Fontainebleau : Dans un pays non fasciste, le rôle de la police est-il d’humilier et apeurer des jeunes de 15 ans ?

jeudi 21 octobre 2010.
 

Six jeunes gens ont été arrêtés entre 13h15 et 14h15, à l’issue d’une manifestation, jeudi, dans le centre ville de Fontainebleau par les forces de l’ordre. L’arrestation était musclée, l’un des jeunes se serait vu appliquer un sac de toile sur la tête, les bras tirés en arrière et frappé à plusieurs reprises. Pour les autres, la même méthode mais avec les capuches de leur jogging. Menottés, placés en garde à vue et accusés au final de rébellion à agent de la force publique, les lycéens ont vécu de l’intérieur les méthodes policières largement dénoncées depuis que le nombre de gardes à vue a explosé sous la politique du chiffre instiguée par le chef de l’état.

Cette manifestation n’avait pas vu de casseurs ou d’affrontements violents, pas d’agressions de policiers, de blessés, aucun flagrant délit au moment des faits.

La police prend son temps, les parents dans l’incompréhension.

Les adolescents étaient pour quatre d’entre eux (sur 6) inconnus des services de police : des élèves de seconde qui participaient à leur première manifestation. Le procès-verbal montré à des parents, truffé de fautes d’orthographes, indiquait que les jeunes étaient « recherchés ». Les descriptions des lycéens ne correspondaient pas à la réalité, les jeunes ne savaient même pas qu’ils étaient « recherchés » lorsqu’ils ont été interpellés, chacun en train de déjeuner tranquillement en ville dans des lieux différents ou chez eux. Leur garde à vue a été une épreuve qu’ils n’oublieront pas de sitôt, et à l’écoute de leurs témoignages ainsi que ceux de leurs parents, on peut se poser la question de savoir si la motivation principale de la police de Fontainebleau n’était pas d’humilier, impressionner, apeurer. La marque indélébile que ces policiers ont laissée à ces adolescents n’est pas prête de s’effacer : déshabillés (en caleçon), à 3 dans une cellule de 4 mètres carrés couverte de vomi, d’excréments, d’urine, l’un d’entre eux d’origine Africaine frappé à plusieurs reprises, dans une voiture de Police et dans sa cellule. Les parents témoignent des ricanements des policiers, de leurs menaces à peine déguisés sur l’issue judiciaire (voir interview de la mère d’un des jeunes).

Déferrement chez le juge

Les lycéens ont été amenés en fourgon le lendemain matin au Palais de Justice de Melun. Moqueries des policiers avant d’arriver qui leur parlent de « fleury-merogis ». La juge n’avait pas de temps pour ces affaires « en plus », les jeunes gens ont donc attendu dans une cellule de dépôt au sous-sol, leurs parents dans le tribunal. En fin d’après-midi : mise en examen pour rébellion, un procès aura lieu à une date indéterminé. Le problème soulevé par les parents reste entier, au delà de ces méthodes et des conditions de détention inacceptables, de l’attitude impardonnable de la Police qu’ils veulent dénoncer. Pourquoi les arrêter une heure après les événements, pourquoi ces méthodes ? Les descriptions de la Police ne correspondent pas mais des vidéos montrent d’autres adolescents portant des vêtements correspondant au signalement précis d’un procès-verbal. Les jeunes auraient-ils été choisis en dépit, parce que les officiers de Police ne trouvaient pas ceux qui étaient décrits dans l’avis de recherche ? La dignité des personnes n’a pas été respectée dans cette affaire et l’on semble oublier que des adolescents de 15 ou 16 ans, plus fragiles par définition que des adultes peuvent voir leur équilibre psychologique, leur avenir perturbé par ce type de mise en détention et de manquements à la dignité humaine.

2) Appel à témoins et constitution d’un comité contre la répression policière à Fontainebleau

Bonjour,

Je me permets de vous écrire car mon fils et 4 de ses camarades viennent de vivre un cauchemar.

Mardi dernier, les lycéens de Fontainebleau en seine et marne avaient décidé d’organiser une manifestation ; manifestation autorisée et encadrée par la police.

Mon fils de 15 ans y était comme la majorité de ses camarades.

La manif semblait se passer de façon calme et festive quand les CRS environ à midi sont arrivés pour faire face au cortège. Mon fils, voyant les choses mal tourner, est parti dans les rues piétonnes et ils ont déjeuné en bande dans une pizzeria, (j’ai le témoignage de la patronne de restaurant).

Une fois le repas fini, les gamins se dirigeaient vers le lycée quand ils ont été arrêtés les uns après les autres, de façon violente (capuche sur la tête, menottage sévère, propos humiliants de la part des policiers). Ils ont été emmenés en garde à vue et nous parents avons été prévenus de la garde à vue de nos enfants pour selon leurs mots « violence contre les forces e l’ordre, jets de bouteilles, jets de cailloux).

