou son, che veux gri son nant, je passe..

La ten sion monte.. Crs et Bac+ camion net tes cons ti tuent une cein ture empê­chant l’inter syn di cal et d’autres venus, côté place Antonin Poncet sou te nir et mani fes ter avec les lycéens, côté Bellecour... Les points se lèvent, des cris cou­vrent le bour don ne ment de l’héli co ptère qui tourne au-dessus de nos têtes inlas sa ble ment... Autour de moi, la ten sion monte, en moi aussi... Situation blo­quée.

Cette situa tion est restée blo quée ainsi pen dant plus d’un quart d’heure sans aucune hos ti lité. Du coup, j’ai pris le temps de regar der de plus prêt les crs, leur équipement, mais aussi leur regard. J’ai vu des cyborgs.. Aucune dis cus­sion pos si ble. Le rap port de force (pro tec tion, équipements armés) est tel le­ment dis pro por tionné que je me suis senti agressé, menacé.. Puis, la ten sion monte encore, encore et ce blo cage de cette situa tion absurde, amène quel­ques jets de pierre. Moi phy si que ment, je ne savais pas quoi faire et j’ima gi­nais qu’une percée pou vait chan ger le cours des choses et je la res sen tais phy si que ment. Nous étions nom breux, bien plus nom breux qu’eux. Et par sur­prise, nous aurions réussi.

Mais je me voyais mal crier ; " Allez, on fonce dedans... ! Non. Je reste debout. Des pier res volent, j’attends et la pre mière salve de lacrymo tombe. Des repré­sen tants syn di caux avec des dra peaux sem blent par le men ter. ça siffle, ça hue.. Mégaphone : faut rejoin dre le cor tège inter syn di cal der rière sur quai gaille ton... Vers où ? Laisser les lycéens enfer mer ? Partir sans eux ? Et aller où ? (Place Guichard). Un p’tit tour et puis s’en vont. Non. Pas envie. La situa­tion était là. Les dra peaux flot tent, côté Bellecour, fumée blan che, les lycéens dis pa rais sent.. Ah oui, j’ai pas bien com pris mais y’a le dra peau peace qu’arrive comme un tro phée sous les accla ma tions.. Il se place en tête et là, j’ai même cru naï ve ment qu’on allait enfin ren trer sur la place dra peau peace en figure de proue. Bon j’abrège.

Tension, ten sion, pétards, roue de vélo, héli co ptère, bal lets des cyborgs, deuxième salve bien four nie de lacrymo et là on recule tous jusqu’au quai et pous ser jusqu’au début de la rue de la Barre. Pas mal de dra peaux par tent en direc tion de Guichard, regrou pe ment, à nou veau face à face police. Il devait être vers 16h. De loin, Bellecour sem blait déser ti que. Je ne sais pas ce qui s’est passé exac te ment. J’ai entendu dire qu’il y avait eu gazage, matra quage, tan kage à eau... Sur qui ?, Pourquoi ? Il y a un fil trage. Comment s’est-il opéré ?

Vers 17 heures, je bouge de check point, celui de la ré, je vois qques lycéens errer dans le vide, ensuite rue Émile Zola, là je vois un crs plai san ter, s’amuser à meno ter une demoi selle nanti en fai sant mine de la trai ner sur la place et faire recu lons parce qu’il y avait un gradé. Je fais l’tour jusqu’au pont Bonaparte et là je vois plus d’une cin quan taine de lycéens les uns der rière les autres. Ils sont fouillés, contrô lés. Je demande à l’un d’entre eux qui vient de sortir si ils sont pho to gra phiés. Il me dit que lui non, mais d’autres oui : « J’ai posé des ques tions dit-il : » Qui pho to gra phiez-vous, sur quels cri tè res ? On lui répond : « Eux par exem ple, en sur vê te ment... ! »

Il com mence à faire nuit. Rue Antoine de Saint Exupéry, un car avec des dizai­nes de lycéens prêt à partir... Un dra peau rouge avec le visage de Che Gue­vara : « Révolution- Solution ». Je quitte Bellecour. Si mon enfant s’était retrouvé enfermé sur cette place... J’aurais été capa ble d’une agres si vité dif fi ci­le ment contrô la ble. Mêmes les pier res n’auraient pas suffi, encore moins les voi tu res retour nées.. Ce qui est cassé par cer tains est la marque d’une grande force, d’un grand cou rage. . Consciemment ou incons ciem ment, ces gestes arra chent des mar chan di ses alié nan tes dans un décor de rues murées de vitri­nes, va et vient inces sant de voi tu res stres sées, bruit, air irres pi ra ble. Marchandises parmi les mar chan di ses, où étes-vous parents ? Où êtes-vous vivants ?

Ceci est ainsi à faire diffuser sur tous vos réseaux.

Grégory 06 48 90 03 43

5) Collectif du 21 octobre « Faire reconnaître l’illégalité de cet acte »

Porte-parole du Collectif du 21 octobre, Jean-Michel Drevon (FSU) explique les objectifs de cette initiative.

Comment et pourquoi est né ce 
Collectif du 21 octobre  ?

Jean-Michel Drevon. Le collectif Retraite du Rhône s’est dit que ce n’était pas à lui de faire quelque chose. Il a donc demandé au Centre d’initiative et de réflexion pour la défense des libertés, d’organiser une réunion élargie. Sont venus ceux 
qui le souhaitaient, nous avons lancé un appel et obtenu quarante signatures, CGT, FSU, Unef, les syndicats lycéens, tous les partis 
de gauche et de multiples associations, LDH, Attac, RESF… Nous ne nous sommes pas penchés sur l’analyse des violences. Quoi qu’il ait pu se passer, la réaction de l’État était absolument injustifiable. Des droits fondamentaux ont été remis en cause, 
et cela nous inquiète beaucoup pour l’avenir. Si nous ne réagissons pas, cela deviendra tout à fait banal  : le préfet pourra décider d’une punition collective de six cents personnes, pendant cinq heures, en plein air, selon son bon vouloir… Cela n’avait pas encore eu lieu à cette échelle et avec cette dimension médiatique.

Quel était l’objectif du préfet, à votre avis  ?

Jean-Michel Drevon. Les forces de l’ordre n’arrivaient pas à reprendre la main face aux manifestants, aux lycéens… D’où l’idée de frapper un bon coup, pour qu’on ne recommence pas à manifester. Ils n’ont pas enfermé les gens qui avaient cassé les magasins, mais des jeunes, des passants, des grands-mères… Une gigantesque punition collective, contraire aux droits d’une démocratie.

Qu’espérez-vous avec cette initiative  ?

Jean-Michel Drevon. L’objectif fondamental est 
de faire reconnaître, y compris par l’État, que 
ce qu’il a fait est illégal. Ils ont photographié, 
à 19 heures, tous les gens qui sortaient 
de la place Bellecour. C’est totalement illégal et eux-mêmes le reconnaissent. D’autres choses sont plus difficiles à démontrer  : le filtrage au faciès, la rétention en garde à vue en plein air au hasard… Pour cela, il nous faut populariser notre action, faire savoir ce qui s’est passé. D’où les expos et le meeting mais, surtout, 
pour la constitution de dossiers de plaintes, 
la recherche et l’accumulation des témoignages. Mais tout va dépendre des outils que nous aurons. Une chose est d’accepter de parler, une autre est de témoigner en justice, surtout pour des victimes de discriminations et des mineurs.

Entretien réalisé par E. R.


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