Ensemble pour le « non »

mercredi 25 mai 2005.
 

Politiques, syndicalistes, associatifs, artistes, ils expliquent pourquoi ils voteront « non » le 29 mai.

Jean-Jacques Boilaroussie (animateur des Alternatifs)

Le traité met en cohérence les politiques libérales menées jusqu’à présent, ancre dans la durée cette orientation économico-politique et l’idéologie qui la légitime, et pose des obstacles majeurs à sa remise en cause, démocratique, écologique, sociale. Il accentue l’écrasement de la vie démocratique, de la mise sous tutelle des collectivités locales au rôle central de la Commission.

Le « non » de gauche, c’est le refus de l’aller simple pour un capitalisme autoritaire, le désaveu des partisans de la résignation, l’irruption des peuples dans le processus de construction européenne... et une rébellion collective contre la sainte alliance des possédants et de leur commis politiques.

Maxime Combes (militant à Attac)

Parce qu’il est antidémocratique qu’une Constitution définisse pour une durée illimitée des choix politiques et économiques - surtout s’ils sont libéraux - et y assujettisse les générations futures ; et parce que voter « oui » revient à légitimer le tournant ultralibéral de la construction européenne depuis l’Acte unique européen, je voterai « non » le 29 mai, sans aucun scrupule, un « non » d’espoir pour une autre Europe dans un autre monde.

Annick Coupé (porte-parole nationale de l’Union syndicale Solidaires)

Nous sommes opposés à ce traité constitutionnel parce qu’il met au centre de la construction européenne, en leur donnant une valeur supérieure, politique et juridique, les politiques libérales que nous combattons depuis des années. Un marché intérieur où « la concurrence est libre et non faussée », « la libre circulation des services, des marchandises et des capitaux » : ces principes fondamentaux du libéralisme sont ainsi constitutionnalisés. Toutes les luttes sociales de ces dernières années se sont opposées à ces politiques ; accepter cette Constitution serait renier nos combats d’hier et nous lier les mains pour les combats de demain !

Jacques Cotta (grand reporteur France 2, un des initiateurs de la pétition « Le “non” censuré dans les médias, ça suffit ! »)

Les moyens considérables dont a profité le « oui », bénéficiant d’une grande complaisance dans les médias, préfigurent ce que nous prépare le texte constitutionnel s’il était approuvé le 29 mai. La Banque centrale, le Conseil européen, la Commission pourraient constitutionnellement s’abriter derrière le secret et interdire toute information sur leurs intentions et leurs actions. Le droit d’informer serait entravé, la démocratie bafouée, et notre souveraineté, à terme, liquidée, dès lors que la possibilité de débattre et de décider de nos propres affaires nous est retirée.

Monique Dental (initiatrice de la Coordination féministe pour le « non » à la Constitution de l’Appel des 200)

La référence à l’égalité des hommes et des femmes, totalement absente de la version initiale du traité, a été rajoutée in extremis à l’article I-2. Pour autant, elle n’est plus érigée au rang des valeurs qui fondent l’Union et devient seulement un objectif. Cette question est importante, puisque ce sont les valeurs qui forment les critères d’adhésion. Face à la multiplication des pays entrants ou potentiellement candidats, les conventionnels ont fait sauter le verrou de l’égalité hommes-femmes, qui est un obstacle à l’élargissement. Ainsi, c’est la notion même « d’égalité » qui s’en trouve disqualifiée.

Élisabeth Gauthier (animatrice d’Espaces Marx)

Parmi les principaux arguments pour voter « non » : le seul vote efficace pour s’opposer aux droites populistes et extrêmes, c’est le « non » de gauche. C’est le néolibéralisme avec son cortège de souffrances sociales, de déficit politique face au marché, qui leur prépare le terrain et favorise leur impact idéologique et politique. Les élections européennes ont donné un aperçu de la crise politique en Europe. Seule voie pour ouvrir d’autres perspectives : développer une offensive, une politique à gauche. Cela passe par le « non » de gauche en France.

Alex Gordon (secrétaire régional du syndicat des cheminots britannique, RMT)

Pour des syndicalistes de Grande-Bretagne, un « non » français à la Constitution européenne aurait une grande importance. À notre avis, la Constitution représente la construction d’un nouvel État européen - avec une économie thatchérienne, liée à la privatisation des entreprises publiques, au dumping social - et un assaut continental contre les acquis sociaux. La Constitution introduit une armée européenne et elle confirme l’absence de démocratie au coeur du projet européen. C’est une charte de business, qui reste à l’opposé des intérêts de la classe ouvrière partout en Europe.

Stéphane Lhomme (porte-parole du Réseau Sortir du nucléaire)

En tant que militant antinucléaire, je ne peux voter que contre cette Constitution car :

• elle confirme le traité Euratom, qui finance massivement l’industrie nucléaire depuis 1957 avec l’argent public européen ;

• le droit de pétition d’un million d’Européens ne s’applique pas à Euratom, contrairement à ce que croient beaucoup d’écolos ;

• la Constitution prévoit qu’elle-même ne peut déroger aux dispositions d’Euratom, lequel ne peut être modifié qu’à l’unanimité. Il suffit d’un pays (au hasard : la France !) pour s’y opposer.

Gérard Mordillat (cinéaste)

Je voterai « non » pour des raisons philosophiques. C’est philosophiquement inacceptable que le but d’une Constitution soit d’organiser un marché. Ensuite, je pense que ceux qui se sont autodésignés comme constituants n’avaient aucun mandat pour le faire. Une démocratie qui se respecte aurait d’abord dû faire élire une assemblée constituante. Il y a eu un rapt de la démocratie. Puis, en appelant au référendum, Chirac voulait faire plébisciter sa personne et sa politique. Cette dimension de politique intérieure ne doit pas être évacuée.

