Non au financement communal des réparations d’édifices religieux affectés au culte public

mardi 2 novembre 2010.
 

Hier, au Conseil de Paris (avant de me rendre à la manifestation), avec le soutien de ma camarade du PG Danielle Simonnet, je suis intervenu pour m’opposer à une délibération qui propose d’attribuer une subvention de 36 000 euros, afin d’effectuer des travaux pour la réfection de la toiture d’un Temple protestant, situé rue madame, dans le 6e arrondissement, propriété privée de l’Association cultuelle de l’Eglise réformée de Pentemont Luxembourg. La totalité des travaux s’élèvent à 217 535 euros. Pourquoi cette participation de la Ville ? A mes yeux, cette subvention va à l’encontre de l’esprit de la loi de 1905, définissant les conditions de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Certes, du fait de cette loi, nous sommes propriétaires de certains bâtiments religieux pour lesquels nous avons obligation d’assurer des travaux d’entretiens. Mais, ce n’est pas le cas de ce Temple, qui lui est la seule propriété de cette association cultuelle. Alors, je répète, pourquoi cette subvention ? Je découvre à cette occasion que la Ville s’appuie sur le dernier alinéa de l’article 19 de la loi de 1905, qui stipule : « Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices religieux affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques ».

Cet article 19, a été ajouté à la loi de 1905, par une loi du 25 décembre 1942, publié au Journal officiel du 2 janvier 1943 ! Chacun appréciera la date, et mesurera combien, à cette époque, les principes républicains avaient la parole à cette époque. Oui, oui… vous avez bien lu. C’est bien durant la France de Vichy que la loi de 1905 a été modifiée, pour permettre ce type de subvention. Un décret d’application viendra préciser les choses le 13 juin 1966. Et bien, je pense qu’il faudra revenir là-dessus, et qu’un gouvernement de gauche devra abroger cet article 19, qui par son existence, remet en cause une grande partie de la cohérence de la loi de 1905. Mais, malgré l’existence de cet article, la Ville n’est pas contrainte d’attribuer ce type de subvention. Pourquoi le fait-elle ?

Ce fut tout le sens de mon intervention, que l’on peut écouter dans son intégralité après ce billet. J’ai rappelé qu’à l’Hôtel de Ville de Paris, un vibrant éloge de la laïcité a encore été prononcé il y a peu par Anne Hidalgo, lors de la remise du prix de la laïcité à Isabelle Adjani comme actrice de « La journée de la Jupe ». Cette soirée fut un hommage exemplaire à la laïcité, en présence de Caroline Fourest, de Catherine Kintzler, de Patrick Kessel, et d’Henri Pena-Ruiz (mon principal maître à penser en la matière), entre autres. Pour moi, on ne peut d’un côté exalter les principes de notre République et d’un autre côté les bafouer à la première occasion. Il faut en finir avec le pseudo pragmatisme qui consiste à laisser croire que les idées que l’on défend ne sont bonnes qu’en théorie et sont mauvaises en pratique. Or c’est précisément ce que fait la Ville en subventionnant sur fonds publics, avec l’argent des contribuables parisiens, une activité cultuelle qui ne devrait engager et concerner que ceux qui s’y adonnent. Laissons à la droite sarkozienne le soin de dire que la République a besoin de croyants, rejetant du même coup les athées et les agnostiques dans le statut de citoyens de seconde zone. Laissons lui le soin de conjuguer la déshérence des services publics et les privilèges aux religions investies d’une mission caritative et considérées comme d’intérêt public. J’ai rappelé que nous avons à construire une république laïque et sociale, réservant l’argent public qui provient de contribuables athées et agnostiques autant que de contribuables croyants aux œuvres d’intérêt général et à elles seules. Ce n’est pas le cas du culte religieux. C’est le cas de la culture, de l’instruction, de la lutte contre l’échec scolaire, de la santé, du logement social, et de tout ce qui permet à tous les êtres humains d’échapper au dénuement. Il n’est pas dans le rôle de la ville de financer un culte religieux, ni une maison de la libre-pensée, ni un temple maçonnique.

Oui, le fait de financer des travaux pour un temple qui est propriété privée d’une association cultuelle est une grave atteinte à la laïcité. La commune est-elle si riche qu’elle doive financer ce qui ne concerne que certains citoyens et est-elle si sûre d’avoir fait par ailleurs le maximum pour tout ce qui est d’intérêt général ? Est-ce à nous, par exemple, d’aider à ce que s’organisent des « jardins bibliques » ouverts aux enfants de 4 à 7 ans ? Nul sectarisme ne préside à ma démarche, mais le seul souci du bien commun, du respect de tous les contribuables, qui n’ont pas à subventionner à leur insu un édifice religieux qui ne regarde que certains d’entre eux.