6 gamins âgés de 15 ans à 16 ans furent donc mis en garde à vue.

Une fois arrivés sur les lieux, on nous explique que les faits sont graves, qu’ils étaient recherchés depuis la fin de manif (ils ont été arrêtés deux heures après la fin de l’escarmouche) et qu’ils savaient pas encore ce qu’ils allaient faire. Au sujet de mon fils, me fut dit : « jets de pierres, de bouteilles, insultes".

Quelques heures après, on avait pas le droit de voir les gamins, le père a pu lire les déclarations que notre fils avait fait : il reconnaissait un jet d’un débris de tomate avant que les évènemebnts deviennent plus graves. Par contre, il expliquait qu’il n’avait rien lancé contre la police, qu’il avait juste repoussé un bout de grenade lacrimogène qui étouffait un bébé coincé comme lui avec sa mère dans le cordon de crs.

Puis il expliquait qu’il était parti manger pour s’éloigner de tout ce bazar.

L’inspecteur nous annonce alors que les 6 gamins seront gardés la nuit au poste et qu’ils auraient une comparution immédiate devant le procureur au tribunal de melun le lendemain matin. Stupéfaits, on demande à nouveau le motif : jets de pierres et de bouteilles, les motifs sont flous, l’inspecteur nous disant que les momes ne reconnaissent rien et ne veulent rien avouer !

Nous décidons de faire le pied de grue au commissariat dans l’espoir de voir notre fils. Un policier vient nous voir et nous demande de faon agressive de quoi souffre notre fils. stupéfaction de notre part, lui disant que mis à part une tendance à l asthme on n’a pas notion de ce qu’il veut dire.

Il nous répond alors « ah il fait une bonne crise de cinéma, on est obligés d’appeler les pompiers mais vous ne pouvez pas le voir, de toute façon il fait du cinoch »

Les pompiers arrivent, auscultent notre gamin qu’on voir derrière une fenêtre,. Il fait des malaises à répétition, respire difficilement, est très pâle et pleure en disant qu’il veut nous voir, qu’il a rien fait. Les pompiers l’emmènent à l hopital, j’ai juste le temps de le serrer dans mes bras, il tient à peine sur ses jambes.

Le policier de garde nous suit jusqu’au camion de pompiers, me repousse et dit à mon fils : « allons tu fais du cinéma, c’est normal tu viens de comprendre que demain tu dormiras en maison de redressement »

Nous avons suivi le camion de pompier, forcé tous les barrages et pu enfin voir notre fils un petit quart d heure, grâce à la complicité d’un des deux flics qui le surveillaient à l hopital. L’enfant est très angoissé, respire très mal, n’a rien mangé.

Le médecin conclue à une crise de spasmophilie et le renvoie en cellule avec un sac en plastique contre l’angoisse, et des sopalins.

Ces deux objets lui sont enlevés immédiatement.

On demande aux policiers de le nourrir à l’arrivée, la réponse fut que ce n’était pas possible, car les repas administratifs étaient distribués pendant sa crise et qu’il l’avait refusé. La case ’refusé’ était notée donc c’était trop tard pour manger. Nous n’avions pas le doit d’amener quelque chose non plus. Finalement nous sommes arrivés à régler le problème et il a pu manger un kebab amené par nos soins vers minuit.

Ils ont donc passé la nuit ainsi, le lendemain nous nous sommes retrouvés au tribunal de Melun. Et une attente infernale a commencé : nous n’avions toujours pas vu les enfants, nous apprenons que ce n’était pas une comparution immédiate devant procureur mais un déferrement, nous rencontrons un éducateur et à 16 heures, nous n’étions pas plus avancés. Nous savions juste que les gamins étaient en cellule, au dépôt et qu’aucune info ne leur était donnée.

L’éducateur est venu me voir pour me dire que mon fils allait très mal, qu’il était en pleine crise de claustrophobie mais qu’il pouvait rien faire.

Les audiences ont finalement eu lieu entre 17h30 et 20 heures.

Mon fils a eu une mise en examen et un procès est prévu dans quelques mois pour des actes qu’il n’a pas commis. Je précise qu’il n’a aucun casier judiciaire, qu’il est un enfant poli, respectueux et que tout cela ne lui ressemblait pas du tout.

Enfin on a sorti notre fils mercredi soir.

