Critique des médias et de Pujadas : Mélenchon a raison

lundi 18 octobre 2010.
 

Un court extrait d’un film de Pierre Carles (« Fin de concessions » à paraître prochainement) circulant sur le net a déjà été vu en une journée par plusieurs centaines de milliers de personnes. Il continue de se répandre à grande vitesse. Cela s’appelle un « buzz ». On peut le voir en cliquant ici.

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Cet extrait met en scène mon camarade Jean-Luc Mélenchon réagissant à la façon dont lors d’un journal de 20h00, le journaliste de France 2, David Pujadas, mène une interview de Xavier Mathieu, responsable syndical des travailleurs de l’usine Continental de Clairoix dans l’Oise. Cette interview date du 21 avril 2009, les 1120 salariés de l’usine viennent d’apprendre que leur demande de plan de sauvetage a été rejetée par les pouvoirs publics. Les locaux de la Préfecture de l’Oise à Compiègne font les frais de leur colère. D’un coté, plus de mille personnes viennent de perdre leur emploi. De l’autre, quelques ordinateurs sont renversés, des vitres sont brisés.

Devant des millions de spectateurs, qu’est-ce qui indigne M. Pujadas, d’après vous ? Ce n’est pas le sort de plus de mille personnes. Non, non. C’est le matériel de bureau détruit et les tables renversées. Alors que Xavier Mathieu est un héros, il est présenté comme un délinquant. Pouah !

Une telle outrance. Une telle arrogance. Je dirai même une telle absence d’empathie élémentaire avec le sort de plus de mille personnes, arrache un murmure d’indignation à Jean-Luc : « salaud ! ». Puis, il précise son propos : « larbin »…« laquais ». Et le buzz s’enclenche. Un murmure de trop. Outrage ! JLM a osé insulter un journaliste.

Soyons franc. Qui n’a jamais poussé un cri de colère en regardant un journal télévisé ? Le cas présenté au jugement de Jean-Luc par Pierre Carles est un cas d’école. Les questions ici posées par M. Pujadas à Xavier Mathieu sont indignes. Une telle présentation des mouvements sociaux n’est pas acceptable. Car, où est la violence, la vraie, si ce n’est dans l’attitude des patrons de cette entreprise qui ont licencié pour augmenter leurs bénéfices ? Je rappelle que dans l’affaire des « Contis », six ouvriers sont depuis passés en procès après les « évènements » de la Préfecture de Compiègne. Ces ouvriers ont été condamnés une première fois de 2 à 5 mois de prison avec sursis, puis en appel à des amendes de 4 000 euros. Et parallèlement, la direction de Continental a envoyé une lettre à ses salariés licenciés pour leur proposer une nouvelle embauche à 137 euros par mois en Tunisie ! Révoltant.

La vulgarité du capitalisme est là. Pas dans un mot de rage laché par Jean-Luc devant des images. Qu’importe l’honneur froissé d’un présentateur TV. Lui s’en remettra très vite, pas les familles des salariés licenciés. D’autant que le même David Pujadas était d’une rare obséquiosité face à Nicolas Sarkozy lors d’un entretien au mois de juillet dernier. Ce déséquilibre de comportement selon la personne interrogée est choquante. Quel journaliste ne le perçoit pas ? Quel professionnel de l’information ne comprend pas qu’il y a là une attitude qui met en danger la crédibilité du beau métier de journaliste ? Notre société a besoin de journaliste, mais de journaliste debout, pugnace, accrocheur,… c’est une nécessité démocratique. Par contre, le journaliste couché, complaisant avec les puissants, accusateur envers ceux qui subissent la violence de notre société pose un problème démocratique de fond.

C’est un débat qui dure depuis plus de 30 ans. En 1972, Le Programme commun du PS et du PCF affirmait : « l’ORTF qui devrait être au service de la nation, est un instrument de propagande entre les mains du pouvoir, lui-même au service des puissances d’argent. » Si le paysage audiovisuel est différent à présent, les choses ont-elles fondamentalement changé en 2010 ?

Le débat démocratique de la critique des médias doit donc reprendre. Il ne peut pas être porté seulement par des associations comme Acrimed . Tous les militants politiques y sont confrontés au quotidien dans leur action. C’est le principal vecteur par lequel passe leur message politique. C’est un débat majeur de société. La gauche a su le porter. Pourquoi avons-nous perdu ce courage critique ? J’invite chacun à relire les discours et les ouvrages écrits dans les années 70, à commencer par ceux de François Mitterrand. Je pense par exemple à La paille et le grain. Il y écrit notamment : « les géants de la presse bloquent les issues en faveur de Giscard. Les millions d’exemplaires qu’ils diffusent chaque jour, chaque semaine, s’acharnent à déconsidérer la gauche. » Beaucoup d’autres pages encore s’en prenaient aux pouvoirs des médias.

Cette critique, il faut la reprendre, d’autant que les médias n’ont cessé de prendre du poids dans notre vie sociale. Alors certes, les mots de JLM ne sont pas tendres avec M. Pujadas. Mais, la colère est-elle indécente devant une caméra ? Et, soyons honnête, depuis Jean-Paul Sartre, le terme de « salaud » signifie bien plus que sa grossièreté apparente. Dans La nausée, Sartre explique : « Le salaud est celui qui, pour justifier son existence, feint d’ignorer la liberté et la contingence qui le caractérisent essentiellement en tant qu’homme ». Egoïste et lâche tel est aussi le « salaud » sartrien. Quel autre terme pouvait être mieux adapté à la situation ? La polémique serait elle différente si les mots utilisés étaient « faquin », « maraud » ou « coquin » ? Mais qui parle encore ainsi ?

C’est pour que le métier de journaliste retrouve toute sa liberté que le débat posé par Jean-Luc Mélenchon est indispensable et salutaire. Je le soutiens.


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