"Nous irons jusqu’au bout contre la réforme des retraites" (entretien avec Bernard Thibault)

lundi 6 septembre 2010.
 

Face à un président qu’il estime fragilisé, Bernard Thibault durcit le ton. Il appelle à des assemblées générales au lendemain de la grève du 7 septembre.

A huit jours de la mobilisation contre la réforme des retraites, le secrétaire général de la CGT fait dans « le Parisien » et « Aujourd’hui en France » sa rentrée. Très critique envers Nicolas Sarkozy, qu’il accuse de chasser sur les terres du FN, il juge que l’affaire Woerth-Bettencourt est un « motif supplémentaire d’exaspération » pour les salariés.

Après la journée du 7 septembre, où il table sur plus de 2 millions de manifestants, il annonce déjà de nouvelles actions.

Le gouvernement vient d’annoncer son intention d’amender le projet de loi sur les retraites dès le 7 septembre, concernant la pénibilité, les polypensionnés, les carrières longues. Votre réaction ?

BERNARD THIBAULT. Il n’y a absolument rien de nouveau. Le 24 juin, Nicolas Sarkozy avait déjà demandé aux ministres de rester en contact avec les organisations syndicales sur la pénibilité, les carrières longues et la situation des polypensionnés.

Un président de la République au plus bas dans les sondages, un ministre du Travail affaibli par l’affaire Woerth-Bettencourt… Ce climat politique difficile pour Nicolas Sarkozy peut-il jouer en faveur des syndicats à huit jours de la mobilisation ?

Le président de la République est plus fragile en cette rentrée qu’avant l’été lorsqu’il a annoncé la philosophie du projet de réforme des retraites. Depuis, les Français savent à quoi s’attendre et les mobilisations n’ont fait que grossir. Parallèlement, les critiques à l’égard du chef de l’Etat se sont multipliées sur l’orientation économique et sociale et les tentatives de diversion visant à changer le terrain du débat.

A quoi pensez-vous ?

Durant l’été, Nicolas Sarkozy a choisi de braquer les projecteurs sur la sécurité, la délinquance et l’immigration dans une vision strictement électoraliste avec des insinuations condamnables. Cela suscite l’indignation au-delà même des clivages politiques traditionnels. Jusqu’à présent, ce registre était réservé dans notre pays au Front national. La CGT est d’ailleurs partie prenante de l’appel à la manifestation du 4 septembre pour la défense des droits de l’homme. Je serai présent.

Eric Woerth est-il, selon vous, à même de mener la réforme des retraites jusqu’au bout ?

Dans un premier temps, nous n’avons pas considéré qu’il était de notre ressort de commenter les différentes péripéties du ministre du Travail. Aujourd’hui, il est au cœur de la polémique et en sursis comme tous les ministres avant le remaniement ministériel. Cela ne facilite pas la tâche des syndicats. Tout ce qu’on peut dire sur le projet de loi risque de passer au second plan. Parce que la consigne est de « défendre le soldat Woerth ». Voilà des motifs d’exaspération supplémentaires qui nécessitent la participation du plus grand nombre à la journée d’action du 7 septembre.

Tout le monde s’attend à une forte journée d’action. N’est-ce pas crier trop vite victoire ?

Nous avons déjà fait deux millions de manifestants le 24 juin sans Force ouvrière. Avec FO, ce serait logique qu’on fasse plus. Il reste quelques jours pour convaincre le plus grand nombre de mécontents que les carottes ne sont pas cuites. Le gouvernement va bien sûr essayer de dissuader les Français en continuant à dire qu’il ne changera rien sur l’essentiel. C’est-à-dire : la retraite à 62 ans et le recul de 65 ans à 67 ans de l’âge ouvrant droit à une retraite à taux plein. Nous allons tout faire pour que cette journée soit la plus impressionnante possible et que le président de la République prenne enfin la véritable mesure de la situation. Et si malgré cela Nicolas Sarkozy reste sourd, nous envisagerons des suites rapidement. Les syndicats feront le point dès le 8 septembre.

Quelles sont vos intentions concernant l’après 7 septembre ?

La CGT lancera des appels à des assemblées générales de personnel dans un maximum d’endroits pour en discuter avec les salariés. Certains syndicats cherchent à compenser leurs difficultés d’audience ou d’influence auprès des salariés par des mots d’ordre d’apparence plus radicale. Pour nous, la bonne stratégie syndicale, c’est celle qui entraîne au moment opportun le plus grand nombre de salariés.

L’unité retrouvée avec FO est-elle durable ?

Les uns et les autres nous portons des propositions ou des visions différentes. Mais nous sommes soudés par notre opposition claire à l’abandon du droit au départ à la retraite à 60 ans, soudés contre une réforme injuste et inefficace. L’important, c’est de pouvoir réunir nos forces pour combattre jusqu’au bout cette réforme gravissime qui vise à baisser le montant des pensions versées aux générations futures pour répondre aux injonctions des marchés. Nous avons bien réussi avec le CPE à inventer dans ce pays cette formule d’une loi votée et promulguée qui n’a jamais été appliquée. Le gouvernement ne sera donc pas au bout de ses peines s’il persiste après le 7 septembre.

De nouvelles grèves alors que l’avenir économique est incertain. Est-ce du syndicalisme responsable ?

Que dire alors de l’image de la France diffusée aujourd’hui par le gouvernement, du comportement de certains de ses ministres et des déclarations présidentielles ? C’est nettement plus dévastateur que les appels à la grève lancés par les syndicats comme dans d’autres pays d’Europe en ce moment.


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