Les Panthères roses (association lesbienne, gay, bi et trans)

Le traité constitutionnel européen n’est pas une avancée pour les de droits des femmes et des LGBT. Rien de nouveau dans la charte « des droits fondamentaux », qui interdit toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle (article II-81), principe déjà adopté en 2001 ! Rien du tout sur l’identité de genre, les droits des trans ne sont donc pas fondamentaux ! Rien de concret sur les droits des femmes : le droit des femmes à disposer de leur corps n’est pas garanti.

Femmes, lesbiennes, gays, bi, trans, nous ne nous laisserons pas abuser par une charte de droits fictifs, qui cache mal l’avènement d’un libéralisme effectif. Le 29 mai, nous voterons « non » !

Laurent Pirnay (collaborateur à IRW-CGSP, Belgique)

L’IRW-CGSP s’est prononcée il y a près d’un an contre le traité constitutionnel. Pour nous, les autorités publiques sont les garantes de l’intérêt général. Elles doivent, par l’organisation de services publics, par la création de mécanismes de sécurité sociale, participer à la redistribution des richesses et à la régulation de l’économie. Or nous constatons que l’article I-5 du traité confie à l’État des missions essentiellement coercitives et que les services publics restent ignorés. Nier les services publics, c’est interdire à de nombreux citoyens de vivre conformément à la dignité humaine.

Dominique Rousseau (professeur à l’université de Montpellier, spécialiste de droit constitutionnel)

Les électeurs qui ont voté contre la Constitution de 1958 n’étaient ni antifrançais ni contre une Constitution pour la France ; ils voulaient seulement une Constitution plus équilibrée... et l’expérience montre qu’ils n’avaient peut-être pas tort. De même, en 2005, s’opposer à la « Constitution Giscard » n’est pas dire « non » à l’Europe ni même à une Constitution européenne ; c’est manifester la volonté d’une autre Constitution pour l’Europe, moins idéologique et plus démocratique. « Non » à la constitutionnalisation du dogme libéral.

Yves Salesse (coprésident de la Fondation Copernic)

Il faut dire « non » parce qu’il n’y a pas une raison de dire « oui ». Nous sommes contre les politiques libérales, ce texte les constitutionnalise. Nous sommes internationalistes, ce texte attise la xénophobie. Nous sommes pour l’harmonisation sociale, ce texte l’interdit. Nous sommes pour les services publics, ce texte les mine. Nous sommes pour la démocratie politique, ce texte aide à la vider de sa substance. Nous sommes pour l’Europe, ce texte la paralyse, la réduit à une zone de libre-échange. Il faut dire « non » parce que l’on veut, en plus, humilier les victimes des politiques libérales en leur faisant dire qu’elles sont consentantes.

Jean-Émile Sanchez (porte-parole de la Confédération paysanne)

Le traité constitutionnel qui sera soumis à référendum en France le 29 mai est une imposture et une mauvaise fable, celle du renard libre dans un poulailler libre.

Les intentions affichées par les premières politiques agricoles de la Communauté européenne étaient séduisantes : il s’agissait d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et de porter le revenu des paysans au niveau de ceux des autres catégories socioprofessionnelles. Mais, une fois atteinte l’autonomie alimentaire, l’outil de production s’est développé de telle sorte que l’industrie et les potentats syndicaux agricoles en ont fait une arme économique sur le marché mondial.

Évelyne Sire-Marin (magistrate, coprésidente de la Fondation Copernic)

La charte des droits fondamentaux ne crée pas de droits effectifs, mais énonce des principes éthérés. C’est un peu comme si on avait créé le droit du travail sans les conseils de prud’hommes pour le faire respecter !

La justice dont il est fait état dans ce texte n’est pas la justice sociale. C’est pour l’essentiel, d’une part la justice commerciale, et d’autre part la coordination des officines policières européennes de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration. En outre, le traité constitutionnel entérine la discrimination entre les citoyens de l’Union, qui bénéficient de droits civils et politiques, et les « ressortissants des pays tiers », qui n’en ont pas.

Pierre Vanek (député national de SolidaritéS, en Suisse)

Nous appelons tous les Français et Françaises en Suisse à voter « non » le 29 mai à l’Europe des multinationales. Ce serait une victoire chez nous aussi pour celles et ceux qui veulent une Europe des droits des salariés, des femmes, des jeunes en formation, des retraités... Une Europe pacifiste et solidaire du tiers monde. Ce serait une défaite dans notre pays aussi, des dominants, de la droite patronale qui démonte les acquis sociaux et démocratiques du demi-siècle écoulé. Seul le « non » ouvre une porte sur l’autre Europe que nous voulons !

Daniel Villanova (auteur et acteur, humoriste)

Vous le savez, depuis des années, je n’ai pas compté mes efforts pour vous faire marrer. Aujourd’hui, l’occasion vous est donnée de m’offrir à votre tour un des plus beaux fous rires de ma vie. En votant « non » majoritairement, vous me donnerez le spectacle burlesque le plus grandiose, celui dont je n’avais pas osé rêver : François Hollande pleurant dans les bras d’Ernest-Antoine Seillière ; Daniel Cohn-Bendit fondant en larmes sur l’épaule de Nicolas Sarkozy ; le gros Pierre Mauroy s’écroulant de tout son poids sur le si fragile Douste-Blazy, etc. Les éléphants du PS et les dinosaures de l’UMP dans la même salle des urgences, l’âme meurtrie des mêmes plaies et bosses !


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