Nous avons lu la déclaration de la police et y avons noté des discordances : la description des habits de mon fils ne correspond pas à la réalité il est dit qu’il a lancé un bout de tomate et lancé une grenade alors qu’on nous avait dit jets de pierres et de bouteille

Depuis cette histoire, mon fils est fortement choqué. Il ne veut plus aller au lycée seul, a peur dès que des policiers sont dans les parages, ne dort plus, angoisse beaucoup. Les autres enfants interpellés sont eux aussi dans un état psychologique préoccupant. Sur les 6, un seul avait déjà un casier judiciaire, pour les autres, ils étaient inconnus des services de police. Ils rentraient tranquillement chez eux ou au lycée quand ils furent arrêtés.

Aucun d’eux n’avait provoqué les crs ou la police.

Je tenais à vous raconter cette histoire en espérant que vous en ferez quelque chose. Je souhaite également informer les journaux. Mediapart, Rue89, Libé sont au courant mais ne me répondent pas.

Par ailleurs, ayant pris un avocat, je ferai tout pour que nos enfants soient reconnus comme victimes et non comme coupables. Je pense que c’est cela qui pourrait leur redonner leur santé psychologique. par ailleurs, mon fils me raconte depuis deux jours des choses invraisemblables, dignes des pires pays au monde.

Les autres enfants racontent la même chose, donc nous les croyons : coups de la part des policiers pendant la garde à vue réflexion humiliante moqueries du genre : "alors content d’avoir fermé tous les emplois qui auraient pu vous prendre quand vous serez adultes ? » ; « demain soir c’est à fleury que tu dormiras » et j’en passe et des meilleures on les a déshabillés (sauf le caleçon) et inspectés minutieusement on ne leur a jamais donné d’infos concrètes sur ce qui allait se passer etc….

C’est une honte ! je suis révoltée, dégoûtée par ces pratiques policières, que cherche-t-on ? à détruire notre jeunesse ? à leur enlever leur conscience politique naissante ?

Dans l’attente et le besoin de vous lire Cordialement

Marie Pierre L B

http://www.dazibaoueb.fr/article.ph...

1) Interview de la mère d’un des 6 adolescents passé en comparution immédiate le lendemain de sa garde à vue

« 6 lycéens entre 15 et 16 ans se sont vus arrêter à Fontainebleau, une heure après la dispersion de la manifestation. Menottés, placés en garde à vue, puis déférés devant un juge le lendemain matin, la mère de l’un d’eux accepte de répondre à mes questions : le sentiment d’injustice, les pratiques policières scandaleuses, le traumatisme subi sont trop importants pour que le silence soit de mise pour cette formatrice qui ne comprend pas que la Police puisse avoir des comportements aussi inhumains, plus particulièrement avec des adolescents, fragiles psychologiquement par définition. Pascal Hérard : Comment avez-vous appris la garde à vue de votre fils ? M.L : « Le commissariat m’a appelé à 14h25, 25 minutes après l’arrestation, un coup de fil très succinct. L’inspecteur m’a juste dit « violence au cours de la manifestation ». Lorsque j’ai demandé ce qu’on pouvait faire, sa réponse a été très évasive, il a pris les coordonnées du père, que j’ai données. On ne pouvait pas avoir beaucoup d’informations. Quand j’ai demandé combien de temps il allait rester, il m’a dit 24h reconductibles. Je lui ai dit « il a quand même que 15 ans », c’est là où il m’a dit qu’à 15 ans « ils avaient autre choses à faire que manifester ». Je me suis sentie accusée.

Pascal Hérard : Vous êtes allée au commissariat, comment cela s’est-il passé ?

M.L : Le père de mon fils était déjà arrivé et m’a donné les informations qu’il avait : il était 18h, le gamin était interrogé avec cinq autres, eux aussi en garde à vue, aucune décision n’était prise, et il n’était pas question qu’ils les gardent plus. A priori ils allaient être relâchés après cet interrogatoire et ces quatre heures de garde à vue. On est allé devant le commissariat et un inspecteur nous a rejoint. Il s’est présenté comme responsable de l’enquête et nous a annoncé qu’ils le gardaient pour la nuit, que le lendemain notre fils passerait en comparution immédiate devant le procureur. J’ai demandé des précisions, je savais que la sanction pouvait être grave. Il est toujours resté flou. Il a parlé de jets de bouteilles, d’une sanction pouvant aller jusqu’à un placement judiciaire en centre.

Pascal Hérard : Mais qu’est-ce qui était réellement reproché à votre fils ?

M.L : « On a jamais trop su, il parlait régulièrement de jets de cailloux sur les policiers. Mais on a jamais pu avoir un motif fixe et précis à ce moment là. »

Pascal Hérard : A partir de là les événements se sont enchaînés ?

