La radicalisation commence à gagner du terrain au sein des organisations syndicales (article de Libération)

jeudi 7 octobre 2010.
 

Ça passe... ou ça bloque. Après six mois et cinq journées d’action, le mouvement contre la réforme des retraites pourrait prendre une tournure plus inquiétante pour le gouvernement. Jusque-là très encadrée par les centrales syndicales, la contestation montre quelques signes d’une possible radicalisation. Et crée des tensions au sein de certaines organisations.

A Total, les salariés ont à chaque fois prolongé de vingt-quatre heures les journées de grève du 7 et du 23 septembre, avec des taux de grévistes allant de 50% à 80% suivant les raffineries. Pour le 12 octobre, c’est à nouveau une grève reconductible qui sera proposée aux salariés. « On s’épuise à faire des grèves saute-mouton, regrette Charles Foulard, délégué CGT à Total. Il faut désormais penser à une grève générale, seule à même de faire plier le gouvernement. » Au port du Havre, une grève a débuté dès vendredi et devrait durer jusqu’à lundi matin, bloquant l’activité sur tous les terminaux à conteneurs. A Marseille, c’est tout un ensemble de secteurs - bus, cantines, crèches, commerces, ports - qui est touché, en lien avec la réforme des retraites, mais aussi en raison de revendications plus sectorielles. « Pour faire reculer le pouvoir, il ne suffit plus de mettre trois millions de personnes dans la rue, estime Claude Michel, de la fédération CGT spectacle. Seule la généralisation de la grève permettrait d’amplifier le rapport de forces. » Dans l’Education nationale, des assemblées générales sporadiques et des grèves reconductibles ont eu lieu la semaine dernière, mais restent pour l’instant minoritaires. « Il faut arrêter les journées prétextes proposées par les grandes centrales, et pousser pour des grèves reconductibles », insiste Sud éducation Paris.

Aux sièges des grandes centrales, on reconnaît, comme à la CGT, que « nombre de salariés ont envie d’en découdre ». Tout en rétorquant que la grève générale ne se décrète pas, mais se décide entreprise par entreprise. Et l’on refuse, surtout, de se sentir en porte-à-faux. « On ne craint pas la radicalisation, avance ainsi Eric Aubin, le Monsieur Retraites de la CGT. Et si elle a lieu, ce sera la responsabilité du gouvernement, dont personne ne comprend aujourd’hui l’entêtement. » Reste que plusieurs militants, au sein de l’organisation de Bernard Thibault, jugent leurs responsables frileux. « Ça brasse chez eux, surtout dans le contexte actuel de recentrage de la direction », observe un dirigeant d’une autre organisation syndicale. En Auvergne, les militants en sont même venus aux mains, entre partisans de la ligne confédérale et tenants d’une contestation plus affirmée au projet du gouvernement. Opposant déclaré à Bernard Thibault, Jean-Pierre Delannoy, de la métallurgie du Nord, estime, lui, que « ça commence à devenir très tendu en interne ». Et d’affirmer que, après « dix ans d’échecs sur les enjeux sociaux (hormis le CPE), une défaite sur les retraites serait un désastre pour le mouvement syndical ».

Par LUC PEILLON


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