La laïcité c’est le principe d’union du laos c’est-à-dire selon le terme grec du peuple tout entier, sans discrimination de certains par rapport à d’autres. Pour être fondée sur des principes justes une telle union requiert la liberté de conscience, l’égalité de traitement de toutes les convictions spirituelles et philosophiques, et la portée universelle de l’action publique. Liberté égalité universalité sont à l’évidence des principes de fraternité et de refus des communautarismes. Il en découle que le seul souci de la puissance publique et des collectivités qui l’incarnent aux différents échelons du territoire doit être l’intérêt de tous et non celui de certains, laissé à la sphère privée. L’égalité républicaine est ici en jeu. Or elle ne peut se réduire à l’égalité des religions entre elles.

La laïcité ne consiste pas du tout à combattre la religion, mais à considérer que la religion n’engage que les croyants, tout comme l’athéisme n’engage que les athées. Nous n’avons à financer ni un institut d’humanisme athée ni un temple religieux ni un temple maçonnique. Pourtant si on finance les religions la justice et l’égalité voudraient que l’on traite également l’humanisme athée ou maçonnique, et qu’on les finance aussi. Mais nous n’avons pas à communautariser l’argent public. En un temps où les services publics dévolus à tous les êtres humains sont si mal en point du fait d’une politique ultralibérale, il est aberrant que l’on puisse consacrer de l’argent à une option personnelle qui n’intéresse qu’une partie des citoyens.

Le temple en question n’est pas classé monument historique. Il n’est pas en libre accès ouvert à tous pour contempler des œuvres d’art ou se réunir pour parler de philosophie. Il ne joue pas de rôle culturel, et il est propriété privée. Il doit donc être entretenu par fidèles et eux seuls. Toute analogie avec la réparation des sculptures de la cathédrale de Paris après la grande tempête serait illégitime. Notre Dame de Paris est autant un musée que l’on visite qu’un lieu de culte. Elle appartient à la République, comme les édifices religieux transférés à la nation le 2 décembre 1989. Vitraux et sculptures font partie du patrimoine commun et c’est à ce titre que la puissance publique avait assumé les réparations requises par la tempête. Nous ne sommes nullement dans ce cas.

C’est pourquoi, selon le PG, ce qui nous est proposé dans cette délibération, entre en contradiction avec l’article deux de la loi du 9 décembre 1905, qui sépara l’Etat de toute Église quelle qu’elle soit. Cette loi stipule : « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». Certes la République doit maintenir en état les édifices qui font partie du patrimoine et qui lui appartiennent, mais elle n’a pas à subventionner des travaux qui sont d’intérêt particulier.

C’est en substance ce que j’ai dit hier matin pour m’opposer au vote de cette subvention.

Je vous laisse découvrir, dans la vidéo qui suit, la réponse faite par Danielle Pourtaud, l’adjointe au Maire de Paris en charge du dossier. Michel Charzat, Conseiller de Paris du 20e, et laïque militant siégeant désormais parmi les non inscrits, est intervenu, très finement, pour appuyer notre demande de rejet de cette subvention. Il fut le seul. C’est bien peu. L’UMP, par l’intermédiaire de Mme Laurence Douvin est intervenue pour s’indigner de mon intervention et, je la cite, « de mon agressivité ». Ce débat, selon elle, nous ramenait cent ans en arrière. Elle n’a pas totalement tort. Chaque fois que l’on remet en cause la loi de 1905, notre pays recule de près d’un siècle. Elle a logiquement appelé à voter pour cette subvention, après nous avoir tous invité à constater l’état des lieux de cultes à Paris ( !), assise à coté du jeune élu UMP Pierre-Yves Bournazel, qui lors du dernier Conseil de Paris s’était exclamé lors de mon intervention contre le Protocole d’accord Ville de Paris/UMP/Chirac : c’est Robespierre qui parle ! Je profite au passage, de l’occasion pour remercier mon « cher » collègue d’un tel hommage. Et puis, quand l’UMP m’attaque, je me dis que je suis sur la bonne voie.

Au terme de ce trop court débat, la délibération fut largement adoptée. Décevant. Seuls Danielle Simonnet, Michel Charzat, Aline Arrouze et moi-même ont voté contre. Quelques uns de mes amis communistes, Verts et PRG se sont abstenus, et le reste s’est prononcé favorablement.

Malgré ces petites défaites partielles, le combat laïque continue.


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