M.L : « Le père a pu lire la déposition de notre fils, j’ai demandé à le voir, on me l’a refusé sous prétexte que la procédure l’interdisait. On a attendu dans le commissariat. Un policier est venu me voir et m’a demandé de quoi souffrait mon fils. Je ne comprenais pas. Le policier m’a dit, « on a appelé les pompiers, il fait une bonne crise de cinéma ». Ils l’ont sorti de la cellule, placé dans une pièce vitrée où on pouvait l’observer, il était blanc comme un linge. Il a perdu connaissance. Il a demandé ensuite à nous voir, s’est mis à crier. Un policier est venu, ricanant, et nous a dit que « c’était un bon coup de cinéma. » Les pompiers ont fini par l’emmener à l’hôpital, je suis arrivé à sortir avec lui. J’ai été repoussée lorsque j’ai voulu l’accompagner. Un policier m’a dit : « il rigolera moins demain quand il sera en maison de redressement. Le médecin a conclu à une crise de spasmophilie et lui a donné un sachet plastique pour qu’il puisse respirer dedans, mais ensuite le sachet lui a été retiré par les policiers. Pareil pour serviette en papier qu’il demandait parce qu’il avait peur de vomir dans la cellule déjà pleine de vomi. Comme il avait refusé à manger en pleine crise de spasmophilie, ils ont refusé qu’il mange ensuite ou qu’on lui amène à manger. La case « a refusé le repas administratif » avait été cochée, donc ce n’était plus possible. Ils l’ont emmené et on ne la plus revu jusqu’au lendemain après-midi, chez le juge. »

Pascal Hérard : Le lendemain matin les 6 adolescents ont été déférés devant le juge, qu’est-ce que vous pouvez en dire ?

M.L : « Dans un premier temps, pour nous ce n’était pas un déferrement, mais une comparution immédiate devant un procureur. On avait contacté un ami avocat qui était très étonné et inquiet de cette comparution immédiate. Une fois monté dans le bureau du juge il a compris que c’était un déferrement, un passage devant le juge pour enfants. Un éducateur est venu nous voir dans la matinée, nous a questionnés. Il était plutôt positif après nous avoir parlé. On savait juste que les enfants était dans un dépôt. On a passé toute la journée à attendre. Mon fils est finalement passé devant la juge à 17h, dans un bureau, avec nous, un policier qui le surveillait, l’avocat, un greffier. Ca a duré 10 minutes. Le motif a été lu : rébellion et violence contre agent de police. Ce qu’il reconnaît c’est d’avoir envoyé un débris de tomate sur un policier et d’avoir écarté une grenade lacrymogène en direction des forces de l’ordre qui étaient très loin, parce que la grenade était tombée près d’une poussette. La juge a prononcé une mise en examen et indiqué qu’il y aurait procès dans un délai indéterminé. »

Pascal Hérard : Quel est votre sentiment aujourd’hui ?

M.L : « D’abord un sentiment de colère. Je suis extrêmement surprise aussi qu’on puisse traiter des enfants de cette manière là. Ils ont été traités comme s’ils avaient tué quelqu’un. Je suis en colère qu’on puisse traiter les personnes de façon aussi inhumaine. Même s’ils avaient fait ce qu’on leur reprochait, j’estime que ces procédures d’interdire le droit de manger après une crise de spasmophilie, de les enfermer à trois dans une cellule de quatre mètres carrés pleine de vomi, couverte d’excréments et d’urine, c’est scandaleux, et ça va contre la convention des droits de l’enfant. Il y a une déchéance qui est terrible. L’un des 6 adolescents d’origine Africaine a été frappé une partie de la nuit, c’est ce que m’a dit mon fils et l’un des autres en cellule avec eux. Ils ont été déshabillés, à quoi ça sert ? J’ai de la peur aussi, parce qu’on se rend compte qu’une fois que le système est en marche, il peut vous écraser. Un grand sentiment d’impuissance et d’injustice. Ces adolescents payent pour les autres, pour autre chose. »

Pascal Hérard : Que vous dit votre fils après après ces événements marquants ?

M.L : « Il a peur. Il dit qu’il va éviter tout signe distinctif, qu’il ne se sent pas en sécurité. Qu’il évitera tout mouvement de foule, manifestation, qu’il se sent fiché, mais il est fiché d’ailleurs, réellement. Il a enlevé sa boucle d’oreille, il se sent catalogué, sur ses vêtements par exemple. Sans compter qu’avec le procès il risque d’avoir un casier judiciaire. A 15 ans, pour un débris de tomate ça fait un peu beaucoup quand même. » Propos recueillis au domicile de la mère d’un des adolescents qui désire rester anonyme par inquiétude sur la suite des événements. Un collectif de soutien est en cours de constitution, des témoignages complémentaires d’adultes présents lors de la dispersion de la manifestation affluent .


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